1) Généralités 2
Déf : inflammation des lèvres, de la zone vermillon ou du versant cutané de la muqueuse labiale.
Physiopathologie : la lèvre est une zone fragile, souvent sollicitée et exposée à des facteurs externes mécaniques ou chimiques.
Note : Le vermillon des lèvres est une semi-muqueuse qui ne contient pas d’annexes ni de glandes salivaires. Son chorion richement vascularisé est surmonté d’un épithélium ortho-kératosique.
Epidémiologie : affection fréquente +++
Etiologie
Causes externes
– Climat (froid, vent)
– Causes actiniques (rayonnements UV, soleil)
– Allergies
– Traumatismes
– Produit caustique
Causes internes
– Terrain atopique
– Causes médicamenteuses
– Causes infectieuses
. virus
. bactérie
. champignons
– Causes immunoallergiques
– Causes carentielles
. avitaminose B2, B12, scorbut (vitamine C), carences en fer ou en zinc
. pellagre (vitamine PP)
– Dermatoses inflammatoires (lupus, lichen, maladies bulleuses auto-immunes)
– Causes idiopathiques ( chéilite glandulaire, macrochéilite granulomateuse, chéilite plasmocytaire)
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
---|---|
atteinte inflammatoire d’aspect variable (selon étiologie) | ± biopsie |
A ) Clinique
-
Chéilites climatiques
– Assèchement, desquamation puis gerçures des lèvres
– Apparition secondaire de crevasses transversales (peuvent devenir chroniques, partie médiane de la lèvre inférieure ++)
-
Chéilite actinique aiguë
– Notion d’exposition intense aux rayons ultraviolets
– Lèvre inférieure +++
– Lésions œdémateuses, érythémateuses, douloureuses ± vésico-bulleuses
– Puis érosion des lésions avec apparition de croûtes
– Facteurs favorisants : dermatoses photosensibilisantes (photodermatose type lupus, photosensibilisation médicamenteuse notamment voriconazole)
-
Chéilite actinique chronique
– Terrain : homme de 50 ans de phototype clair ++
– Notion d’exposition chronique au soleil
– Lèvre inférieure +++
– Deux présentations cliniques
. desquamation chronique résistante aux émollients ± formations de croûtes et fissurations au niveau du vermillon
. semi-muqueuse globalement atrophique, semée de zones pâles à reflet grisâtre
– ± vermillon globalement de couleur blanchâtre irrégulière et son contour mal défini
-
Chéilite allergique
Eczéma des lèvres
– Fréquent ++
– Forme aigue
. lésions érythémateuses, œdémateuses, vésiculeuses puis croûteuses, mal limitées débordant sur le versant cutané des lèvres (parfois à distance)
. prurit
– Forme chronique
. lésion sèche, érythémato-squameuse, voire fissuraire
. ± prurit modéré
Urticaire de contact
– Allergènes alimentaires +++
– Lésion œdémateuse des lèvres ± asymétrique
. apparition brutale
. ± prurit
Urticaire chronique spontanée
– épisodes d’angiœdèmes des lèvres et de la muqueuse buccale
– ± accompagnés de plaques cutanées d’urticaire
-
Chéilite traumatique
Par tic de léchage
– Terrain : enfant ++
– Inflammation chronique des bords du vermillon + érythème péri-buccal bien limité (zone accessible à la langue)
Par tic de mordillement (ou anomalie d’occlusion dentaire)
– chéilite localisée à la zone d’occlusion dentaire sur la lèvre inférieure
. érosive
. squameuse
. décollement en lambeaux
– chéilite inflammatoire
. œdème, ulcérations, croûtes (patients nerveux qui arrachent des lambeaux muqueux sur la lèvre inférieure)
. lésions similaires de mordillement à la face interne des joues en regards des commissures inter-maxillaires antérieures
Chéilites factices ou chéilites exfoliatrices de Crocker
– Terrain : adolescent, sujet jeune
– Atteinte squamo-croûteuse macérée des lèvres parfois très épaisse et repoussante
– Affection considérée comme une pathomimie ; provoquée et entretenue par le léchage et le frottement chronique des lèvres
-
Chéilite caustique
– Irritation aiguë des lèvres
– Brûlure secondaire à l’application locale d’un produit chimique
– Lésion œdémateuse inflammatoire, ± bulleux ou nécrotique selon le produit identifié
-
Chéilite atopique
– Chéilite érythémato-squameuse avec fissuration
. chronique et fréquente
. en poussée ou non de dermatose (sujets atopiques)
-
Chéilite médicamenteuse
– Traitements rétinoïdes : isotrétinoïne, acitrétine, alitrétinoïne
– Chéilite érythémato-squameuse, sèche, fissuraire et érosive
-
Chéilite virale
– Herpès Simplex de type 1 +++
– Primo-infection herpétique (gingivo-stomatite herpétique)
. chéilite érosive et croûteuse post-vésiculeuse
. stomatite diffuse dysphagiante
. vésicules péri-buccales
. fièvre et des adénopathies cervicales
– Récurrences herpétiques orales
. lèvres ++
. bouquet de vésicules + sensation de brûlure
. érosion des vésicule avec mise en place de croûte
-
Chéilite bactérienne
– Infections streptococciques du groupe A ; infections staphylococciques +++
– Lésions croûteuses méllicériques
-
Chéilite mycosique
– Erythème et œdème douloureux des lèvres ± fissuraire (rhagades)
. + stomatite aiguë ou chronique
. ± perlèche
– Candidose chronique
. granulome moniliasique,
. papulo-nodule kératosique, papillomateux, déformant la lèvre
-
Chéilites immunoallergiques
Erythème polymorphe
– réaction immunoallergique post-infectieuse (post herpétique ++)
– survient 7-10 jours après l’infection
– chéilite œdémateuse, érosive, croûteuse + stomatite bulleuse
– présentation typique en cocardes des lésions, avec une disposition acrale + atteinte des autres muqueuses
Syndrome de Stevens-Johnson ou syndrome de Lyell
– Notion de prise médicamenteuse introduite 7-21 jours avant l’apparition des symptômes
– Tableau de chéilite œdémateuse, érosive et croûteuse aigu + décollements cutanés et ulcérations muqueuses diverses
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Chéilite carentielle
– carences nutritionnelles sévères (avitaminose B2, B12, scorbut, carences en fer ou en zinc) : chéilite exfoliative
– pellagre : vermillon brillant et craquelé, parfois érodé
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Chéilite glandulaire
– Chéilite glandulaire simple +++
. épaississement modéré de la lèvre inférieure avec turgescence inflammatoire des orifices glandulaires (soudure à la pression, d’une gouttelette de salive)
– Chéilite glandulaire suppurée, chronique et douloureuse (très rare)
. lésions superficielles ou profondes
. abcès et trajets fistuleux
-
Macrochéilites granulomateuses
– Œdème labial, d’une ou des deux lèvres, intermittent puis permanent
– macrochéilite granulomateuse + paralysie faciale périphérique + langue fissuraire = Syndrome de Melkersson Rosenthal (forme complète)
-
Chéilite plasmocytaire
– Rare
– Chéilite œdémateuse et érosive ± associée à une stomatite
-
Autres chéilites inflammatoires
Chéilite secondaire à un Lupus
– chéilites ± sévères, érosives et croûteuses
– Lupus discoïde subaigu : lésions leuco-kératosiques du vermillon
Chéilite secondaire à un lichen
– lichen plan kératosique des lèvres : lésions leuco-kératosiques indolores
– lichen érosif : ulcérations douloureuses et étendues (muqueuse buccale et lèvres)
Chéilite secondaire aux maladies bulleuses auto-immunes
– Pemphigus ++
– chéilite érosive et croûteuse
B ) Paraclinique
Aucun examen paraclinique pour le diagnostic positif de chéilite.
C ) Diagnostic différentiel
Pas de données relatives au diagnostic différentiel.
3) Evolution 2
– surinfection bactérienne ou mycosique
– ± évolution vers un carcinome épidermoïde (présence de dysplasies légères à sévères) de la chéilite actinique chronique
– les lésions de la chéilite glandulaire chronique sont à l’origine d’abcès et de trajet fistuleux. Risque d’évolution vers un carcinome controversé
4) PEC 2
A ) Bilan initial
bilan |
Chéilite actinique chronique : biopsie : recherche d’une dysplasie voire d’un carcinome épidermoïde |
Chéilites allergiques – Tests épicutanés : confirmation de l’allergène (eczéma des lèvres) – Interrogatoire voire prick-tests alimentaires : détection de l’allergène alimentaire (urticaire de contact) |
Chéilite caustique : rechercher une atteinte œsophagienne (en cas d’ingestion du produit) |
Chéilites médicamenteuses : interrogatoire +++ |
Chéilite virale – culture virale (écouvillonnage du plancher d’une vésicule récente et mise en culture) : méthode de référence – PCR Chéilite bactérienne : prélèvement bactériologique Chéilite mycosique : – prélèvement mycologique – en cas de candidose chronique . recherche d’un facteur favorisant en cas d’infection chronique (immunodépression, etc) . biopsie du granulome |
Chéilite carentielle : dosages biologiques |
Macrochéilites granulomateuses Biopsie : granulomes gigantoépithéiloïdes, non nécrotiques, avec un infiltrat lymphocytaire |
Chéilite plasmocytaire Histologie : infiltrat plasmocytaire en bande sous-épithéliale |
B ) Traitement
forme étiologique | traitement |
Chéilite climatique | – application locale fréquente d’un topique gras sans composants allergisants (baume du Pérou) + correction du tic de léchage : amélioration en quelques jours – en cas de crevasse : préférer un baume labial (Kelyane HD®, Apaisac®, Cold Cream Avène®, Bariederm®, etc., ou de la simple vaseline) à un stick – en cas de surinfection . antibiotique . antifongique . exérèse chirurgicale d’une fissure chronique à bords hyperkératosiques |
Chéilite actinique aiguë | traitement symptomatique : émollients, baume labial, photoprotection en cas de dermatose photosensibilisante |
Chéilite actinique chronique | – Vermillonectomie . excision de l’ensemble de la semi-muqueuse suivie dans le même d’une réparation par avancement de la muqueuse endo-labiale pour construire un « néo-vermillon » . excellents résultats esthétiques et fonctionnels – Vaporisation au laser CO2 . destruction thermique de l’épithélium . excellent résultat esthétique, sans risque de paresthésies . risque de récidive – Electrocoagulation . destruction thermique ciblée des lésions, sous contrôle visuel . cicatrisation initiale plus lente – Cryothérapie . destruction localisée de la lésion par cristallisation puis nécrose . avantages et inconvénients similaires à l’électrocoagulation – 5-Fluoro-uracile topique . effet anti-néoplasique par inhibition préférentielle de la synthèse d’ADN dans les cellules tumorales . résultats esthétiques satisfaisants à moyen terme, avec récidives . efficacité limitée par difficultés d’observance – Imiquimod . son application entraîne une réaction pro-inflammatoire et anti-tumorale locale . guérison clinique et histologique . effets secondaires modérés à sévères (érythème, érosions, ulcérations) – Photothérapie dynamique . utilisation combinée d’une substance photosensibilisante et d’une irradiation lumineuse ⇒ réaction photodynamique ⇒ stress oxydatif ⇒ mort cellulaire . moins efficace, meilleure tolérance |
Chéilites allergiques | – Eviction de l’allergène – Pour l’eczéma des lèvres . dermocorticoïde (désonide Tridenosit®, hydrocortisone 17-butyrate, Locoïd®) x 2/jour, en crème sur des lésions aiguës, en pommade sur des lésions sèches |
Chéilites traumatiques | – éviction du facteur traumatique – application de topiques gras protecteurs – psychothérapie parfois nécessaire pour les patients atteints de troubles compulsifs – en cas de chéilite factices . prise en charge psychologique adaptée . agents kératolytiques ou émollients à base d’urée pour favoriser la chute des croûtes |
Chéilites caustiques | – lavage à l’eau et au savon doux – application de dermocorticoïdes et d’un topique gras – geste chirurgical parfois nécessaire (brûlure grave) |
Chéilite atopique | – dermocorticoïdes gras : application biquotidienne pendant une semaine – prévention par un topique hydratant et l’évitement du léchage chronique des lèvres |
Chéilite médicamenteuse | traitement systématique par pommade émolliente |
Chéilite virale | – primo-infection herpétique . aciclovir per os (200mgX5/jour) ou, . si la voie orale est impossible ou chez l’immunodéprimé : aciclovir IV (5 mg/kg/8 h) pendant 5-10 jours |
Chéilites bactériennes | Traiter comme un impétigo cutané + antiseptiques et/ou antibiotiques locaux |
Chéilite mycosique | – antifongiques locaux (amphotericine B, miconazole) . efficaces . récidivent en l’absence de traitement d’un éventuel facteur favorisant – fluconazole par voie orale . sujet immunodéprimé . forme chronique |
Chéilites immunoallergiques | Erythème polymorphe – traitement symptomatique . bains de bouche antiseptiques à la chlorhexidine (Eludril®) et cicatrisants (Glyco-Thymoline 55®) . application de vaseline pour ramollir les croûtes Syndrome de Stevens-Johnson ou syndrome de Lyell – Arrête du médicament – Traitement symptomatique par émollients |
Chéilite carentielle | Correction du déficit |
Chéilites glandulaires | soins locaux, antibiothérapie, cryochirurgie ± vermillonectomie (formes suppurées sévères) |
Macrochéilites granulomateuses | Traitement difficile et non codifié – corticoïdes locaux : topiques, intralésionnels ou systémiques – clofazimine (Lamprène®) : 100mg à 200mg/jour pendant un mois avec une décroissance sur 3 à 6 mois (selon efficacité et effets secondaires) |
Chéilite plasmocytaire | – corticoïdes (locaux ou intralésionnels) – inhibiteurs de calcineurine topiques (tacrolimus topique) – griséofulvine orale |
Autres chéilites inflammatoires | Traitement étiologique |