1) Généralité 1
Déf : Tout usage de cannabis est un mésusage. L’addiction au cannabis répond à des critères spécifiques. (Cf. Fiche addictions)
Types et présentations : Le cannabis se présente sous différentes formes :
– herbe, résine ou huile (qui se consomment le plus souvent fumés avec du tabac),
– pipe, pipe à eau (bang, douille),
– ingérée dans une préparation pâtissière (space cake).
On peut y rattacher la consommation de cannabinoïdes de synthèse
Physiopathologie : Le principe actif du cannabis est le δ9-THC (δ9-tétra-hydro-cannabinol). Les récepteurs CB1 et CB2 sur lesquels cette molécule est active régulent la transmission glutamatergique et GABAergique.
Epidémiologie : donnés françaises,
– Expérimentation (sex-ratio = 1) : 45% à 17 ans, 17 millions au total
– Consommation régulière (surtout masculine) : 1,4 millions de personnes consomment ≥ 10 fois par mois
2) Diagnostic 1
Le diagnostic d’addiction repose sur les critères spécifiques du CIM10
Clinique | PARACLINIQUE |
---|---|
Interrogatoire Syndrome d’intoxication aigüe (euphorie, modifications des perceptions sensorielles, hyperhémie conjonctivale) Syndrome de sevrage (irritabilité, dépression, trouble du sommeil) |
Test sanguin, salivaire ou urinaire |
A ) Clinique
Comme pour toute addiction, on retrouve :
– des symptômes comportementaux
– une répercussion sociale et/ou médical
– des symptômes pharmacologiques (sevrage)
-
Syndrome d’intoxication aigue
Apparition en 15-20 min si fumé, environ 4h si ingéré
Signes neuropsychiques :
– Euphorie modérée, sentiment de bien-être ± sédation
– Troubles du jugement, retrait social temporaire
– Anxiété, parfois jusqu’aux idées de référence (« parano »)
– Modification des perceptions sensorielles et temporelle, hallucinations
– Trouble de la mémoire à court terme et de l’attention
– Effet orexigène (augmentation de l’appétit)
Signes physiques :
– Altération de la coordination motrice, troubles de l’équilibre
– Hyperhémie conjonctivale
– Sensation de bouche sèche
– Tachycardie
-
Signes d’intoxication chronique
On retrouve les signes relatifs aux complications. Les principaux signes cliniques visibles sont :
– Altération des performances cognitives (troubles de la mémoire, des fonctions exécutives, difficultés attentionnelles)
– Syndrome amotivationnel (indifférence affective, désinvestissement des relations sociales, baisse des performances scolaires ou de travail)
-
Syndrome de sevrage
Touche 10 à 40% des usagers, surtout les consommations importantes et régulières. Apparition en 24-72h après arrêt, maximum pendant la première semaine. La plupart des symptômes s’estompent en 2 semaines, les troubles du sommeil peuvent durer jusqu’à 1 mois.
Signes neuropsy :
– Irritabilité, agressivité, anxiété, nervosité, impatience
– Humeur dépressive
– Troubles du sommeil : insomnies, cauchemars
– Diminution de l’appétit / perte de poids
Signes physiques :
– Douleurs abdominales voire vomissements
– Sudation excessive, fièvre, frissons
– Tremblements
– Céphalées
B ) Paraclinique 2
Le diagnostic d’addiction est clinique.
Une consommation aigüe (+/- récente) peut être détecté par un test sanguin, salivaire ou urinaire. La détection peut se faire soit de manière qualitative (screening 0), soit de manière quantitative (mesure du taux précis). La durée de positivité dépend du type de consommation et du test, elle est présenté dans le tableau ci-dessous :
test | Durée de présence |
---|---|
Sang | usage occasionel : 2 à 8 heures (72h pour le THC-COOH) usage intensif et quotidien : jusqu’à 1 mois |
Urine | usage occasionnel : 3 à 5 jours usage régulier : 30 à 70 jours |
Salive | usage occasionnel : 6 à 8 heures ; usage intensif et quotidien : jusqu’à 24h (voire 8 jours) |
C ) Diagnostic différentiel
Autres addictions. Voir les fiches OD :
– syndrome d’intoxication aigüe
– syndrome de sevrage
3) Evolution 1
-
Complications non psychiatriques
Atteintes | Complications |
---|---|
Pulmonaire | – Bronchodilatation immédiate et transitoire – Bronchite chronique |
Cardiovasculaire | – Augmentation du débit cardiaque et cérébral, hypotension artérielle – Vasodilatation périphérique – Bradycardie – Maladie de Buerger – Syndrome coronarien |
Carcinogénicité | – Cancer des VADS (association tabac) – Cancers broncho-pulmonaires |
Ophtalmologique | – Photosensibilité – Hyperhémie conjonctivale – ± mydriase |
Traumatologique | – Troubles de la coordination motrice, accidentogène (surtout si association à l’alcool) 0 |
-
Complications psychiatriques
Trouble psychotique induit :
– Survient pendant l’intoxication ou jusqu’à 1 mois après celle-ci
– Symptomatologie, risque évolutif et traitement similaire au trouble psychotique bref (si arrêt de l’intoxication)
Troubles anxieux : attaques de panique (« bad trip ») qui peuvent conduire à des troubles anxieux généralisés si elles sont répétées
Trouble dépressif : risque augmenté chez l’utilisateur régulier
Autres complications / comorbidités psychiatriques : Le cannabis joue ici un rôle de facteur déclenchant, sans lien de cause à effet établi 0
>Schizophrénie :
– Chez les sujets vulnérables : précipitation de l’entrée dans la maladie (risque modulé par la précocité et l’intensité de la consommation, et les ATCD familiaux de psychose)
– Chez les sujets atteints : altération de l’évolution (aggravation des symptômes productifs, épisodes et hospitalisations plus fréquents)
>Trouble bipolaire : risque d’aggravation d’un trouble existant (états maniques, cycles rapides)
4) PEC 1
A ) Bilan
Bilan de la dépendance : histoire, parcours de soins, co-dépendances
Bilan des complications psychiatriques ou non
B ) Traitement
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Mesures générales
– PEC pluridisciplinaire : évaluation psychiatrique, médicale générale et sociale.
– PEC des comorbidités, aide à l’arrêt du tabac et des Coaddictions.
– Entretien motivationnel, psychothérapies (TCC).
– Thérapies familiales multidimensionnelles (jeunes consommateurs ++).
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Traitement (symptomatique) de l’intoxication aigüe
– Angoisse majeure ou agitation : anxiolytiques (antihistaminiques type hydroxyzine en 1ère intention, éviter les BZD,).
– Symptômes psychotiques : antipsychotiques.
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Traitement (symptomatique) du syndrome de sevrage
Anxiolytiques (idem intoxication aiguë)
Une réponse à “Addiction au cannabis”
Il existe beaucoup de revue sur l’utilisation du cannabis. Entre-autre une grosse revue allemande, CAPRIS, dont les principales infos sont reprises ici (malheureusement seulement en Allemand).
Principales conclusions :
– très peu de données robustes +++
– Aucun effet thérapeutique validé (même pour la SEP)
– Diminution des fonctions cognitives en aigü, mais à priori réversible.
– Risque carcinologique : uniquement le cancer du testicule non-seminomateuse
– Risque pour le foetus
– Augmentation trouble psy (panique, dépression, trouble bipolaire…)