Psychiatrie – Nutrition
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 69
Déf : l’anorexie mentale, ou anorexia nervosa, est une pathologie psychiatrique du groupe des troubles des conduites alimentaires.
Epidémiologie
– Prévalence vie entière = 0,6 % en population caucasienne
– Début entre 15 et 25 ans dans > 80 % des cas
– Sex-ratio féminin 8:1
Comorbidités psychiatriques +++
– Episode dépressif caractérisé, risque suicidaire
– TOC : rituels de rangement, vérification et lavage
– Phobie sociale
– Trouble anxieux généralisé
– Personnalité borderline
– Troubles addictifs : psychotropes surtout stimulants, peu d’alcool
Clinique | Paraclinique |
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Triade anorexie, amaigrissement, aménorrhée Restriction des apports, peur de prendre du poids alors qu’il est déjà faible, trouble de l’image du corps Type restrictif / type accès hyperphagique-purgatif Stratégies de contrôle du poids |
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A ) Clinique
- Sémiologie
> Terrain – traits associés
Traits obsessionnels (perfetionnisme, ascétisme…)
Surinvestissement intellectuel
Altération de la sexualité (désinvestie ou hyperactive)
> Perte de poids
La perte de poids est souvent banalisée, associée initialement à une absence de fatigue, une euphorie voire un sentiment de toute puissance. L’aménorrhée est à rechercher systématiquement, elle constitue un facteur de gravité.
Un effacement des aspect sexués (stade pubertaire), divers troubles trophiques et autres signes de complications s’associent dans les formes évoluées.
> Stratégies de contrôle du poids
Restriction quantitative (calories) et qualitative (aliments gras et sucrés)
Vomissements provoqués
Prise de laxatifs
Prise de diurétiques, coupe-faim, hormones thyroïdiennes ou dérivés des amphétamines
Potomanie
Hyperactivité physique, expositions accrues au froid
> Distorsions cognitives
Absence de conscience du trouble (mauvais insight)
Perturbation de l’image du corps (impression d’être gros même avec un poids anormalement faible)
Préoccupations excessives autour du poids et de l’alimentation
Croyances erronées sur le fonctionnement digestif et les aliments
Evitement alimentaire
Anomalies neuropsychologiques (fonctions exécutives : atteinte de la flexibilité cognitive)
Critères diagnostiques (DSM-5)
A) Restriction des apports énergétiques par rapport aux besoins conduisant à un poids significativement bas
B) Peur intense de prendre du poids et de devenir gros, malgré une insuffisance pondérale
C) Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps (dysmorphophobie), faible estime de soi (influencée excessivement par le poids ou la forme corporelle), ou manque de reconnaissance persistant de la gravité de la maigreur actuelle.
TYPE RESTRICTIF : au cours des 3 derniers mois, la perte de poids est essentiellement obtenue par le régime, le jeûne et/ou l’exercice physique excessif.
TYPE ACCÈS HYPERPHAGIQUES/PURGATIF : au cours des 3 derniers mois, présence de crises d’hyperphagie récurrentes et/ou a recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs.
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Formes cliniques
Chez l’homme : plus rare et de moins bon pronostic
Forme prépubère : risque de retard staturo-pondéral et d’aménorrhée primaire
B ) Paraclinique
Le diagnostic positif d’anorexie mentale est clinique. Les examens complémentaires éliminent des diagnostics différentiels ou documentent des complications et signes de gravité (cf. bilan).
C ) Diagnostic différentiel
> Pathologies non-psychiatriques
– Tumeurs cérébrales : du TC, ou crânio-pharyngiome
– Hémopathies : leucémie
– Maladie de Crohn, achalasie de l’oesophage
– Hyperthyroïdie
– Diabète insulino-dépendant
– Panhypopituitarisme, maladie d’Addison
> Pathologies psychiatriques
– TOC (mais c’est aussi une comorbidité fréquente)
– Schizophrénie (idée délirante d’empoisonnement, forme hébéphrène…)
– Phobies alimentaires, autres TCA
– Episode dépressif caractérisé
A) Histoire naturelle
L’anorexie mentale se déclare typiquement chez l’adolescente (groupes à risque : sportifs, mannequins, danseurs…), le mode d’entrée est le plus souvent un régime restrictif. Les restrictions sont d’abord sélectives (aliments caloriques) puis s’étendent et deviennent inflexibles.
L’évolution sous traitement se fait vers
– Une rémission partielle (50%) ou totale (30%)
– Une forme chronique (30 % à 5 ans, 25 % à 10 ans)
– 30-50 % de rechutes à 12 mois d’une hospitalisation
– Fluctuations pondérales, successions d’épisodes anorexiques avec ou sans épisodes boulimiques, passage d’une forme à l’autre
La mortalité cumulée est de 5 à 10 % sur les 10 premières années (parmi les plus élevées des troubles mentaux).
B) Complications
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Complications de l’anorexie mentale
Appareil locomoteur
– Ostéoporose (carence en vit.D, carence oestrogénique)
– Amyotrophie
Cardiovasculaires : troubles du rythme, hypotension
Digestives
– Brûlures oesophagiennes
– Retard à la vidange gastrique
– Hypertrophie des glandes salivaires (mâchoires carrées)
– Erosions dentaires (surtout si vomissements provoqués)
Endocriniennes
– Aménorrhée primaire (formes prépubères) ou secondaires (gravité!)
– Dysfonction érectile chez le garçon pubère
– Panhypopituitarisme avec infertilité
Hématologiques : anémies (15%), thrombopénies et leucopénies carentielles
Hypoglycémie
Rénales : insuffisance rénale fonctionnelle
Troubles hydro-électrolytiques
– Oedèmes (surtout forme boulimique)
– Hyponatrémie
– Hypokaliémie
– Hypocalcémie
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Complications du traitement
Syndrome de renutrition inappropriée (SRI) : en cas de renutrition trop rapide
– Cytolyse hépatique
– Rétention hydrosodée et états hyperosmolaires
– Troubles de l’hémostase
– Hypophosphorémie, hypokaliémie, hypomagnésémie
– Dysglycémie, carences vitaminiques
– Insuffisance cardiaque, troubles du rythme
A ) Bilan initial
Le bilan développé ici recherche des comorbidités, complications (critères d’hospitalisation ++) ou des diagnostics différentiels.
Bilan devant une anorexie mentale |
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Interrogatoire et clinique – ATCD, histoire pondérale, évaluation des comorbidités et de l’environnement social, familial – Calcul de l’IMC, évaluation du stade pubertaire chez l’adolescent – Constantes : FC, pression artérielle, température – Examen clinique complet psychiatrique et non-psychiatrique à la recherche de complications |
Biologie – NFS, plaquettes – Ionogramme avec bilan phospho-calcique, urée, créatinine, DFG – Bilan hépatique : ASAT, ALAT, PAL, TP – Albumine, préalbumine – CRP – ± TSH si doûte avec une hyperthyroïdie |
Imagerie et autres – ECG (troubles du rythme, signes d’hypokaliémie sévère, QT long…) – Ostéodensitométrie osseuse – Impédancemétrie – ± Imagerie cérébrale à discuter |
Les critères d’hospitalisation sont nombreux (HAS 2010). L’indication d’hospitalisation ne repose pas sur un seul critère, mais sur leur association et leur évolutivité. 2
Terrain | Critères d’hospitalisation |
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Adulte : critères somatiques | > Anamnestiques – Perte de 20 % du poids en 3 mois – Malaises et/ou chutes ou pertes de connaissance – Vomissements incoercibles – Échec de la renutrition ambulatoire > Cliniques > Paracliniques |
Enfant / adolescent : critères somatiques | > Anamnestiques – Perte de plus de 2 kg /semaine – Refus de manger (aphagie totale) ou de boire – Lipothymies ou malaises d’allure orthostatique – Fatigabilité voire épuisement évoqué par le patient > Cliniques > Paracliniques |
Dans tous les cas : critères psychiatriques et environnementaux | > Risques suicidaire – Tentative de suicide réalisée ou avortée – Plan suicidaire précis – Automutilations répétées > Comorbidités : tout trouble psychiatrique associé dont l’intensité justifie une hospitalisation : > Liés à l’anorexie mentale > Motivation, coopération > Critères environnementaux |
B ) Traitement
La PEC est toujours précoce, multidisciplinaire, ininterrompue et prolongée ≥ 1 an après la rémission. L’association de la famille et de l’entourage joue un rôle clé dans l’anorexie mentale. Les objectifs pondéraux, nutritionnels et psychothérapeutiques sont fixés individuellement, et peuvent prendre la forme d’un « contrat de poids ».
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PEC non-pharmacologique
> Psychothérapie
Les psychothérapies s’envisagent seules ou en association, maintenues ≥ 1 an après une amélioration clinique significative. Les principales psychothérapies ayant fait leurs preuves dans ce cadre sont les thérapies familiales et les TCC.
D’autres approches existent selon les cas : entretiens motivationnels (début de PEC), psychothérapie de soutien, thérapies familiales (pour enfants et adolescents ++) ou systémiques, thérapies d’inspiration psychanalytique, médiation corporelle…
> Traitement nutritionnel
Phase 1 : renutrition
– Obtention et maintien d’un poids (ou vitesse de croissance) et d’un statut nutritionnel adaptés. Supplémentation systématique initiale en phosphore, polyvitamines et oligoéléments. 1B
– Cette étape peut requérir une nutrition entérale discontinue d’appoint par SNG, voire une hospitalisation en réanimation.
Phase 2 : rééducation nutritionnelle et diététique : obtention d’une alimentation qualitativement et quantitativement correcte, et de comportements adaptés. La reprise pondérale doit être progressive, discutée avec le patient, à une vitesse adaptée (1 kg / mois est un objectif raisonnable).
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PEC pharmacologique
Il n’existe pas de traitement pharmacologique spécifique de l’anorexie mentale.
Les antidépresseurs peuvent être utilisés en cas de syndromes spécifiques concomitants (troubles dépressifs, anxieux, TOC) s’ils dominent le tableau et ne sont pas améliorés par le reprise pondérale.
2 réponses à “Anorexie mentale”
L‘anorexie avec accès hyperphagique semble donc correspondre à l‘anorexie-boulimie, cependant le terme boulimie est réservé à la maladie sans anorexie (si je comprends bien) !
Il s’agit d’épisodes boulimiques dans un climat général d’anorexie et c’est en ce sens que l’on peut parler ‘ d’anorexie-boulimie ‘.