1) Généralité 1A
Définitions
Colonisation urinaire : bactériurie asymptomatique. Plus fréquente chez le sujet âgé, et systématique chez les patients sondés pendant > 1 mois.
Infection urinaire (= IU = cystite aiguë chez la femme) : inflammation symptomatique de la muqueuse urétrale/vésicale
Cystite récidivante : survenue de ≥ 4 épisodes en 1 an
2 situations à risque sont traitées dans des fiches distinctes, les IU gravidiques et les IU masculines. La principale complication (PNA) est également traitée dans une autre fiche. Enfin, un tableau récapitulatif de PEC est disponible à cette adresse.
Physiopathologie/épidémiologie : 1/3 des femmes a une IU dans sa vie, avec un pic au début de l’activité sexuelle et à la ménopause
L’IU est une affection fréquente, freinée naturellement par la miction, mais favorisée par de nombreux paramètres. Ceux-ci donnent lieu à une classification IU simple vs à risque et sont résumés dans le tableau partie clinique (FdR à rechercher systématiquement).
Bactériologie
– E. Coli = 90% des IU simples, moins fréquent chez le sujet âgé (50%) ou en cas de cystite récidivante (65%)
– Proteus mirabilis en 2e position, souvent associé à une lithiase
– S. saprophyticus (femmes jeunes ++)
– Autres : Autres entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa, Corynebacterium urealyticum, entérocoques 1A, rares formes virales chez l’enfant 1C
– Les espèces en causes sont habituellement peu pathogènes en cas de cystite récidivante ou avec facteurs de risque, ou plutôt uropathogènes en l’absence de FdR
2) Diagnostic 1A
Clinico-biologique |
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IU simple : clinique + BU IU à risque de complication / formes graves : ECBU |
A ) Clinique
-
Anamnèse
> Terrain
Classification | FdR identifiés |
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IU simple | . Femme : faible longueur de l’urètre . Biochimie urinaire : pH basique, forte osmolarité . Activité sexuelle : apport de bactéries périnéales ou digestives . Toute agression de la muqueuse vésicale (médicaments ou sondage) . Ménopause (carence oestrogénique) . Médicaments : anticholinergiques, opiacés, neuroleptiques . Diabète |
IU à risque de complication (à connaître +++) |
> Anamnestique : Toute anomalie organique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire . Uropathie obstructive : lithiase, hypertrophie prostatique, corps étranger, tumeur . Résidu post-mictionnel, vessie neurologique, reflux vésico-urétéral .Traumatisme, iatrogénie (chirurgie, endoscopie, sonde) > Liés au terrain ++ . IU masculine . IU gravidique . Age : > 65 ans avec ≥ 3 critères de Fried* ou > 75 ans (et âge < 3 mois 1B, 1C) . IRC stade IV (DFG <30mL/min) . Immunodépression grave NB : le diabète n’est plus considéré comme un FdR de complication (recommandation 2015) |
Cystite récidivante | . Spermicides . 1er épisode avant 15 ans . ATCD d’IU dans la famille au premier degré . Obésité . Après la ménopause : prolapsus vésical, incontinence, résidu post-mictionnel, déficit en oestrogènes |
* Les critères de Fried comprennent :
– Perte de poids involontaire au cours de la dernière année
– Vitesse de marche lente
– Faiblesse musculaire
– Activité physique réduite
– Asthénie
> Signes fonctionnels
Apyrexie dans les cystites simples
– Signes fonctionnels urinaires (SFU) : pollakiurie, dysurie, brûlures mictionnelles, mictions impérieuses
– Hématurie macroscopique (30%)
-
Particularités selon le terrain
Chez le sujet âgé : la symptomatologie peut être atypique, y penser devant un syndrome confusionnel, une perte d’autonomie, des chutes inexpliquées ou une modification de signes urinaires pré-existants.
IU gravidiques, masculines : cf. fiches dédiées
B ) Paraclinique
-
Bandelette urinaire BU
La BU recherche d’une leucocyturie témoin de la réaction inflammatoire (sensible pour ≥ 104 leuco / mL) ou de nitrites produits uniquement par les entérobactéries (sensible pour environ 10⁵ bactéries / mL).
Indication : IU simples (ou élément d’orientation en attendant l’ECBU dans les autres cas)
Conditions de prélèvement : urines de 2e jet si possible, récipient non-stérile, pas de toilette préalable
Résultats
– Une BU négative chez une femme symptomatique élimine le diagnostic (VPN > 95%)
– Une BU positive (leuco et/ou nitrites) chez un homme confirme le diagnostic (VPP > 85%), mais une BU négative ne l’élimine pas
– Une BU négative chez l’enfant a une VPN > 90 % dès 1 mois 1B, le dépistage repose donc sur la BU dès cet âge (ECBU direct avant 1 mois) 1C
-
Examen cyto-bactériologique ECBU
Examen direct et cytologie, puis identification de la bactérie avec ATBgramme.
Indications
– Non-nécessaire dans les cas de cystite aiguë simple
– Systématique quand on suspecte tout autre type d’IU
– En l’absence de symptômes (= colonisation urinaire), on ne le réalise que dans les 2 situations qui imposent un traitement : grossesse (cf. colonisation gravidique) et intervention prévue sur les voies urinaires
Conditions de prélèvement
– Avant toute ATBthérapie +++
– Précédé d’un lavage de mains, d’une toilette locale, si possible d’un délai de 4h après la dernière miction, et d’une élimination du premier jet d’urine
– Mise en place d’un tampon en cas de pertes vaginales
– En cas d’incontinence totale : sondage ‘aller-retour’ chez la femme, étui pénien chez l’homme
– Chez un patient sondé : ponction sur le site spécifique du dispositif (jamais à partir du sac collecteur)
– Conservation < 2h à température ambiante, <24h à 4°C
Résultats (seuils de positivité)
Leucocyturie ≥ 104 unités /mL, probable contamination du prélèvement sinon
Bactériurie
– ≥ 10² UFC/mL en cas de recueil vésical ou rénal (sondage aller-retour, ponction sus-pubienne ou pyélique) 1B
– ≥ 103 UFC/mL chez l’homme et pour E. Coli + S. Saprophyticus chez la femme
– ≥ 104 UFC/mL pour les autres bactéries chez la femme
– ≥ 105 UFC/mL en cas de recueil sur sonde (et colonisation gravidique) 1B
C ) Diagnostic différentiel 1B
! Une IU décapitée par ATBthérapie ne montrera qu’une leucocyturie isolée !
Autres causes de leucocyturie sans bactériurie
– Tuberculose uro-génitale / bactéries intracellulaires (chlamydia, mycoplasmes)
– Urétrite / Vaginite / Prostatite aiguë
– Néphropathies interstitielles chroniques
– Cystites non-infectieuses (tumeur, lithiase, médicament, Rxthérapie)
– Néovessie iléale ou colique
– IU sur sonde vésicale
– Période péri-menstruelle
– Sujet âgé (incontinent ++) 1A
– Maladies inflammatoires : Kawasaki 1C
3) Evolution 1A
A) Histoire naturelle
Cystite aiguë simple : guérison spontanée dans 25-45% des cas, évolution favorable en 48-72h sous traitement
Cystite à risque de complication : risque de récidive +++
B) Complications
Récidive (20-30%, la moitié du temps à la même bactérie)
Pyélonéphrite aiguë (PNA) : rare chez l’adulte, 95% des IU avant 1 an 1C
Signes de gravité : sepsis, choc septique, indication de drainage hors sondage vésical simple
Note 0 : les signes de gravité ne s’observent pas dans les IU simples, mais dans les PNA et IU masculines graves et certaines IU à risque (rétention aiguë d’urine)
4) PEC 1A
A ) Bilan
Bilan devant une suspicion d’IU | Indications |
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BU | Tout patient symptomatique |
ECBU | IU à risque de complication Signes de gravité Directement si âge < 1 mois 1C ou sonde vésicale IU simple d’évolution défavorable à 72h ou récidive précoce dans les 2 semaines |
Hémocultures | Sonde urinaire Doute diagnostique |
Bladder-scan ou échographie | Suspicion de RAU |
Autres | A discuter selon les complications suspectées (PEC multidisciplinaire ++) |
B ) Traitement
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Mesures générales
> Mesures d’hygiène et prévention ++ (limiter la stase urinaire)
– Apports hydriques abondants (> 1.5 L/j)
– Encourager les mictions fréquentes
– Régularisation du transit
– Uriner après les rapports sexuels
– ± Canneberge et oestrogènes en topique pour les IU récidivantes
> PEC symptomatique : antalgiques
-
Antibiothérapie
Le choix de l’antibiotique est orienté par différentes contraintes (limiter la sélection de résistances, élimination urinaire, limiter les molécules à fort impact sur le microbiote intestinal, prix, effets indésirables).
> Antibiothérapie probabiliste
IU SIMPLE | IU A RISQUE DE COMPLICATION | |
---|---|---|
Indication (de l’ATB proba) |
systématique | Seulement si : – long délai d’ECBU – risque d’évolution en PNA – comorbidité sévère (immunodépression…), – patientes très symptomatiques |
1ère intention | Fosfomycine-trométamol PO 3g, dose unique |
Nitrofurantoïne (sauf insuffisance rénale avec DFG < 40 mL/min 2) |
2nde intention | Pivmécillinam PO 400mg x 2/j, 5j | Fosfomycine-trométamol 2 |
> Antibiothérapie adapté (différé de 48h)
A priorisé dans les IU à risque de complication, en 3e intention dans les IU simples. Traitement par ordre de préférence : 2
– Amoxicilline 7j
– Pivmécillinam 7j
– Nitrofurantoïne 7j
– Fosfomycine-trométamol : 3 prises de 3g (J1-3-5)
– Triméthoprime 5j
> Cas particuliers
Cystite aiguë simple en pédiatrie 1C : traitement PO 3-5 jours
– Cotrimoxazole (sulfaméthoxazole 30mg/kg + triméthoprime 6mg/kg par jour 0)
– Céfixime (8mg/kg en 2 fois par jour, après 3 mois 0)
– Augmentin
Cystite récidivante : cf. cystite aiguë simple, éviter la prise répétée de nitrofurantoïne. Une auto-médication (ordonnance BU et ATB) peut être envisagée, voire une ATBprophylaxie par triméthoprime (cotrimoxazole 2e intention 2) 1 cp / jour ou fosfomycine-trométamol 1 sachet / 7-10 jours.
Modalités de l’ATBprophylaxie
– Indiquée ssi ≥ 1 épisode / mois malgré les mesures de prévention bien observées, mauvaise tolérance et ECBU négatif 8-15 jours avant
– Durée d’au moins 6 mois, réévaluation au moins 2 fois par an
– Arrêt + ECBU si nouvelle cystite
– Cystite post-coïtale : prise jusqu’à 2h avant ou après les rapports
Sonde urinaire
– Retrait ou changement de sonde
– ATBthérapie différée 10 jours, adaptée à l’antibiogramme
Bactériurie isolée (asymptomatique) : seulement 2 indications au traitement
– Grossesse (cf. colonisation gravidique)
– Intervention chirurgicale prévue sur les voies urinaires (traiter 48h avant)
C ) Suivi
Aucun suivi clinique ou paraclinique n’est nécessaire en cas d’IU simple ou à risque de complication d’évolution favorable. En cas de persistance des symptômes à 72h du début de traitement, un ECBU doit être réalisé.
7 réponses à “Colonisation et infection urinaire chez la femme”
Concernant la BU chez le nourrisson : le réf. de néphrologie a un passage ambigu, « la VPN est > 90 % dès l’âge de 1 mois » ; « en dehors des situations d’urgence ou graves (âge < 3 mois, sepsis sévère, neutropénie…), il est recommandé, dès l’âge de 1 mois : d’effectuer une BU avant d’envisager un ECBU [...]". Les pédiatres sont plus explicites dans leur dernière édition, l'ECBU n'est envisagé directement qu'avant l'âge de 1 mois. L'âge < 3 mois reste cependant un facteur de gravité, impliquant une hospitalisation et la réalisation d'hémocultures.
Modifications dans la 7e édition du référentiel de pédiatrie (non-dispo en ligne à ce jour) :
– Les posologies des traitements ne sont plus données
– De nouveaux schémas thérapeutiques s’ajoutent aux anciens dans les PNA
– L’accent est mis en dernière partie sur les étiologies malformatives favorisant les IU et PNA (RVU et autres anomalies de la jonction urétéro-vésicale, anomalies de la jonction pyélo-urétérale et de la jonction vésico-urétrale).
A noter qu’on parle d’IU masculine, mais très peu d’IU féminine… !
La fièvre est-elle un signe de PNA ?! En Allemagne, une cystite peut tout à fait être fébrile
En France, une cystite n’est pas fébrile 🙂
Attention, nouvelles recos de la HAS de juillet 2021 concernant la durée de certains ATB !
A modifier lors de la prochaine mise à jour 🙂
Nouvelle publication Cochrane sur l’effet positif du canneberge : https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD001321.pub7/full/fr
Ces données soutiennent l’utilisation de produits à base de canneberge pour réduire le risque d’infections urinaires symptomatiques, vérifiées par culture, chez les femmes souffrant d’infections urinaires récurrentes, chez les enfants et chez les personnes susceptibles d’être victimes d’infections urinaires à la suite d’interventions. Les données probantes actuellement disponibles ne soutiennent pas son utilisation chez les personnes âgées, les patients ayant des problèmes de vidange de la vessie ou les femmes enceintes.