Onco – ORL
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 295
Déf : Tumeurs malignes des voies aéro-digestives supérieures (VADS).
Epidémiologie
> Données générales
– Incidence (Fr) : 17.000 / an, 10.000 décès / an, 10 % de la totalité des cancers
– Sex-ratio masculin = 9
– Type histologique : carcinomes épidermoïdes (90%), carcinomes glandulaires (5 %), autres (5 %)
> Topographie
– Cavité buccale (25%)
– Oropharynx (25%)
– Larynx (25%)
– Hypopharynx (15%)
– Rhinopharynx (cavum) (7%)
– Cavités nasales et paranasales (3%)
> Données orientées 1A (voir fiches par localisation pour les détails)
Localisation | Epidémiologie |
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Cavité buccale, oropharynx, hypopharynx, larynx | Terrain : hommes (95%), pic de fréquence 45-70 ans FdR : alcool et tabac ++++, tabac prédominant pour le larynx (glotte et sous-glotte), virus HPV fortement suspecté pour l’oropharynx (amygdale) Type : carcinomes épidermoïdes ± différenciés |
Cancer de l’ethmoïde | Terrain : hommes de plus de 50 ans FdR : poussières de bois (tableau 47 des maladies pro., jusqu’à 30 ans après exposition) Type : adénocarcinomes |
Rhinopharynx (cavum) | Terrain : sujets d’Asie du sud-est ou nord-africains ++ FdR : virus EBV Type : carcinome indifférencié (UCNT) |
Comorbidité
– Cancer synchrone : œsophage, poumon, second VADS
– Cancer métachrone : des VADS (>20 %, souvent amygdale), bronchique (10 %)
Clinique | Paraclinique |
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Signes fixes, unilatéraux, persistant > 3 semaines | Panendoscopie avec biopsies/ cervicotomie exploratrice |
A ) Clinique
Un cancer des VADS doit être évoqué devant tout symptôme d’appel des VADS et de la région cervicale, en particulier les symptômes fixes, unilatéraux et persistant ≥ 3 semaines.
Signes d’appel
– Dysphagie
– Dyspnée
– Dysphonie
– Lésions pré-cancéreuses (de la cavité buccale ++)
– Autres : douleur, otalgie réflexe, toux sèche, tuméfaction cervicale…
Signes d’extension
– Locale : compression des structures voisines
– Régionale : cf. item 216 pour les aires ganglionnaires cervicales
– Générale : AEG, signes selon les organes métastasés
B ) Paraclinique
Le diagnostic positif est réalisé par l’anatomie pathologique, le plus souvent dans le cadre d’une panendoscopie sous AG avec biopsie de la lésion suspecte.
Si le signe d’appel est une ADP cervicale, la CAT est de réaliser une cervicotomie exploratrice, permettant de retirer l’ADP en entier sans effraction capsulaire (biopsie proscrite). Si le résultat extemporané est en faveur d’un carcinome épidermoïde, en l’absence de primitif connu, on réalise un curage ganglionnaire + une amygdalectomie homolatérale dans le même temps (localisation fréquente de microcarcinomes).
A ) Histoire naturelle
De manière générale, les cancers des VADS sont lymphophiles (sauf les cancers laryngés de l’étage glottique peu avancés, et les cancers nasosinusiens), les adénopathies sont fréquentes 1A.
Les métastases hématogènes (poumon, foie, os, cerveau) sont classiquement peu fréquentes ; la seule localisation à risque est le nasopharynx 1A. On en retrouve 10 % lors du diagnostic initial, et 40 % à 2 ans.
Au-delà de 5 ans, le risque de 2e cancer devient plus important que le risque de récidive de la tumeur initiale.
B ) Complications
- Complications du cancer 1A
Récidive de la tumeur, complications locales (hémorragie, atteinte nerveuse…)
Risque vital lié à une dyspnée ou une dysphagie 0
- Complications de la radiothérapie
> Hyposialie
L’irradiation des glandes salivaires entraîne une hyposialie dans
– 100 % des cas de tumeurs de la cavité buccale ou du cavum
– 80 % des cas de tumeurs de l’oropharynx
– 50 % des cas dans les irradiations des aires ganglionnaires
Disparition spontanée en 6-12 mois le plus souvent, c’est un FdR de caries et d’ostéoradionécrose mandibulaire.
> Ostéoradionécrose mandibulaire
Nécrose osseuse extensive liée à une thrombose vasculaire, spontanée (50%) ou provoquée par un geste chirurgical (extraction dentaire en terrain irradié…). Elle peut s’observer précocement (3 mois) et est un risque permanent à long terme.
Elle associe douleur, trismus et signes radiologiques : ostéolyse mal limitée, fracture pathologique, séquestre.
> Ulcérations torpides et nécroses muqueuses
Trouble trophique post-radique souvent difficile à distinguer d’une récidive, risque d’extension rapide en cas de geste agressif (biopsie intempestive).
Nombreuses manifestations
– Hémorragies cataclysmiques (ruptures de carotides)
– Troubles de déglutition, d’élocution
– Séquelles neuromusculaires et trophiques : lymphoedème, algodystrophie cervicobrachiale
> Oedème post-radique : dyspnée 1A
> Muscite et dermite
Apparition à J15 du début de radiothérapie. La muscite varie d’un érythème non-douloureux (grade 1) à des ulcérations saignantes douloureuses empêchant l’alimentation (grade 4)
> Autres complications bucco-dentaires
– Agueusie
– Mycoses
– Myosite rétractile des masticateurs : limitation de l’ouverture buccale
– Réhabilitation dentaire prothétique difficile
– Dents (après 1 an) : caries du collet, fracture, abrasion, coloration noire (« dent d’ébène ») puis odontonécrose
A ) Bilan
Une fois le diagnostic de cancer des VADS porté, un bilan d’extension complété par d’autres examens doit être réalisé. Le stade TNM est établi au terme de ce bilan.
Bilan devant un cancer des VADS |
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Bilan d’extension – Panendoscopie au tube rigide sous AG systématique – TDM cervico-thoracique pour les tumeurs sous-hyoïdiennes – TDM + IRM pour les tumeurs sus-hyoïdiennes (rhino- et oro-pharynx, cavité buccale) – TEP-TDM indiquée devant un cancer avancé (T3-4 N1-3) 1C, et systématique pour un cancer du cavum 1A – ± Fibroscopie bronchique / autres sur signe d’appel |
Recherche de localisations tumorales synchrones – Panendoscopie ++ – Fibroscopie oesogastrique (inutile en cas de carcinome du rhinopharynx ou des sinus) – ± Recherche d’Ac anti-EBV dans les carcinomes du rhinopharynx |
Bilan pré-thérapeutique et général – Bilan pré-anesthésique, cardiovasculaire, rénale, hépatique, nutritionnel – Bilan stomatologique pré-irradiation – Evaluation de la dépendance alcoolique et tabagique |
La recherche d’un cancer associé est systématique sauf pour les cancers du cavum et des cavités paranasales. 1A, 1B
L’examen histologique peut révéler des critères d’agressivité
– Marges d’exérèse positives (R1 ou R2 0)
– Caractéristiques tumorales : emboles vasculaires, engainement péri-nerveux
– Envahissement ganglionnaire : nombre, taille, rupture capsulaire
B ) Traitement
- Mesures générales et préventives
Prévention
– PEC d’une intoxication alcoolo-tabagique
– Vaccination HPV
– Mesures préventives chez les travailleurs du bois
Traitement symptomatique et des complications (PEC d’une dyspnée, d’une dysphagie, curetage osseux d’une ostéoradionécrose, kinésithérapie pour des troubles trophiques…)
- Indications thérapeutiques
Les indications sont dans tous les cas discutées en RCP (≥ 3 spécialités représentées)
Tumeurs débutantes : chirurgie exclusive, curage ganglionnaire souvent associé (avec ou sans ADP identifiée lors du bilan), parfois radiothérapie exclusive
Tumeurs intermédiaires ou avancées : chirurgie puis radiothérapie ou chirurgie puis radiothérapie + chimiothérapie dans les formes avancées avec critères histologiques d’agressivité
Tumeurs non-chirurgicales (situation métastatique, palliative…) : chimiothérapie + radiothérapie
- Modalités thérapeutiques
> Curage ganglionnaire
Situation | Zones de curage ganglionnaire |
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Tumeurs de la cavité orale ou de la face | Zones I à IV |
Tumeurs franchissant la ligne médiane | Zones I à IV et/ou curage bilatéral |
Autres cas (« classique ») | Zones II à IV |
Tumeurs T1 du plan glottique | Pas de curage systématique |
> Radiothérapie
L’irradiation mandibulaire expose à de nombreuses complications, prévenues par un assainissement dentaire pré-thérapeutique et une fluoration per- et post-thérapeutique
> Chimiothérapie : sels de platine, 5-FU, taxanes, cétuximab (anti-EGFR)…
C ) Suivi
Les éléments de suivi comportent
Examen | Fréquence |
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Examen clinique général et ORL + nasofibroscopie | / 2 mois la première année / 3 mois les années 2 et 3 / 6 mois la 4e année / an à vie par la suite |
Rx pulmonaire F + P (ou TDM faible dose si le patient est fumeur ou ancien fumeur) | / an |
TSH | / an si irradiation cervicale ou thyroïdectomie partielle |
TDM | Dans tous les cas : imagerie de référence à 3-6 mois de fin de traitement Dans le cas d’un cancer du cavum : / 6 mois pendant 2 ans puis / an jusqu’à 5 ans (± IRM) |