Onco – Dermato
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 299
Déf : les carcinomes épidermoïdes (CE spinocellulaires) sont un type de cancer cutané pouvant toucher la peau ou les muqueuses. Tout CE doit être considéré comme potentiellement agressif.
NB : seules les lésions cutanées seront traitées dans cette fiche. Les CE touchant les muqueuses (et les lésions précancéreuses associées) sont traitées dans les fiches Infection génitale à HPV, Cancer du col utérin, et Cancer de la cavité buccale.
Epidémio
– Incidence (Fr) > 30 cas / 100k hab. / an
– Apparait surtout après 60 ans, sex-ratio masculin
Clinique | Paraclinique |
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± Lésion pré-cancéreuse : kératose actinique Plaque érythémateuse bien limitée ± pigmentée, squameuse, ulcérée |
Biopsie : grands kératinocytes en lobules ou travées de disposition anarchique, infiltrant |
A ) Clinique
- Facteurs de risque (voir ici pour plus de détails)
Exposition solaire cumulative (dose vie-entière d’UV) +++, phototype I et II
Infection cutanée à HPV oncogènes
Affections génétiques 1B : xeroderma pigmentosum, naevomatose basocellulaire
Immunodépression 1B : VIH, immunosuppresseurs…
Radiodermite, dermatose inflammatoire chronique 1B
Plaies chroniques (ulcère, cicatrice de brûlure) 1B
Exposition aux carcinogènes chimiques (tabac, goudrons, arsenic…) 1B
ATCD personnel de cancer cutané 1B
- Lésions pré-cancéreuses
Le CE peut survenir de novo, mais il est le plus souvent précédé de lésions pré-cancéreuses.
Kératose actinique photo-induite (= solaire ou ‘sénile’)
– Potentiel de transformation limité, mais lésion pré-cancéreuse la plus fréquente
– Topographie : zones photo-exposées (visage, dos des mains)
– Lésions squameuses en coûtes, multiples, ± érythémateuses / chamoisées, fines rugosités à la palpation (« papier de verre »), saignement facile après grattage
Champ de cancérisation
– Anomalies prénéoplasiques et mutations infracliniques et multifocales d’une zone anatomique
– Cliniquement, kératoses actiniques en champ ± CBC ou CE
- Clinique du carcinome in situ (= maladie de Bowen 1B)
Lésion souvent unique, en zone photo-exposée, survenant souvent chez la femme dans la 7e décennie 1B.
Plaque érythémateuse ± pigmentée, squamo-croûteuse, bien limitée, à bordure parfois festonnée. Un aspect fissuraire / érodé superficiel est suspect ++, une infiltration ou une ulcération franche évoquent une lésion invasive à potentiel métastatique (3-5 % de transformation 0).
- Clinique du carcinome invasif
3 clés sémiologiques ± associées
– Ulcération
– Bourgeon
– Croûte
La lésion peut être
– Végétante, bourgeonnante, ou l’association des deux
– Ulcéro-végétante : croûteuse, jaunâtre, indurée avec ulcération centrale
B ) Paraclinique
Une lésion à l’aspect évocateur de CE doit faire l’objet d’une exérèse à visée diagnostique, ou d’une biopsie si lésion très volumineuse, inhabituelle ou chirurgie mutilante (lèvres…).
Anomalies histologiques
– Carcinome invasif : grands kératinocytes, en lobules ou en travées mal limitées, disposition anarchique 1A, avec ponts d’union entre les cellules 1C, invasion dermo-hypodermique, stroma inflammatoire, différenciation kératinisante (globes cornés), mitoses et atypies cytonucléaires 1A
– Carcinome in situ 1B : épiderme désorganisé constitué sur toute son épaisseur de kératinocytes atypiques, ne franchissant pas la ligne basale.
– Kétarose actinique 1B : anomalies de l’architecture épidermique et des kératinocytes avec mitoses
L’examen histologique permet de décrire des sous-types à valeur pronostique 1C
– Carcinome épidermoïde verruqueux : très bien différencié, exophytique
– Carcinome mixte baso-squameux : cf. CBC
– Carcinome acantholytique : les cellules se détachent les unes des autres
– Carcinome adénosquameux (= mucoépidermoïde 1A) : forme mixte ADK / CE
– Carcinome desmoplastique : stroma fibreux abondant
C ) Diagnostic différentiel
Complications
– Evolution locale : infiltration neurotrope, dissémination par emboles vasculaires
– Récidive (7%)
– Métastases : lymphatique (2 % des formes cutanées, 20 % des formes muqueuses) puis hématogène (poumons ++, foie, cerveau ; surtout pour les CE muqueux)
Facteurs pronostiques
Cliniques
– Localisation : faible risque (zones photo-exposées sf oreilles et lèvres) vs haut risque (zones péri-orificielles du visage, muqueuses, terrain pathologique – radiodermite, brûlure, ulcère)
– Taille > 1 cm sur les zones à risque élevé, ou > 2 cm sur les zones à faible risque 1B
– Invasion : adhérence au plan profond, envahissement péri-nerveux, emboles vasculaires
– Récidive locale
– Immunodépression
Histologiques 1B
– Epaisseur > 3 mm
– Invasion : profondeur histologique, envahissement péri-nerveux, emboles vasculaires
– Degré de différenciation moyen à nul
– Sous-type histologique : forme desmoplastique > adénosquameuse > acantholytique 1A (> CE verruqueux et mixtes baso-squameux, de meilleur pronostic 1C)
A ) Bilan
Pas de bilan d’extension sauf forme agressive, terrain à risque (immunodépression) ou signe clinique d’extension loco-régionale
– Echographie ganglionnaire
– TDM thoraco-abdominal
B ) Traitement
- Prévention primaire : éviter l’héliodermie
Stratégies d’évitement solaire : ‘chroniques’ éviter les expositions entre 12 et 16h, rechercher de l’ombre, protection vestimentaire… ; et ‘aiguës’ en particulier pendant l’enfance et l’adolescence
Cible prioritaire : phototype clair, expositions solaires multiples, professionnelles ou récréatives
L’usage des lampes à bronzer doit être déconseillé. L’application d’écrans solaires est utile de façon ponctuelle afin d’éviter un coup de soleil mais ne permet pas une augmentation du temps d’exposition solaire.
- Traitement des CE non-invasifs
PEC d’une kératose (lésion pré-cancéreuse)
Moyens physiques : cryothérapie (azote liquide), électrocoagulation ou laser CO2
Moyens physico-chimiques : photothérapie dynamique
Moyens chimiques (topiques) : 5-FU crème, diclofénac sodique gel, imiquimod crème, mébutate d’ingénol crème
PEC d’un carcinome in situ cutané
Biopsie pour confirmation histologique
Traitement semblable aux kératoses (mais seul le 5-FU et l’iquimod sont mentionnés parmi les traitements topiques)
- Traitement des CE invasifs
> Formes localisées
Exérèse chirurgicale d’emblée si le diagnostic est très probable, ou après confirmation biopsique en cas de doute
– Le plus souvent, simple exérèse suture en ambulatoire
– Parfois, en 2 temps avec reconstruction sous AG si exérèse complète
– Marges d’exérèse standardisées : de 5 à 10 mm selon le type de tumeur et les critères pronostics, plus élevées pour le CE que le CBC
– Reprise indispensable si exérèse incomplète
Autres options thérapeutiques
– Radiothérapie ou cryochirurgie chez les malades inopérables ou en cas de localisation délabrante, après biopsie de confirmation et discussion en RCP (CI en cas de maladie génétique prédisposante 1B)
– Chimiothérapie « de réduction » pour les CE de grande taille ou inopérables : sels de platines et inhibiteurs de l’EGFR
> CE métastatiques : traitement discuté en RCP
Récidive, métastase en transit : exérèse chirurgicale si possible ± radiothérapie complémentaire
ADP : adénectomie chirurgicale ou biopsie radiologique suivi d’un curage ganglionnaire ± radiothérapie complémentaire
Métastases à distance : traitement palliatif
– Chimiothérapie
– Radiothérapie
– Chirurgie
– Immunothérapie (protocole)…
> Suivi – prévention secondaire
Dépistage annuel à vie
– D’une récidive locale
– D’un nouveau cancer
Information, éducation à l’auto-surveillance / auto-dépistage