1) Généralités 1
Déf : infection fongique invasive due à une levure capsulée du genre Cryptococcus dont Cryptococcus neoformans et Cryptococcus gattii sont les principales espèces pathogènes.
Physiopathologie
– Acquisition très tôt dans l’enfance : primo-infection asymptomatique (infection contrôlée par le système immunitaire)
– Une partie des levures reste dormante (macrophages alvéolaires ou ganglions) ce qui leur permet de persister des années durant (jusqu’à une trentaine d’années)
– Immunosuppression (VIH, corticothérapie, traitement immunosuppresseur) ⇒ développement des levures à partir du gîte principal (poumon), dissémination par voie hématogène (fongémie) avec tropisme particulier pour le système nerveux central
– Ceci explique les principaux signes cliniques avec une prédominance de la méningoencéphalite (peu inflammatoire, apparition très progressive sur plueisuers semaines, paucisymptomatique au stade initial)
Épidémiologie
Données épidémiologiques
. l’incidence de cryptococcose liée au VIH a considérablement diminué dans les pays ayant accès aux traitements anti-rétroviraux hautement actifs (baisse considérable du nombre de cas global)
. l’incidence des cas non liés au VIH est en augmentation
Mode de transmission
– inhalation de spores
– inoculation directe traumatique (exceptionnelle)
Mycologie
Cryptococcus neoformans
– Espèce la plus fréquente en pathologie humaine
– Champignon ubiquitaire saprophyte de l’environnement (fientes de pigeons, guano de chauve-souris, sol, écorce d’arbres)
– Levure ronde de 3-10 μm de diamètre se multipliant par bourgeonnement entourée d’une capsule polysaccharidique ; pousse bien à 30°C sur milieu riche mais également à 37°C.
– On distingue
. C. neoformans var. grubii (sérotype A), cosmopolite
. C. neoformans var. neoformans (sérotype D), la plus fréquente en Europe
Cryptococcus gattii
– Cryptococcus gattii (sérotype B,C)
– 2e espèce la plus fréquente
– Répartition géographique initialement restreinte aux régions subtropicales mais espèce récemment isolée dans certaines régions tempérées, bassin méditerranéen et nord-ouest des Etats-Unis +++
– Responsable des cryptococcoses chez l’immunodéprimé mais présente aussi des comorbidités importantes.
Autres Cryptococcus
– C. laurentii
– C. albidus
– C. uniguttulatus
Ils sont responsables d’infections fongiques invasives ou superficielles.
2) Diagnostic 1
Clinique | Paraclinique |
---|---|
atteintes pulmonaire, neuroméningée et cutanée | examen direct culture et identification détection d’antigène capsulaire |
A ) Clinique
-
Cryptococcose opportuniste à Cryptococcus neoformans
Se voit chez le patient immunodéprimé
– VIH avec CD4 < 100/ mm3
– transplantés d’organe
– hémopathies
– traitements immunosuppresseurs
Atteinte pulmonaire
– concomitante de la dissémination et de la méningoencéphalite
– peut être inaugurale et intervenir avant toute dissémination
– peut se présenter sous différentes formes
. pneumopathie interstitielle isolée ± associée à une pleurésie et/ou adénopathies médiastinales
. parfois présence isolée d’une plusieurs opacités pulmonaires bien limitées dites nodulaires = forme clinique classique
. pneumopathie alvéolaire ou cavitaire possible
Atteinte neuro-méningée
– Début insidieux et très progressif (plusieurs semaines à plusieurs mois)
– Céphalées persistantes, modification de l’humeur ± signes neurologiques focalisés (atteinte des nerfs crâniens)
– Installation ensuite d’un syndrome méningé plus franc avec céphalées persistantes dans un contexte fébrile
– Apparition rapide par la suite de troubles de la conscience due à une hypertension intracrânienne (HTIC) : P > 25 cm d’eau
Atteinte cutanée
– Peut être primaire par inoculation directe
– Le plus souvent résulte d’une dissémination hématogène
– Plusieurs formes chez les patients immunodéprimés
. acnéiformes, pustuleux, papuleux, nodulaires ou ulcéro-nécrotiques
. aspect de pseudo-molluscum contagiosum parfois observé
– Localisation : visage et extrémités des membres
– Pas d’adénopathies satellites
– Parfois association avec des ulcérations muqueuses
Autres atteintes
– Tous les tissus peuvent être touchés (os, ganglions, rate, foie, moelle osseuse)
– Prostate ++, asymptomatique, réservoir (rechutes)
-
Cryptococcose à Cryptococcus gattii
– Asymptomatique ou paucisymptomatique +++
– Lésions focales (cryptococomes) ++ lors de l’atteinte cérébrale
– Atteinte pulmonaire avec une pneumopathie nodulaire isolée dans un plus nombre de cas par rapport aux infection à C. neoformans
-
Cryptococcose cutanée primitive
– Concerne les sujets immunocompétents sans facteurs de risques
– Porte d’entrée : inoculation traumatique (parfois non retrouvée à l’interrogatoire)
– Principaux facteurs retrouvés
. activités en rapport avec les végétaux ou le milieu extérieur (jardinage, bricolage)
– Formes cliniques (panaris, nodules, ulcération, phlegmon, etc.) très fréquemment associées à C. neoformans var. neoformans
B ) Paraclinique
Prélèvements
– Liquide cérébro-spinal (ponction lombaire)
– Sang (hémoculture)
– Prélèvements respiratoires (expectoration induites, liquide de lavage bronchiolo-alvéolaire)
– Urines
– Exsudat cutanés (frottis mince)
– Biopsies minces
Examen direct
– Recherche de présence de levures capsulées, rondes, parfois bourgeonnantes
– Après centrifugation des liquides, le test à l’encre de chine permet de révéler la présence de Cryptococcus spp. sous la forme de levures entourées d’une capsule mise en évidence en négatif et formant un halo périphérique
– Grande taille et forme sphérique évocatrices de C. neoformans ou C. gattii
Culture et identification
– Culture sur milieu de Sabouraud sans cycloheximide (Cryptococcus y est sensible)
– Pousse en 1-5 jours (certaines souches vont jusqu’à 3 semaines) surtout après traitement antifongique
– Colonies d’aspect crémeux à muqueux en fonction des souches et de couleur blanche à beige
– Critères d’identification mycologique
. levure sphérique de grande taille, ne filamentant pas
. présence d’une capsule (souvent très fine après culture sur milieu de Sabouraud)
. croissance à 37°C pour C. neoformans et C. gattii
. présence d’une activité uréase rapide (test à l’urée positif en 3 h) signant l’appartenance au genre Cryptococcus
– Génotypage et sérotypage pour distinguer les espèces et leurs variétés
Détection d’antigène capsulaire
– Un des meilleurs test de diagnostic rapide en mycologie
– Utile dans le liquide cérébro-spinal et le sérum
Diagnostic moléculaire
– détection par PCR de nombreux pathogènes en un seul test
– moins performantes que la recherche d’antigène capsulaire
– à interpréter avec prudence dans le cadre du diagnostic de la cryptococcose neuro-méningée.
C ) Diagnostic différentiel
Pas de données relatives au diagnostic différentiel dans le référentiel.
3) Evolution 1
En absence de traitement, l’atteinte neuro-méningée évolue vers un coma et le décès du patient.
4) PEC 1
A ) Traitement
Le traitement se déroule en 03 phases : induction, consolidation et maintenance.
Phase d’induction
– Amphotécérine B (Fungizone ®) 0,7-1 mg/kg/jour + 5-fluorocytosine (Ancotil ®) 100 -150 mg/kg/jour en IV pendant au moins 2 semaines
– La forme liposomale (Ambisome ®) 3-5 mg/kg/jour est mieux tolérée avec une efficacité équivalente
Phase de consolidation : fluconazole 400-800 mg/jour pendant 6 semaines au moins
Phase de maintenance : fluconazole 200 mg/jour pendant 6 mois à 1 an (plus longtemos si le patient reste immunodéprimé)
Notes
– le traitement d’induction peut être évité et un traitement par fluconazole d’emblée utilisé en cas de cryptococcose pulmonaire ou cutanée localisée
– ponction lombaire évacuatrices en cas d’hypertension intracrânienne
B ) Suivi
– Séquelles neurologiques possibles après guérison (surdité, cécité)
– Restauration immunitaire à l’origine d’une réaction inflammatoire inappropriée (IRIS) simulant un échec thérapeutique ou une rechute (chez patients immunodéprimés, surtout vivants avec le VIH-sida ayant débuté un traitement ARV).