1) Généralités 2
Déf : les candidoses sont des infections opportunistes dues à des levures du genre Candida.
Physiopathologie
La candidose évolue en trois phases :
– le saprophytisme : à ce stade, Candida est sous la forme de blastospore et est normalement présente dans le site mais en faible quantité de façon équilibrée avec la flore locale des autres micro-organismes ;
– la colonisation : à ce stade, la levure se multiplie sous forme de blastospores en quantité plus importante qu’habituellement. Cette multiplication est favorisée par des conditions locales dues au terrain (prise en charge du terrain) ;
– l’infection proprement dite ou candidose : il s’agit à ce stade du passage de l’état saprophytique à l’état parasitaire. La levure passe de la forme blastospore à sa forme filamenteuse ou pseudo-filamenteuse (sauf Candida glabrata qui ne se filamente pas). Elle devient ainsi capable d’adhérence et d’envahissement tissulaires. La levure à ce stade est responsable des symptômes observés (prise en charge de la candidose et des facteurs favorisants).
L’infection est le plus souvent aiguë ou subaiguë1l’infection chronique est rare et est associée à une immunodépression de gravité variable et/ou à une endocrinopathie et se développe dans 4 sites préférentiels : bucco-digestif, génital et cutané.
Mode de contamination 1A
– Voie endogène +++ : origine digestive ou génitale ;
– Voie exogène rare
– Chez le nouveau-né : chorioamniotite secondaire à une vaginite candidosique maternelle (transmission materno-fœtale)
– Chez l’adulte : candidoses sexuellement transmissibles
. septicémies ou lésions viscérales profondes à Candida albicans exceptionnelles (immunosuppression profonde, aplasie médullaire, nouveau-né prématuré)
Mycologie
. C. albicans (fréquent +++) : endosaprophyte naturel du tube digestif et de la sphère génitale (jamais de la peau saine !)
. C. glabrata : endosaprophyte naturel du tube digestif et de la sphère génitale
. C. tropicalis, C. krusei et C. kefyr : apportées par l’alimentation ++, peuvent survivre et se multiplier dans le tube digestif
. C. guillermondii et C. parapsilosis : elles peuvent être saprophytes de la peau saine
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
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atteinte cutanéo-muqueuse d’aspect variable selon la localisation ± enduit blanchâtre |
examen direct + culture sur prélèvement mycologique |
A ) Clinique
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Anamnèse
Facteurs favorisants
– Les conditions optimales de développement du Candida albicans : chaleur, humidité, pH acide, milieu riche en sucre
– Les facteurs locaux
. humidité, macération (contacts répétés avec l’eau, occlusion, obésité, transpiration …)
. pH acide
. irritations chroniques (prothèses dentaires, mucite post-radique …) ; xérostomie
.facteurs locaux d’origine exogène : pâtissier (contacts cutanés répétés avec le sucre) ;
– Les facteurs généraux
. terrain : immunosuppression congénitale, physiologiques (âges extrêmes de la vie et grossesse) et acquises (traitement, VIH, diabète)
. médicaments : antibiotiques systémiques, œstroprogestatifs (infections muqueuses génitales
Signes fonctionnels : ± prurit (certaines localisations)
-
Formes cliniques
Candidose buccale (4 formes cliniques isolées ou associées décrites)
Perlèche
– Intertrigo de la commissure labiale, uni ou bilatérale
– fond du pli érythémateux fissuraire, voire macéré
– lésion pouvant s’étendre à la peau adjacente et au reste de la lèvre (chéilite)
Glossite : langue rouge et dépapillée souvent associée à une stomatite
Stomatite
– inflammation aiguë ou chronique de la muqueuse buccale : sécheresse de la bouche (xérostomie) ;
– sensation cuisante, goût métallique ou désagréable et/ou modification de la perception gustative (dysgueusie);
– muqueuse (gencives et palais) brillante, rouge, vernissée et douloureuse
Muguet
– face interne des joues ; érythème recouvert d’un enduit blanchâtre se détachant facilement au raclage
– dysphagie si extension au pharynx
Candidose digestive extra-buccale
Candidose œsophagienne
– plus rare
– provient le plus souvent de l’extension d’une candidose buccale (rechercher une immunodépression)
Candidose gastro-intestinales
– associées généralement à une candidose bucco-œsophagienne
– peuvent être révélées par une diarrhée 2la présence de C.albicans dans un prélèvement de selles ne signe par l’infection (colonisation saprophyte)
Candidose anorectale
– anite prurigineuse, érythémateuse, érosive et suintante avec atteinte péri-anale
– peut se prolonger par un intertrigo interfessier avec fines pustules inflammatoires en périphérie
Candidoses génitales
– caractère sexuellement transmissible controversé (surtout chez la femme)
– chez l’homme, l’infection candidosique génitale est rare et souvent paucisymptomatique
– peuvent survenir chez l’enfant par extension d’une dermatite fessière ou d’une anite candidosique
Vulvovaginite candidosique
– Femmes jeunes 3rare après 50 ans, d’âge moyen ++, grossesse ++
– Vulvovaginite aiguë
. lésions érythémateuses et œdémateuses ;
. enduit blanchâtre et leucorrhées souvent abondantes; blanc jaunâtre (« lait caillé ») qui stagnent dans les plis de la muqueuse vulvovaginale
. prurit souvent intense ± dyspareunie, extension aux plus inguinaux et au plus interfessier ++
. ± cervicites érosives et urétrite (dysurie, pollakiurie)
– Vulvovaginite récidivante ou chronique : prolifération répétée d’une colonisation saprophyte, retentissement psychique important
Balanite et balano-posthite
– aspect peu spécifique : lésions érythémateuses, rarement pustuleuses du gland, du sillon balano-préputial et/ou du prépuce
Méatite
– accompagne souvent la balanite, érythème péri-méatique, dysurie et prurit ;
– écoulement purulent blanc verdâtre exceptionnel
Urétrite masculine
– exceptionnelle (immunodépression ++)
– brûlures mictionnelles/dysurie/écoulement urétral
Intertrigos candidosiques (voir fiche dédiée)
Candidoses des phanères
Folliculites candidosiques du cuir chevelu
– inflammation et suppuration douloureuse du follicule pilo-sébacé
– associé à l’héroïnomanie intraveineuse ++ (risque de septicémie à C.albicans)
Onychomycoses candidosiques (voir fiche dédiée)
Candidoses cutanées congénitales
– Rare
– pustulose diffuse du nouveau-né (par infection du placenta et du liquide amniotique ou à partir d’une vulvovaginite maternelle en fin de grossesse, bon pronostic)
– candidose systémique du nouveau-né prématuré de faible poids de naissance (contamination lors du passage dans la filière génitale, pronostic vitale engagé)
Candidose cutanéo-muqueuse chronique
– liée à un déficit congénital de l’immunité cellulaire spécifiquement vis à vis du C.albicans
– très rare (enfants ++)
– associe atteinte unguéale, buccale voire cutanée (granulomes miniliasiques)
B ) Paraclinique
> Indications :
Les examens paracliniques sont uniquement réalisés en cas :
– d’atypie clinique ou de doute diagnostique ;
– de lésions chroniques, récidivantes ;
– de résistance à un traitement adapté et bien observé.
> Prélèvement
– lésions cutanéo-muqueuses : écouvillon
– atteinte unguéale : découpage d’un fragment de tablette
> Méthode d’analyse
– Examen direct : recherche de levure bourgeonnantes et de la présence de pseudo-filaments ou de filaments -pouvoir pathogène)
– Culture sur milieu de Sabouraud : développement des colonies en 48 heures et diagnostic de l’espèce en cause
C ) Diagnostic différentiel
Perlèche
– perlèche streptococcique : parfois associée à Candida
– perlèche syphilitique : symptôme cutané rarement isolé, syphilis secondaire tardive
– perlèche herpétique : vésicule, évolution par poussée rémission, symptômes sensitifs associés
– perlèche carentielle : carence martiale, carence en zinc, terrain évocateur
Glossite
– langue géographique (ou glossite exfoliatrice marginée) : plaque rouge dépapillée entourée d’une bordure blanche, caractérisée par sa mobilité d’un jour à u l’autre, idiopathique ou associée à une dermatose comme le psoriasis ;
– langue noire villeuse : simple oxydation des papilles du dos de la langue, souvent due au tabagisme
– glossites carentielles ou métaboliques
Stomatite
– autres inflammations de la muqueuse buccale : lichen, eczéma de contact …
Muguet : leucoplasies, lichen
Candidose anorectale :
– anite streptococcique ;
– macération ;
– hémorroïdes
Vulvovaginites candidosiques
– vulvovaginites infectieuses : bactérienne, parasitaire (trichomonose)
– inflammatoires : lichen scléreux (en particulier chez la femme ménopausée) ; eczéma de contact ; lichénification ; psoriasis ;
– tumorales : carcinome épidermoIde in situ, adénocarcinomes intra-épithélial à cellules claires (maladie de Paget extra-mammaire)
Balanite et balano-posthite
– balanites infectieuses : syphilis secondaire, herpès génital ;
– irritatives (balanite de macération) ou inflammatoires (psoriasis) ;
– carcinome intra-épithélial (in situ)
Intertrigos candidosiques (cf fiche dédiée)
Folliculites candidosiques du cuir chevelu : folliculites microbiennes, pityrosporiques, inflammatoires
Onychomycoses candidosiques (cf fiche dédiée)
3) Evolution 1A
L’évolution se fait vers une extension topographique de la lésion.
4) PEC 1A
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Principes du traitement
– Traitement des facteurs favorisants
– Traitement simultané de tous les foyers
– Choix des antifongiques (molécule/formulation/voie d’administration) selon :
. la localisation et l’étendu des lésions ;
. le terrain (femme enceinte, immunodépression …)
. existence d’une atteinte phanérienne associée ;
. un risque d’effets secondaires et d’interactions médicamenteuses (traitement oral)
– Traitement général en cas d’atteinte étendue (plusieurs plis …) et/ou inaccessible à un traitement local simple (muqueuse digestive …) et/ou associée à un contexte de déficit immunitaire (génétique ou acquis) et/ou sévère (néonatologie, septicémie ) C.albicans)
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Moyens thérapeutiques 2
– Antifongiques locaux
. polyènes : amphotéricine B (Fungizone ®), nystatine (Mycostatine ®)
. ciclopirox olamine (Mycoster ®)
. terbinafine (Lamisil ®)
. dérivés imidazolés : bifonazole (Amycor ®), miconazole (Daktarin ®, Britane ®, Gyno-Daktarin®) ; isoconazole (Fazol G ®, Fazol ®) ; kétoconazole (Kétoderm ®), Éconazole (Pevaryl ®, Gyno-pevaryl ®, Dermazol GE ®, …) etc.
– Antifongiques sytémiques : kétoconazole (Nizoral ®), fluconazole (Triflucan ®), itraconazole (Sporanox ®) et terbinafine (Lamisil ®)
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Indications
Candidoses buccales
Chez l’immunocompétent
– Privilégier les traitement locaux :
. nystatine : 4-8 comprimés par jour à sucer ;
. ou amphotéricine B en suspension : 4 cuillère à café en 2 prises quotidiennes ;
. ou miconazole gel buccal (2 cuillères-mesure 4 fois par jour) ou comprimé buccal muco-adhésif (1 comprimé à laisser en place contre la gencive pendant 24 heures pendant 7-14 jours). Il est contre indiqué chez les patients sous anti-vitamine K ou sous sulfamides hypoglycémiants.
– Les produits doivent être maintenus en contact avec la muqueuse pendant quelques minutes et les soins doivent être réalisés à distance des repas.
– Durée de traitement : 1-3 semaines
– Traitements adjuvants (sans intérêt démontré) : bains de bouche avex solution de chlorhexidine ou bicarbonate de sodium pour augmenter le pH endobuccal (1 cuillère à café dans un verre d’eau)
Chez l’enfant et le nourrisson
– amphotéricine suspension : 1 cuillère à café/10kg par 24heures en 2-3 prises (50mg/kg/jour)
– miconazole gel buccal : 1 cuillère-mesure (2,5 ml) 4 fois par jour
Chez l’immunodéprimé (sida +++)
– associer un traitement local et un traitement par voie générale (surtout s’il atteinte œsophagienne) et augmenter les posologies pour éviter l’émergence de résistances
– molécules de référence : fluconazole (200 mg par jour si candidose buccale isolée, 400 mg par jour si atteinte œsophagienne associée) ou itraconazole (200 mg/jour)
– cures courtes (5-15 jours) et discontinues pour éviter l’apparition de souches résistantes
Candidoses génitales (privilégier les traitements locaux)
Vulvovaginite aiguë
– Imidazolés : 1 ovule intravaginal pendant 1-3 jours
– association à un traitement antifongique local de type dérivé imidazolé pendant 2-4 semaines
– toilette avec savon alcalin
Vulvovaginite récidivante ou chronique
– traitement préventif avec un ovule antifongique à libération prolongée une fois par mois vers 206e jour du cycle pendant plusieurs mois (fluconazole n’a pas d’AMM dans cette indication)
– au début d’un traitement antibiotique, un traitement prophylactique par 1 ovule d’imidazolé 150mg LP peut être préconisé en cas d’antécédent de vulvovaginite
– rechercher et traiter une éventuelle candidose chez le partenaire
Balanite
– 1-2 applications quotidiennes d’une crème antifongique pendant 2-3 semaines
– toilette avec savon alcalin
– chercher et traiter une éventuelle candidose chez le/la partenaire.
Candidose des plis et candidoses ungéales (cf fiches dédiées)
Candidose congénitale et du nourrisson 2
– candidose cutanée : traitement local
– en cas de risque de dissémination viscéral sur terrain fragilisé (prématurité, détresse respiratoire) : traitement systémique à discuter
Candidose cutanéo-muqueuse chronique 2 : kétoconazole à doses variables allant de 100-800 mg/j (en moy 200-400 mg-j) pendant plusieurs mois.
2 réponses à “Candidose”
Dans les formes cliniques, on peut ajouter la candidose du siège chez le nourrisson : L’aspect clinique est celui d’un érythème du fond des plis (contrairement à l’atteinte des zones convexes dans les dermites purement macératives/irritatives). L’érythème peut être luisant voire fissuraire, d’évolution centrifuge, avec une bordure émiettée et quelques éléments microvésiculeux un peu à distance. Un muguet buccal peut s’y associer (source : Thérapeutique dermato)
Bonjour, j’ai une préoccupation qui est celle de savoir si une candidose buccale est considérée comme une candidose digestive. Si non, quand est ce que l’on parlera de candidose digestive?