1) Généralités 1A
Déf : parasitose digestive due à un parasite protozoaire flagellé, Entamoeba histolytica
Physiopathologie : Entamoeba histolytica existe sous deux formes : la forme kystique (sphérique, 10-15 μm de diamètre, forme favorisant la dissémination et responsable de l’amoebose infestation) et la forme trophozoïte ( forme végétative, 20-40 μm de diamètre, mobiles et responsable de l’amoebose maladie : amoebose intestinale aiguë et amoebose tissulaire 1B).
L’homme se contamine lors de l’ingestion des kystes : c’est l’amoebose infestation (simple portage asymptomatique).
Les kystes se transforment en trophozoïtes dans le colon, sous l’action des sucs digestifs, lesquels sont éliminés dans le bol fécal sous forme de kystes.
Le trophozoïte, reste dans la lumière du colon où il se multiplie par scissiparité. Dans certaines circonstances (inconnues 1B), certains trophozoïtes deviennent histolytiques et à la paroi colique par l’intermédiaire de lectines. Les cellules humaines touchées sont tuées et détruites en quelques minutes par la formation de pores dans leur membrane. La production d’enzymes protéolytiques par les amibes favorise leur diffusion dans la muqueuse et la sous-muqueuse colique, entraînant un épaississement œdémateux, la formation de multiples ulcérations, d’abcès « en bouton de chemise », de plages de nécrose et parfois de perforations intestinales : c’est l’amoebose intestinale aiguë ( AIA)
La poursuite de l’infection et la diffusion éventuelle à d’autres tissus (foie, puis poumons, cerveau, etc.) dépendant en partie de la réponse immunitaire locale de l’hôte (rôle aggravant des corticostéroïdes) : c’est l’amoebose tissulaire.
Au cours de l’invasion de la paroi colique, les amibes peuvent entraîner des effractions de la microvascularisation et diffuser par voie hématogène dans le système porte. Les amibes adhèrent ensuite à la paroi des capillaires hépatiques et détruisent le parenchyme hépatique de façon centrifuge, réalisant un abcès amibien du foie. L’extension pleuropulmonaire est possible 1B. L’abcès amibien du foie domine l’amoebose tissulaire et constitue l’amoebose hépatique (AH).
La localisation hépatique est toujours secondaire à une contamination colique, mais elle peut apparaître à distance de l’épisode dysentérique (quelques mois voire quelques années 1B), qui peut ne pas être retrouvé à l’anamnèse.
Épidémiologie
– Transmission
. transmission indirecte via l’alimentation ou les eaux souillées
. transmission directe manuportage ou pratiques sexuelles oro-anales (contamination féco-orale, HSH ++)
– Données épidémiologiques
. 2e rang des infections parasitaires en terme de mortalité derrière le paludisme (mortalité estimée à 40000-100000 personnes/an)
. amoebose intestinale (tous les âges ++), amoebose hépatique : homme de 18-50 ans ++
. endémique dans les régions chaudes et humides 1B
. épidémiologie et distribution des cas liées à la prévalence de l’infection et aux conditions socio-sanitaires (milieu rural pauvre, bidonvilles, niveau d’hygiène collective faible, etc.) dans les zones de forte transmission
– Données françaises 1B :
. pathologie du voyageur et du migrant, HSH, sujets institutionnalisés vivant dans des structures d’hébergement collectif
Note : les sujets immunodéprimés ne sont pas à risque particulier pour l’amoebose et ne font pas plus de formes symptomatiques que le reste de la population.
2) Diagnostic
Clinique | Paraclinique |
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AIA : syndrome dysentérique non fébrile AH : tableau d’hépatalgie fébrile |
AIA : Examen parasitologique des selles AH : sérologie |
A ) Clinique 1A
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Amoebose intestinale
– Absence de fièvre, état général conservé au début
– Syndrome dysentérique
. diarrhée afécale glairo-sanglante
. douleurs abdominales à type d’épreinte et de ténesme
– Abdomen sensible à la palpation, toucher rectal douloureux, foie normal.
Forme subaiguë fréquente avec selles molles peu nombreuses ou simple perte de selle moulée quotidienne 1B
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Amoebose hépatique
Incubation : quelques mois voire années après la contamination
Début progressif (concomitant ou non d’un épisode dysentérique)
– douleur de l’hypocondre droit irradiant vers l’épaule
– fièvre précoce constante, en plateau chiffrée à 39-40°, altération de l’état général (AEG)
– généralement pas d’ictère, parfois toux sèche par irritation phrénique 1B
– hépatomégalie lisse, douloureuse à l’ébranlement
B ) Paraclinique 1B
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Amoebose intestinale
Il n’est pas possible de différencier E. histolityca de E. dispar (non pathogène) à l’examen microscopique.
Examen parasitologique des selles (EPS) 1A
– à réaliser sur des selles fraîchement émises (parasite fragile dans sa forme végétative dont l’observation est un élément clé dans le diagnostic). L’examen n’a aucun intérêt sur des selles de plus de 3 heures.
– à réaliser 3 fois à quelques jours d’intervalle (augmentation de la sensibilité)
– le parasite est le plus souvent vu sous sa forme kystique, et plus rarement sous forme végétative (selles dysentérique ++)
Détection du parasite par PCR sur selles : de plus en plus utilisée
Sérologie : rarement positive dans cette forme
Rectoscopie : non systématique
– ulcérations en coup d’ongle
– biopsie : abcès en bouton de chemise avec présence d’amibes
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Amoebose hépatique
Sérologie : fortement positive ++
– recherche d’anticorps anti-amibiens par test ELISA
– faux négatifs possibles lors de la première semaine d’évolution clinique.
PCR sur liquide de ponction : confirme le diagnostic
– la ponction de la collection révèle un pus de couleur chocolat
– effectuer une ponction uniquement si
. sérologie négative
. risque de rupture
. absence de réponse au traitement
. doute diagnostic (pyogène ?)
Imagerie (diagnostic d’orientation)
Echographie hépatique : aspect d’abcès unique de grande taille (rarement multiples)
TDM hépatique : si écho non contributive (abcès du dôme hépatique par ex.)
Rx thorax : possible surélevation de la coupole diaphragmatique droite +/- comblement du cul de sac costo-diaphragmatique droit.
C ) Diagnostic différentiel 1B
Devant l’amoebose intestinale aiguë : les dysentéries bacillaires
Devant l’amoebose intestinale
– en france : abcès à pyogènes ++
– chez les migrants : nécrose fébrile d’hépatocarcinome primitif (Afrique et Asie) sur hépatite B ou kyste hydatique
3) Evolution
A) Histoire naturelle 1A
– En ce qui concerne l’amoebose intestinale, les formes atténuées sont les plus fréquentes. Des formes fulminantes sont possibles avec perforations intestinales entrainant le décès dans 40% des cas malgré une colectomie étendue.
– En ce qui concerne l’amoebose hépatique
. évolution toujours défavorable en absence de traitement
. sous traitement 1B : régression de la fièvre et des douleurs en 3 jours, baisse rapide de la CRP. Possible persistance d’une cicatrice hépatique visible en échographie. Rechutes rares.
B) Complications 1B
Les complications de l’amoebose intestinale sont rares
Amoebome (pseudo tumeur de la fosse iliaque droite)
– trouble du transit, sang dans les selles, douleurs importantes et AEG 1A
– EPS négatif 1A
– coloscopie avec biopsie et sérologie pour diagnostic positif 1A
Colite nécrosante
4) PEC 1A
A ) Traitement 1B
Antiparasitaires
Amoebicide tissulaire
– Métronidazole PO ou IV 7j -10j (1,5-2g/jour en 3 prises 1A)
– inefficace sur les formes kystiques
Amoebicide de « contact »
– Hydroxyquinoléine (tiliquinol) pendant 10 jours (2 gel matin et soir), trois jours après la fin du traitement par amoebicide tissulaire 1A
– pas d’absorption intestinale : action uniquement dans la lumière digestive donc actif sur les formes kystiques
Ponction d’abcès : si abcès > 10 cm, risque de rupture, évolution non favorable sous traitement ou sérologie négative, doute diagnostic (abcès pyogène, tumeur nécrosée)
B) Suivi
En cas d’amoebose hépatique, suivi clinique, échographique et sérologique.
C ) Prévention
– Hygiène individuelle et collective (hygiène des mains ++)
– EPS systématique pour les personnes exerçants des métiers dans la restauration ou travaillant en collectivité