Cette fiche reprend uniquement les particularités propres à cette addiction. Voir la fiche Addiction :vue d’ensemble pour les généralités.
1) Généralité 1
Déf : Tout usage d’opiacés (sauf médicaments) est considéré comme un mésusage. L’addiction aux opiacés répond à des critères spécifiques.
Types : La famille des opiacés comprend des membres :
– « Naturels » : morphine
– Semi-synthétiques : héroïne (injectée ++, fumée, sniffée)
– Synthétiques à action morphinique : codéine, méthadone, oxycodone, fentanyl, les nouveaux produits de synthèses (NPS), etc.
Physiopathologie : Les opiacés ont en général une action analgésique, anesthésique, antidiarrhéique et antitussive.
Epidémiologie : donnés françaises
– Première consommation à 17-23 ans en moyenne
– Prévalence : 180.000 consommateurs réguliers d’héroïne, 110.000 patients sous buprénorphine, 50.000 sous méthadone
– Sex-ratio masculin : 3/1
2) Diagnostic 1
Le diagnostic d’addiction repose sur les critères spécifiques du CIM10
Clinique | PARACLINIQUE |
---|---|
Interrogatoire Syndrome d’intoxication aigue (flash, somnolence, coma avec myosis) Syndrome de sevrage (anxiété, syndrome pseudo-grippal) |
Test sanguin, salivaire ou urinaire |
A ) Clinique
Comme pour toute addiction, on retrouve :
– des symptômes comportementaux
– une répercussion sociale et/ou médical
– des symptômes pharmacologiques (sevrage)
-
Signes d’intoxication aigue
Signes neuropsy : se déroule en 3 phases :
– Immédiat : Flash = sensation de bien-être intense (durée < 30 minutes en général)
– 2-5 h : Somnolence, apathie
– Plus tardivement : Anxiété, troubles cognitifs (troubles mnésiques et de l’attention)
Signes physiques = Overdose :
– Coma stuporeux hypotonique, aréflexique avec myosis serré
– Hypothermie
– Dépression respiratoire (bradypnée, dyspnée de Cheynes-Stocke)
– Troubles cardiaques (bradycardie, hypotension, troubles du rythme, choc cardiogénique)
– Troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales)
– Prurit
-
Signes d’intoxications chroniques
On retrouve les signes relatifs aux complications
-
Syndrome de sevrage
L’intensité du syndrome de sevrage dépend du caractère agoniste fort ou faible de l’opiacé utilisé, des doses utilisées et de la demi-vie de la molécule utilisée :
– Héroïne (1/2-vie courte) : apparition en 6-12h, dure 3 à 7 jours
– Méthadone (1/2-vie longue) : apparition en 2-4 jours, dure jusqu’à 3 semaines
Certains signes peuvent persister plus longtemps : anxiété, dysphorie, anhédonie, insomnie.
Signes neuropsy :
– Anxiété jusqu’à attaque de panique
– Irritabilité, agressivité, insomnie
– Craving = sensation irrépressible de manque
Signes physiques :
– syndrome pseudo-grippal : frissons, tremblements, myalgies ± contractures
– Anorexie, douleurs abdominales, diarrhée, nausée / vomissements
– Signes neurovégétatifs : bâillements, larmoiements, rhinorrhée, mydriase bilatérale, tachycardie, HTA.
B) Paraclinique 2
Le diagnostic d’addiction est clinique.
Une consommation aigüe (+/- récente) peut être détectée par un test sanguin, salivaire ou urinaire. La détection peut se faire soit de manière qualitative (screening 0), soit de manière quantitative (mesure du taux précis). La durée de positivité dépend du type de consommation et du test, elle est présenté dans le tableau ci-dessous :
TEst | durée de présence |
---|---|
Urinaire | 1 à 2 jours |
Sanguin |
quelques heures (moins de 24 heures) |
Salivaire |
quelques heures (moins de 12 heures) |
Signes biologiques d’appel en cas de sevrage :
– Hémoconcentration avec hyperleucocytose.
– Hyperglycémie.
C) Diagnostic différentiel 0
Autres addictions. Voir les fiches OD :
– syndrome d’intoxication aigüe
– syndrome de sevrage
3) Evolution 1
Les complications peuvent survenir dès la 1ère prise, et il n’existe pas de seuil de dose en dessous duquel les risques seraient négligeables.
-
Complications non psychiatriques
Atteintes | Complications |
---|---|
Complications communes | – Overdose +++ – Amaigrissement – Lésions dentaires – Aménorrhée avec ou sans infertilité – RCIU, fausses couches – Nouveau-né : syndrome de sevrage aux opiacés |
Complications spécifiques à la voie nasale | – Lésions de la cloison nasale et du palais – Infections naso-sinusiennes |
Complications spécifiques à la voie IV | Lésions d’injection : marques d’injection sur la partie inférieure des mb supérieurs, veines sclérosées, parfois utilisation des veines des jambes, du cou, des lombes Infections locales : cellulites, lymphangites, abcès Infections générales : endocardite, candidose ophtalmique ou articulaire, VHB, VHC, VIH |
-
Complications psychiatriques
– Episode dépressif caractérisé
– Troubles anxieux induits
– Episodes délirants aigus induits (pharmacopsychose)
Comorbidités :
– Coaddictions : alcool, cocaïne, BZD
– Troubles de la personnalité : antisociale, borderline, évitante.
– Stress post-traumatique, trouble bipolaire et schizophrénie
4) PEC 1
A) Bilan
Bilan d’une addiction aux opiacés |
---|
Bilan de la dépendance : histoire, parcours de soins, co-dépendances, recherche de comportements à risque liés au craving (vols, prostitution, trafic…) |
Bilan des comorbidités psychiatriques ou non |
Bilan infectieux en cas de surdosage – Echographie Trans thoracique – Rx thorax – Hémocultures, prélèvements aux points d’injection, ECBU – Sérologies VHB, VHC, VIH |
B) Traitement
-
Mesures générales
– PEC pluridisciplinaire adaptée au patient et à ses attentes
– Entretiens motivationnels, psychothérapies
– PEC individuelle ou en groupe, suivi au long cours en centre spécialisé
– Le sevrage est contre-indiqué chez la femme enceinte (risque de fausse couche), substitution en urgence
⇒ Une hospitalisation peut être requise en cas de co-addiction ou de comorbidités
-
Traitement de l’intoxication aigüe (surdosage)
Modalités :
– Hospitalisation en réanimation
– Voie Veineuse Périphérique : macromolécules puis G5% + NaCl et KCl
– Surveillance : scope, FC, FR, conscience, saturation en 02, température
Traitement spécifique : Naloxone (Narcan ®) = antagoniste des récepteurs morphiniques
– IV : 0,4-0,8 mg en IVD toutes les 20 minutes jusqu’à reprise du rythme respiratoire (max 24 mg/12h), maintenu à la seringue électrique aussi longtemps que nécessaire (jusqu’à plusieurs jours si intoxication à la Méthadone)
– Dispositifs par voie intra-nasale bientôt disponibles
Autres traitements :
– PEC respiratoire : ventilation au masque voire intubation
– Convulsions : 1 ampoule de diazépam IM
– Hypoglycémie : resucrage
– Suspicion d’infection : Antibiothérapie probabiliste
-
Traitement de substitution opiacé : (TSO) +++
3 molécules ont l’AMM en France, ce sont des traitements proposés pour quelques mois, années ou à vie selon le degré de dépendance et le choix de PEC du patient. Les TSO sont efficaces à condition d’être intégrés dans un cadre thérapeutique associant le contrôle de la délivrance, les dosages urinaires et une posologie adaptée.
Chrolhydrate de méthadone | Buprénorphine haut dosage (Subutex ®) | Buprénorphine haut dosage et naloxone (Suboxone ®) | |
---|---|---|---|
Mécanisme | Agoniste des récepteurs aux opiacés | Agoniste partiel des récepteurs aux opiacés | Agoniste partiel des récepteurs aux opiacés associé à un antagoniste des récepteurs aux opiacés |
Formes | Sirop : 5 à 60 mg / dose
Gélules : 1 à 40 mg |
Cp sublinguaux à 0,4 ; 2 ou 8 mg | Cp sublinguaux à 2 ou 8 mg |
Prescripteur | Sirop : prescription initiale en établissement de santé ou centre spécialisé
Gélules : prescription initiale réservée aux médecins CSAPA ou services spécialisés. Seulement en relai de la forme sirop après 1 an de traitement |
Tout médecin |
|
Posologie initiale | Uniquement sirop
20-30 mg ≥ 10h après la dernière prise Puis paliers de 10 mg / semaine |
0,8 à 4 mg / j ≥ 4h après la dernière prise ou lors de l’apparition des signes de manque
Puis paliers de 1-2 mg/j |
2 à 4 mg / j ≥ 4h après la dernière prise ou lors de l’apparition des signes de manque
Puis paliers de 2 mg/j |
Posologie d’entretien | Habituellement 60 à 100 mg/j | 8 mg/j en moyenne
16 mg/j max |
8 mg/j en moyenne
24 mg/j max |
Durée max. de prescription | Sirop : 14j
Gélules : 28j |
28j | 28j |
Points communs | Indications : Traitement substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés dans le cadre d’une prise en charge pluridimensionnelle Prescription sécurisée Modalités de rédaction : nom, poso et durée en toutes lettres + mention du nom du pharmacien sur l’ordonnance Délivrance fractionnée par périodes de 7j sauf mention expresse du prescripteur (« délivrance en une seule fois ») |
-
Traitement du syndrome de sevrage
Selon les symptômes, si absence de TSO :
– Antalgiques non-opiacés
– Antispasmodiques
– Antiémétiques
– Antidiarrhéique
– Anxiolytiques (de préférence non BZD) : antipsychotiques sédatifs (cyamémazine) ou antihistaminiques (hydroxyzine) ± antihypertenseur type clonidine en milieu hospitalier
C ) Prévention
Prévention primaire : Eviter la première consommation de substances
psychoactives ou la retarder et agir sur les consommations précoces.
Prévention secondaire: Eviter le passage à une dépendance.
Prévention tertiaire : Prévenir les risques et réduire les dommages liés à la consommation.
4 réponses à “Opiacé : mésusage et addiction”
Info sur le traitement par subutex sur l’HAS (un peu vieux, mais à priori toujours actuel) : Commission de la transparence, 7 novembre 2001
Pour le syndrome de sevrage, peut on faire une prescription dégressive de Subutex (début à 2-4mg/j puis décroissance progressive sur 10j) ? J’ai vu ca dans un service de psychiatrie, mais le ref. n’en parle pas…
Dans le tableau sur les TSO, il faut surement comprendre pour la case « durée max. de prescription » la durée max. de prescription sur une ordonnance. A mon sens, un patient peu recevoir des années un TSO.
Il existe des Nouvelles poso du SUBUTEX (modification de l’AMM).
Points importants :
– début entre 2 et 4mg
– poso max 24mg
Est ce que cela change les recos ?!