1) Généralités 1
Déf : infection fongique due à des moisissures : les Aspergillus.
Pathogénie
– Petite taille des spores leur donnant la possibilité d’atteindre les alvéoles alvéolaires
– Thermotolérance (jusqu’à 55°C pour A. fumigatus) permettant leur développement chez leur hôte à 37°C.
– Capacité d’induire des microlésions épithéliales par le biais de toxines nécrosantes et d’enzymes lytiques
– Capacité d’adhérence aux lames basales de l’épithélium ainsi découvertes
– Tropisme vasculaire et angio-invasion
– Production de mycotoxines impliquées dans des processus de sensibilisation responsable de manifestations allergiques
Épidémiologie
Réservoir
– les moisissures sont omniprésentes dans notre environnement
– elles sont retrouvées dans l’air, sur le sol et les surfaces, dans l’alimentation (tisanes, épices en poudre, …) et parfois dans l’eau
– elles sont également présentes sur les surfaces à l’hôpital et dans l’air notamment par remise en suspension lors des travaux et véhiculées par les systèmes de ventilation
– l’humidité favorise leur survie et leur développement
Mode de contamination
– voie aérienne par inhalation de spores (conidies) environnementales +++ (atteintes des voies aériennes supérieures et des poumons)
– contamination cutanée directe par dépôt de spores sur des plaies ou brûlures ou dans un site opératoire (infection locales)
– contamination digestive possible (rare)
– Pas de contamination interhumaine
Mycologie
Agent pathogène
– Aspergillus : moisissures à filaments cloisonnés hyalins
– 300 espèces composent le genre
. Aspergillus fumigatus : espèce le plus souvent impliquée en pathologie humaine dans les pays tempérés (2-3 μm)
. A. flavus, A. nidulans, A. niger, A. versicolor, A. terreus, etc. sont moins fréquemment observées
Cycle évolutif
Il s’agit du cycle évolutif dans l’environnement
– Emission de spores véhiculées par l’air
– Dépôt puis germination des spores sur un substrat organique
– Production de filament mycéliens
– Formation du mycélium végétatif (ici, cycle facultatif de reproduction sexuée)
– Formation de l’appareil reproducteur asexué (ou « têtes aspergillaires »), puis reprise du cycle.
2) Diagnostic 1
Clinique | Paraclinique |
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Atteintes de l’appareil respiratoire (pulmonaires, immunoallergiques, sinusiennes,) atteintes extra-respiratoires |
Mise en évidence du champignon (examen direct, culture et identification, …) Sérologie |
A ) Clinique
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Anamnèse
Facteurs favorisants
Il s’agit des conditions locales et/ou générales qui contribuent le plus au développement du champignon chez son hôte
– Facteurs locaux
. perte d’intégrité des épithéliums cutanés ou muqueux
. altération du tapis mucociliaire
. cavités préformées …
– Facteurs généraux : agranulocytose (neutropénie et/ou diminution de la capacité de phagocytose des macrophages alvéolaires et des polynucléaires neutrophiles)
. primitive (granulomatose septique familiale par ex)
. résultant d’immunosuppression iatrogènes (greffe de cellules souches hématopoïétiques, transplantation d’organe solide, …)
. secondaire à des infections virales (rare)
– Facteurs environnementaux : les travaux favorisent la dissémination des spores, de même que la présence de végétaux en décomposition (compost, travaux agricoles) 1Les travaux intra-hospitaliers ou proches des services à risque non protégés peuvent favoriser des cas groupés d’aspergilloses invasives
-
Aspergillose de l’appareil respiratoire
Aspergillose pulmonaire chronique (APC)
Aspergillose simple
– résulte d’une conglomération d’hyphes aspergillaires, de mucus et de débris cellulaires dans une cavité pulmonaire préexistante (tuberculose, emphysème) communiquant avec les bronches
– balle fongique ou truffe aspergillaire envahissant toute la cavité en laissant un espace clair au niveau du sommet (aspect radiologique de « grelot »)
– asymptomatique, découverte fortuite ++
– parfois toux productives, hémoptysies
Aspergillose pulmonaire chronique cavitaire (APCC)
– formation de cavités pouvant ou non contenir un aspergillome 2On parle d’aspergillome compliqué lorsqu’il y a présence d’aspergillome– symptômes pulmonaires marqués
– altération de l’état général, fièvre
Aspergillose pulmonaire chronique fibrosante (APCF)
– complication de l’APCC
– destruction fibrotique sévère
– perte majeure de fonctionnalité du poumon infecté
Aspergillose chronique pulmonaire nécrosante (APCN)
– ou aspergillose semi-invasive
– forme intermédiaire entre l’aspergillose invasive et l’aspergillose chronique
– survient chez les patients avec immunosuppression modérée (éthylisme, diabète, maladies de système, dénutrition, …) souffrant d’une maladie pulmonaire sous-jacente.
– destruction inflammatoire progressive du tissu pulmonaire
Note : les formes chroniques touchent les patients immunocompétents ou modérément immunodéprimés qui présentent une pathologie pulmonaire préexistante
Aspergillose immunoallergique
Asthme aspergillaire asthme (sans infection fongique pulmonaire) survenant et s’aggravant dans des conditions de forte exposition aux spores aspergillaires
Rhinosinusite fongique allergique
– sujets jeunes ++
– sinusite chronique, avec obstruction nasale, polype nasal
Alvéolite allergique extrinsèque
– alvéolite lymhocytaire due à une inhalation massive et répétée de spores fongiques chez des non atopiques
– circonstances d’exposition : risque professionnels (manipulation de grain ou de foin moisi)3affection dite du « poumon fermier »– épisodes de toux, dyspnée, fièvre et râles crépitants pulmonaires à chaque exposition à l’allergène
Aspergillose bronchopulmonaire allergique
– ou maladie de Hinson-Pepys
– survient sur un terrain propice (asthme, mucoviscidose)
– réponse immunitaire à une colonisation trachéobronchique aspergillaire chronique)
– dyspnée fébrile (phase d’exacerbation)
Aspergillose sinusienne
– aspergillose sinusien le plus souvent unilatéral et maxillaire
– tableau de sinusite chronique d’origine dentaire ++ (pâte dentaire, extraction)
– peut évoluer en aspergillose invasive locorégionale (sinus paranasaux, orbites, cerveau) chez le patient immunodéprimé.
Aspergillose pulmonaire invasive (API)
– forme la plus grave
– facteurs favorisants
. agranulocytose
. neutropénie profonde prolongée (PNN < 0,5 G/L pendant plus de 10 jours)
. ± corticothérapie à forte dose (≥ 1 mg/kg/jour d’équivalent prednisone) pendant plus de 3 semaines
. traitement immunosuppresseurs (anti TNF ou autre anticorps monoclonaux)
– catégories de patients à haut risque
. patients atteints d’hémopathie maligne
. patients allogreffés de cellules souches hématopoïétique
. transplantés d’organe solide
. patients sous corticothérapie prolongés
. patients atteints de déficit immunitaire congénital
. patients traités par des biothérapies immuno-modulatrices
– Diagnostic évoqué chez tout patient immunodéprimé devant une fièvre persistante depuis plus de 48 heures malgré une antibiothérapie à large spectre
Note : diagnostic difficile, se pose sur la base d’un faisceau d’arguments épidémiologiques, cliniques et paracliniques.
-
Aspergillose extra-respiratoire
Auriculaire
– Otomycose (A. niger ++) favorisées par des lésions pré-existantes du conduit auditif externe (eczéma, otorrhée chronique, malformation anatomique) et par l’usage des corticoïdes locaux
Oculaires
– le plus souvent primaires post-traumatiques (projectiles inertes ou végétaux souillés par Asperigillus)
– il s’agit principalement de kératite ou de choriorétinite
Cutanées
– grands brulées
– métastases septiques au cours de l’API
Unguéale: rare
B ) Paraclinique
Prélèvement
– condition d’asepsie
– échantillon mis dans un récipient stérile et acheminés le plus rapidement possible rapidement possible au laboratoire
– produits biologiques issus de sites stériles (biopsies d’organes à l’aiguille ou chirurgicales)
– prélèvement respiratoires protégés (lavage bronchiolo-alvéolaire, aspiration bronchique, etc.)
Diagnostic mycologique
Examen direct
– permet de mettre en évidence des filaments mycéliens témoignant de la croissance du champignon
– filaments de 2-4 μm de diamètre, hyalins (clairs), cloisonnés ou septés et parfois ramifiés (dichotomie avec angles aigus à 45°)
Culture et identification
– milieux fongiques spécifiques (milieu de Sabouraud sans cycloheximide)
– permet l’identification précise du genre et de l’espèce du champignon impliqué
– pousse en 3-5 jours à 25°C – 30°C et 37°C
– l’examen microscopique montre des têtes aspergillaires caractéristiques
Note : les hémocultures sont le plus souvent négatives dans les API
Examen anatomopathologique
– peut mettre en évidence des filaments mycéliens septés de type aspergillaire ou non septés de type mucorale
– peut objectiver aussi un processus d’invasion tissulaire notamment vasculaire
– fait appel à des colorations spécifiques
Détection d’antigènes circulants : il est recommandé actuellement de détecter l’antigène galactomannane (présent dans la paroi des Aspergillus spp.)
Biologie moléculaire
– technique d’amplification génique par PCR
– sérum/plasma ou LBA
Diagnostic indirect
Détection d’anticorps circulants
– hôte immunocompétent
– argument majeur pour le diagnostic des aspergilloses pulmonaires chroniques, des aspergilloses localisées et immunoallergiques
– techniques de référence : mise en évidence de précipitine par immunoprécipitation qui détecte les anticorps précipitants
Diagnostic rapide
– détection des IgG
– ELISA et hémagglutination, western blot)
C ) Diagnostic différentiel
Pas de données relatives au diagnostic différentiel dans le référentiel.
3) Evolution 1
Aspergillose pulmonaire chronique nécrosante : elle entraîne une destruction inflammatoire progressive du tissu pulmonaire. L’évolution est rapide en absence de traitement.
Alvéolite allergique extrinsèque : la répétition des accès peut conduire à la chronicité avec un tableau d’insuffisance respiratoire chronique par fibrose interstitielle, ou à la bronchite chronique.
Aspergillose pulmonaire invasive : mauvais pronostic, mortalité > 50% malgré le traitement
Aspergillose extra-respiratoire : pronostic en général favorable
4) PEC 1
A ) Traitement
-
Traitement curatif
Aspergillome simple
– chirurgie +++
– si contre indication à la chirurgie ou en complément
. itraconazole (Sporanox ® et ses génériques) par voie orale en cure prolongée
. ou variconazole (Vfend ®)
Aspergilloses localisées
– suppression de la masse fongique : chirurgie, curetage ou drainage
– ± itraconazole ou variconazole
Aspergillose invasive
Urgence thérapeutique signalée !!
– Traitement de première ligne
. variconazole (Vfend ®) à 12 heures d’intervalle à J1 puis à partir de J2, 4mg/kg/Jour toutes les 12 heures
. isavuconazole : 200 mg/jour
le relais per os est possible pour les deux.
– Traitement de 2e ligne
. Amphotécérine B liposomale (Ambisone ® : 5mg/kg/jour en IV ou Abelcet ® : 5mg/kg/jour en IV)
. ou Acétate de caspofungine (Cancidas ®) : 70 mg à J1 puis 50 mg/jour en IV
. micofungine (Mycamine ®) 100mg/jour
. Posaconazole (Noxafil ®)
– Durée du traitement : selon le terrain, l’évolution clinique et biologique
– Chirurgie indiquée pour prévenir les complications hémorragiques
Aspergillose immunoallergique
– traitement anti-inflammatoire
– soins locaux : bronchodilatateurs et mucolytiques
– éviction de l’exposition à l’allergène
– en cas d’alvéolite extrinsèque : corticothérapie + cessation d’activités favorisant la contamination (y compris professionnelle)
– en cas d’aspergillose broncho-pulmonaire allergique (patient colonisé) : corticothérapie + traitement antifongique oral (itraconazole ou variconazole)
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Traitement empirique ou préemptif
– Réservé aux suspicionx d’API sans preuve mycologique
– Tableau de neutropénie fébrile persistante sous ATB à large spectre
– Amphotécérine B liposomale et caspofungine
– Objectif principal : documenté mycologiquement et radiologiquement l’infection au plus vite pour traitement adapté.
B) Prévention
– Préserver le patient à risque d’une source environnementale de spores fongique
. dans les services à haut risque : avoir un système de filtration de l’air à haute efficacité et des protocoles de bionettoyages réguliers ; avoir un environnement exempt d’Aspergillus (pas de plantes vertes, de fruits, de poivre en sachet, de sachets de tisane, etc.)
. il est conseillé le port de masque lorsqu’un patient doit sortir d’un secteur protégé
. les chambres des patients à haut risque doivent être protégés lors des travaux intra-hospitalier
– Chimioprophylaxie primaire : posaconazole, voriconazole, micafungine
– Prophylaxie secondaire
. patients ayant présenté une API d’évolution favorable sous traitement afin de limiter le risque de rechute en cas de nouvelles cures de chimiothérapie ou de greffe de cellules souches hématopoïétiques
. chimioprophylaxie par posaconazole.