Psychiatrie – Nutrition
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 69
Déf : la boulimie, ou bulimia nervosa, est une pathologie psychiatrique du groupe des troubles des conduites alimentaires.
Epidémiologie
– Prévalence vie entière = 1-1,5 %
– Début surtout entre 10 et 19 ans
– Sex-ratio féminin 3:1
– Risque en zone urbaine 2,5x plus important qu’en zone rurale, typiquement femme jeune de bon niveau intellectuel et/ou social
Comorbidités psychiatriques
– Troubles addictifs : alcool, tabac, anxiolytiques
– Troubles du contrôle des impulsions (auto-mutilations, kleptomanie…)
– Episode dépressif caractérisé, risque suicidaire, trouble bipolaire
– Trouble anxieux, phobie sociale, trouble anxieux généralisé
– Trouble de la personnalité borderline
Clinique | Paraclinique |
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Au moins 1 accès hyperphagique par semaine durant ≥ 3 mois, liés à un trouble de l’image du corps Comportements compensatoires récurrents |
– |
A ) Clinique
> Terrain – traits associés
Symptômes anxio-dépressifs, tentatives de suicide fréquentes
Impulsivité et difficultés dans la gestion des émotions
Dysfonction sexuelle
> Crise de boulimie
La crise débute par un phénomène de « craving » conduisant à une absorption massive et rapide d’aliments le plus souvent hypercaloriques (gras et sucrés).
Elle se termine typiquement par un vomissement provoqué avec sensation de soulagement, puis une fatigue intense et une somnolence. Un intense et douloureux sentiment de culpabilité s’installe pendant voire avant la crise.
> Stratégies de contrôle du poids
Vomissements provoqués
Prise de laxatifs
Prise de diurétiques
Restriction alimentaire « inter-crise »
> Distorsions cognitives
Le patient a conscience de son trouble (bon insight) et en souffre
Trouble de l’image du corps avec préoccupations concernant le poids et les formes corporelles
Envahissement et peur excessive de prendre du poids.
Phénomène de renforcement négatif lié à la culpabilité
Critères diagnostiques (DSM-5)
A) Survenue d’épisodes récurrents d’hyperphagie incontrôlée. C’est-à-dire :
– absorptions alimentaires largement supérieures à la moyenne et en peu de temps
(par ex. moins de 2 h),
– associées à une impression de perdre le contrôle des quantités ingérées
ou de la possibilité de s’arrêter.
B) Mise en œuvre de comportements compensatoires visant à éviter la prise de poids
(vomissements provoqués, prises de laxatifs ou de diurétiques, jeûnes, exercice excessif).
C) Avec une fréquence moyenne d’au moins 1 fois par semaine durant au moins 3 mois.
D) L’estime de soi est perturbée de manière excessive par la forme du corps et le poids.
E) Le trouble ne survient pas exclusivement au cours d’une période d’anorexie mentale.
B ) Paraclinique
Le diagnostic positif de boulimie est clinique. Les examens complémentaires éliminent des diagnostics différentiels ou documentent des complications et signes de gravité (cf. bilan).
C ) Diagnostic différentiel
> Pathologies non-psychiatriques
– Certaines tumeurs cérébrales et formes d’épilepsie
– Syndrome de Klein Levin (hypersomnie périodique + hyperphagie)
– Syndrome de Klüver-Bucy (agnosie visuelle, hyperoralité, hypersexualité et hyperphagie)
> Pathologies psychiatriques
– Hyperphagie boulimique : pas de comportement compensateur, obésité ++
– Anorexie mentale type accès hyperphagiques / purgatif
– Episode dépressif caractérisé
– Trouble de la personnalité borderline (comorbidité fréquente)
A) Histoire naturelle
Le mode d’entrée dans le trouble est le plus souvent un régime restrictif et/ou à la suite de vomissements, parfois secondaire à un traumatisme ou une perte. Les fluctuations pondérales sont rapides, de l’ordre de 2 à 5 kg par semaine.
L’évolution semble être plus rapide que dans l’anorexie mentale. Le taux de rémission sous traitement est de 70 % à 12 ans.
Le taux de mortalité est estimé à 2 % par tranche de 10 ans.
B) Complications
Les complications sont très souvent liées aux vomissements provoquées.
Appareil locomoteur : ostéoporose (exceptionnel)
Digestives
– Prise de poids (exceptionnellement obésité), dénutrition
– Syndrome pseudo-occlusif
– Hypertrophie des glandes salivaires
– Erosions dentaires, oesophagites peptiques, syndrome de Malory-Weiss
– Ingestion de corps étrangers au cours des vomissements provoqués
Endocriniennes
– Dysménorrhée secondaire (même si le poids est normal)
– Aménorrhée secondaire (exceptionnel)
Rénales : insuffisance rénale fonctionnelle
Troubles hydro-électrolytiques
– Oedèmes (surtout forme boulimique)
– Hyponatrémie
– Hypokaliémie
– Hypocalcémie
A ) Bilan initial
Le bilan développé ici recherche des comorbidités, complications (critères d’hospitalisation ++) ou des diagnostics différentiels.
Bilan devant une boulimie |
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Interrogatoire et clinique – ATCD, histoire pondérale, évaluation des comorbidités et de l’environnement social, familial – Calcul de l’IMC, évaluation du stade pubertaire chez l’adolescent – Constantes : FC, pression artérielle, température – Examen clinique complet psychiatrique et non-psychiatrique à la recherche de complications |
Biologie – NFS, plaquettes – Ionogramme avec bilan phospho-calcique, urée, créatinine, DFG – Bilan hépatique : ASAT, ALAT, PAL, TP – Albumine, préalbumine – CRP – ± TSH si doûte avec une hyperthyroïdie – ± toxiques urinaires et sanguins au moindre doûte |
Imagerie et autres – ECG (troubles du rythme, signes d’hypokaliémie sévère, QT long…) – Ostéodensitométrie osseuse – ± Imagerie cérébrale à discuter |
Les critères d’hospitalisation ne sont pas aussi bien définis dans la boulimie que dans l’anorexie mentale.
Terrain | Critères d’hospitalisation |
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Adulte : critères somatiques |
> Anamnestiques > Cliniques > Paracliniques |
Critères psychiatriques et environnementaux |
> Risques suicidaire > Comorbidités : tout trouble psychiatrique associé dont l’intensité justifie une hospitalisation : > Liés à la boulimie > Motivation, coopération > Critères environnementaux |
B ) Traitement
La PEC est toujours précoce, multidisciplinaire, ininterrompue et prolongée après la rémission. L’association de la famille et de l’entourage joue un rôle clé. Les objectifs pondéraux, nutritionnels et psychothérapeutiques sont fixés individuellement.
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PEC non-pharmacologique
> Psychothérapie
TCC : efficacité démontrée mais partielle (30-40 % de rémission), utilisation des observations comportementales (carnet alimentaire) et des crises induites.
Education thérapeutique, programmes d’auto-assistance ++
D’autres approches existent selon les cas : entretiens motivationnels (début de PEC), psychothérapie de soutien, thérapies familiales (pour enfants et adolescents ++), thérapies d’inspiration psychanalytique…
> Traitement nutritionnel
La PEC diététique et nutritionnelle est paradoxalement assez proche de celle de l’anorexie mentale. Elle doit permettre de retrouver le caractère hédonique et sociable de l’alimentation.
Cette PEC commence si besoin par une phase de renutrition, puis consiste à réapprendre à s’alimenter selon des schémas réguliers, avec une alimentation diversifiée et suffisante, et à réapprendre la modération alimentaire (pondération).
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PEC pharmacologique
Un traitement par antidépresseurs ISRS à une dose plus élevée quand dans la dépression est efficace. L’association fluxétine + TCC n’a pas montré de supériorité par rapport à la TCC seule.