1) Généralité 1A
Déf : l’agranulocytose médicamenteuse est un accident iatrogénique aboutissant à une absence totale de polynucléaires neutrophiles du sang circulant (en pratique, neutropénie < 0,5 G/L)
Physiopathologie : 2 grands mécanismes
Toxicité médullaire (centrale) : hypo- puis aplasie médullaire par atteinte des progéniteurs, débutant sélectivement par la lignée granulocytaire, aboutissant à une pancytopénie. C’est un effet « attendu » des chimiothérapies cytotoxiques, ou beaucoup plus rarement un accident imprévisible (psychotropes notamment).
Agranulocytose aiguë médicamenteuse (périphérique) : mécanisme immuno-allergique intéressant uniquement la lignée granulocytaire. Nécessite une ‘sensibilisation’ au médicament (prise sur plusieurs jours, ATCD même lointain de prise). La toxicité est indépendante de la dose administrée.
Epidémiologie
– 2,4 % des accidents iatrogéniques
– Les agranulocytoses aiguës ont une incidence de 2-16 cas / million / an, et touchent principalement les femmes adultes
Médicaments en cause dans les agranulocytoses aiguës
– Clozapine
– Défériprone
– Anti-thyroïdiens de synthèse (ATS)
– ATB : carbimazole, dapsone, pénicilline G à fortes doses
– Autres : diprydone, ticlopidine, procaïnamide, rituximab, sulfasalazine
– Dérivés du pyramidon et de la phénylbutazone (historique) : leur retrait du marché a fortement diminué l’incidence des agranulocytoses aiguës
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
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Prise médicamenteuse Tableau infectieux brutal, ulcérations muqueuses |
Hémogramme : PNN < 0,5 G/L ± anémie et thrombopénie si toxicité médullaire Myélogramme : précurseurs granuleux uniquement (myéloblastes, promyélocytes) |
A ) Clinique
-
Anamnèse
Signes fonctionnels : asymptomatique ou tableau infectieux brutal (quel que soit le mécanisme)
-
Examen physique
Signes physiques
– Signes infectieux : fièvre, infection localisée ou sepsis parfois résistant au traitement
– Lésions ulcéro-nécrotiques hyperalgiques, creusantes, pouvant intéresser toutes les muqueuses (angine ulcéro-nécrotique ++)
B ) Paraclinique
Hémogramme
– Neutropénie profonde < 0,5 G/L ou agranulocytose vraie < 0,2 G/L
– Toxicité médullaire : leucopénie nette avec une agranulocytose ± totale, anémie et thrombopénies constantes en cas de chimiothérapie (pancytopénie ± sévère)
– Agranulocytose aiguë (immuno-allergique) : agranulocytose souvent complète ± lymphopénie, normalité des autre lignées
Myélogramme ± BOM : indispensable devant toute agranulocytose sauf post-chimio
– Lignée granulocytaire : totalement absente ou présence exclusive de précurseurs (myéloblastes et promyélocytes)
– Respect des mégacaryocytes, érythroblastes, lymphocytes et plasmocytes
– La BOM est indispensable en cas de pancytopénie sans diagnostic étiologique établi par l’anamnèse et le myélogramme, malgré le risque infectieux
C ) Diagnostic différentiel
Peu de différentiels en pratique dans le cadre d’une agranulocytose acquise et isolée de l’adulte.
Leucémies aiguës et myélodysplasies : précurseurs anormaux au myélogramme
Agranulocytose secondaire à un sepsis sévère : exceptionnel
Neutropénie physiologique du sujet noir (rarement < 0,5 G/L)
3) Evolution 1A
A) Histoire naturelle
– Durée variable de l’agranulocytose au décours d’une chimiothérapie (quelques jours à semaines) selon l’intensité de la chimiothérapie et des facteurs individuels.
– Les agranulocytoses aiguës disparaissent généralement à 8-10j de l’arrêt du médicament en cause.
B) Complications
– sepsis, choc septique, CIVD
– Pronostic : 5 % de décès même si la PEC est précoce et adaptée.
4) PEC 1A
A ) Bilan
Tests biologiques de confirmation (imputabilité) : il n’existe aucun test utilisé en pratique quotidienne
– Culture prolongée des progéniteurs médullaire avec et sans sérum du patient / médicament
– Recherche d’anticorps anti-granulocytes par immunofluorescence ou techniques immunoenzymatiques
Bilan en cas d’agranulocytose médicamenteuse fébrile
– Hospitalisation immédiate !*
– 2 à 3 paires d’hémocultures à 30 minutes d’intervalle
– Radio pulmonaire systématique
– ± Autres prélèvements infectieux orientés par la clinique
* Cette attitude peut être modulée en cas de neutropénie post-chimiothérapie de faible risque (durée < 7), en l’absence de critères de gravité et si une surveillance à domicile est possible.
B ) Traitement
-
Mesures générales
Agranulocytoses « attendue » des chimiothérapies : ± prescription de facteurs de croissance hématopoïétiques de type G-CSF (hors AMM)
Agranulocytoses accidentelles
– Déclaration obligatoire en pharmaco-vigilance +++
– Arrêt immédiat et définitif du médicament responsable, délivrance d’un certificat
– En l’absence de restauration spontanée, le traitement sera celui des aplasies médullaires graves (allogreffe de CSH 0)
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PEC d’une agranulocytose médicamenteuse fébrile
Voir l’item 187 – fièvre chez un patient immunodéprimé