1) Généralité 1A
Déf 1B : L’adénocarcinome pancréatique est une tumeur maligne développée aux dépens des cellules des canaux excréteurs du pancréas.
Epidémio
– Incidence (Fr, 2012) : > 11.000 cas soit 4 / million / an, en augmentation, 2e cancer digestif le plus fréquent
– 90 % des tumeurs solides dans cette localisation
– Age moyen de survenue = 60-70 ans, sex-ratio proche de 1
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Association ictère + douleur pancréatique + AEG Présentations atypiques : tableau d’angiocholite, pancréatite aiguë, occlusion, phénomènes thrombotiques, dépressif |
Echo, TDM , écho-endoscopie Biopsie indispensable sauf traitement curatif |
A ) Clinique
- Facteurs de risque
FdR exogènes | FdR endogènes |
---|---|
.Tabac = seul facteur environnemental bien établi, synergique avec la prédisposition endogène (RR = 5 si ATCD familial au 1er degré d’ADK pancréatique et tabac) .Obésité .Facteurs alimentaires (graisses, café) : rôle plus faible, discuté |
.Diabète .Pancréatite alcoolique (5 % de risque après 20 ans d’évolution) .Pancréatite chronique héréditaire (PCH, 40 % de risque cumulé à 50 ans) .Lésions précancéreuses : – TIPMP, cystadénome mucineux surtout – PanIN 1B : non-détectables en imagerie, 3 grades histologiques .Formes héréditaires à transmission dominante .ATCD familiaux au 1er degré (RR = 9 si 1 parent atteint, 32 si 2 parents atteints) .Autres associations syndromiques : sein-ovaire familial (BRCA2), mélanome (FAMMM sd), polypose hamartomateuse du TD (sd de Peutz-Jeghers), cancer du côlon non-polyposique (sd de Lynch) |
- Examen physique
3 signes les plus fréquents : associés dans 1/3 des cas au moment du diagnostic
– Ictère : rétentionnel, progressif, avec souvent prurit et vésicule biliaire tendue
– Douleur épigastrique : « solaire », transfixiante, progressive, insomniante, traduisant un envahissement local important
– AEG : amaigrissement massif et rapide (parfois plusieurs dizaines de kg en 2-3 mois)
Symptômes atypiques
– Ictère avec angiocholite : fièvre, frissons, sepsis
– Douleur absente ou simple irradiation dorsale
– Pancréatite aiguë (< 10 % des cas)
– Vomissements, occlusion en cas de tumeur évoluée avec sténose duodénale ou carcinose péritonéale
Formes cliniques
– Localisation partie gauche du pancréas : plus rare, révélation tardive par des douleurs
– Révélation par des métastases hépatiques
– Révélation par l’apparition ou l’aggravation d’un diabète (± signes digestifs associés) après 40 ans
– Révélation par des phénomènes thrombotiques (phlébite « spontanée »)
– Révélation par une dépression
B ) Paraclinique
Aucun dépistage en population générale n’a démontré d’efficacité, en raison du manque d’examen fiable et facile à réaliser (aucun intérêt au dosage sérique du CA 19.9 dans ce cadre), et de l’absence de traitement préventif connu (en dehors de l’arrêt du tabac et de la résection de lésions précancéreuses).
Les seules situations où un dépistage (IRM, TDM, écho-endoscopie) peut être proposé sont
– Les TIPMP
– Les formes héréditaires et la PCH (consultation en onco-génétique)
Marqueurs biologiques
– CA 19.9 : intérêt diagnostique limité, ni sensible (en particulier pour les petites tumeurs) ni spécifique (faux + en cas de cancer digestif d’autre localisation, de cancer ovarien, de cholestase, de diabète)
– Aucun intérêt au dosage de la lipasémie
Imagerie
– Echographie 1ère intention : performances moins élevées chez le patient obèse et pour les lésions de la queue du pancréas (lésion très hypo-échogène 0)
– TDM ++ (injecté et non injecté) : signes directs (masse hypodense, mal limitée, difficile à repérer si < 2 cm), signes indirects (dilatation de la voie biliaire ou du canal pancréatique)
– Echo-endoscopie : utile en cas de doute au scanner ou de petite tumeur, permet d’obtenir le diagnostic histologique en guidant la ponction
Histologie
– Indispensable avant tout traitement palliatif (80 % des cas), néoadjuvant ou de doute diagnostique ; pas indispensable lorsqu’un traitement chirurgical est envisagé
– Guidée par écho-endoscopie de préférence en l’absence de métastases, ou sous contrôle échographique ou scanographique
– Sensibilité proche de 80 %, mais mauvaise VPN conduisant à répéter l’examen en cas de négativité initiale
C ) Diagnostic différentiel
Pancréatite chronique atypique
Autres tumeurs pancréatiques
– Tumeurs endocrines pancréatiques
– Kystes pancréatiques
– Métastase hépatique
3) Evolution 1A
Au moment du diagnostic, 20 % des tumeurs sont considérées résécables (mais parmi celles-ci, 10 % sont associées à une carcinose péritonéale ou à des métastases hépatiques indécelables en pré-opératoire), 30 % sont localement avancées (interdisant une résection chirurgicale), et 50 % sont d’emblée métastatiques.
La survie à moyen terme s’améliore avec les progrès récents de la chimiothérapie, l’amélioration des soins de support et une meilleure sélection des malades pour la chirurgie.
Facteurs pronostiques 1B
– Stade TNM
– Présence de lésions de néoplasie intra-épithéliale pancréatique (PanIN)
– Envoles vasculaires, infiltration périnerveuse
Survie
– 5 % de survie globale à 5 ans
– Médiane de survie entre 6 et 9 mois si le cancer est métastatique, 9-12 mois pour une tumeur localement avancée sans métastase
– Pour un cancer réséqué, la médiane de survie atteint 18-24 mois, la survie à 5 ans 20-30 % pour une résection R0
4) PEC 1A
A ) Bilan
Bilan d’extension
– TDM injecté : recherche des signes d’envahissement vasculaire artériel (tronc coeliaque, mésentérique sup., hépatique), veineux (porte, mésentérique sup.), de métastases (rétro-péritonéale, hépatique, pulmonaire, ganglionnaire)
– IRM hépatique à la recherche de métastase(s) systématique si tumeur résécable
– ± Echo-endoscopie en cas de doute sur une extension vasculaire et surtout ganglionnaire, et lorsqu’une biopsie est nécessaire
Recherche de complications : γ-GT, PAL (cholestase), glycémie à jeûn (diabète)
Classification (TNM AJCC 2017) 2
CLASSIFICATION TNM AJCC 2017 | ||
T (Taille de la tumeur, mesurée dans sa plus grande dimension) | T1 : tumeur ≤ 2 cm | T1a : tumeur ≤ 0,5 cm |
T1b : tumeur > 0,5 cm et < 1 cm | ||
T1c : tumeur > 1 cm et ≤ 2 cm | ||
T2 : tumeur > 2 cm et ≤ 4 cm | ||
T3 : tumeur > 4 cm | ||
T4 : tumeur envahissant l’axe cœliaque, l’artère mésentérique supérieure, et/ou à l’artère hépatique commune. | ||
N (Adénopathies régionales) | N0 : pas de métastase ganglionnaire régionale | |
N1 : 1 à 3 ganglions régionaux métastatiques | ||
N2 : ≥ 4 ganglions régionaux métastatiques | ||
M (Métastases à distance) | M0 : pas de métastase à distance | |
M1 : présence de métastase(s) à distance |
B ) Traitement
Traitement curatif
– Résection chirurgicale = seule chance de survie prolongée : duodéno-pancréatectomie céphalique (tumeur de la tête), spléno-pancréatectomie gauche (tumeur du pancréas gauche) 1A. La chirurgie est CI en cas d’atteinte artérielle (hépatique, tronc coeliaque, mésentérique sup) ou veineuse étendue (mésentérique sup, tronc porte) 0.
– Chimiothérapie adjuvante : améliore la survie sans rechute et la survie à 5 ans (20 % contre 10 % sans chimio adjuvante)
– Chimio- et radiochimiothérapie néoadjuvantes : pas d’attitude consensuelle
Traitement palliatif (80 % des patients)
– Chimiothérapie si l’état général le permet : 40 % de réponse, amélioration de la survie médiane (de qq semaines à 9 mois)
– En cas d’obstacle biliaire : prothèse biliaire efficace dans 90 % des cas
– En cas de sténose duodénale : prothèse métallique expansive efficace dans 80 % des cas
– Les traitements chirurgicaux palliatifs (dérivation bilio-digestive, gastroentérostomie) doivent être limités au maximum au profit de l’endoscopie
– Antalgiques de niveau adapté (souvent palier 3)
– Maintien de l’état nutritionnel : compléments alimentaires, nutrition parentérale, solutés nutritifs
– PEC psychologique
C) Suivi
Le dosage du CA 19.9 peut être utile pour le suivi sous traitement.