!! URGENCES !!
Urgence |
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Toute forme étendue ou rapidement évolutive |
Déf : les dermatoses bulleuses sont un groupe hétérogène de pathologies aboutissant à la formation de bulles = lésion liquidienne superficielle à contenu clair ou séro-hématique de taille > 5mm, siégeant sur la peau ou les muqueuses.
Physiopathologie : la cohésion de la peau est assurée par 2 systèmes d’adhérence
– Desmosomes : adhérence intra-kératinocytaire (cohésion épidermique)
– Jonction dermo-épidermique (JDE) : comporte de la superficie à la profondeur les hémi-desmosomes, les filaments d’ancrage, la lame dense et les fibrilles d’ancrage
L’atteinte de ces structures d’adhérence est à l’origine de la formation des bulles. Dans les DBAI, cette atteinte est liée à des auto-anticorps « anti-substance intercellulaire » à l’origine d’une acantholyse pour les DBAI intra-épidermiques ; ou à des auto-anticorps « anti-membrane basale » pour les DBAI sous-épidermiques.
Diagnostic positif :
– Des érosions post-bulleuses, arrondies ± recouvertes d’une croûte
– Des érosions des muqueuses externes (bulles fugaces, rarement vues)
– Un vaste décollement épidermique donnant un aspect de « linge mouillé sur la peau »
Les bulles sont à distinguer des vésicules (plus petites, 1 à 2 mm) et des pustules (contenu purulent), mais ces lésions peuvent coexister : certaines DBAI s’accompagnent volontiers de vésicules (dermatite herpétiforme, pemphigoïde bulleuse).
1) Etiologie 1A
A) Dermatoses bulleuses auto-immunes (DBAI)
Le diagnostic des DBAI nécessite la combinaison d’examens clinique, anatomopathologique et immunologique.
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DBAI intra-épidermiques (groupe des pemphigus)
Ces étiologies ont en commun un clivage intra-épidermique (signe de Nicolsky) avec un aspect « en mailles » en IFD, lié à des dépôts IgG, C3
Etio | Clinique | Paraclinique |
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Pemphigus vulgaire | Terrain : 40-50 ans Bulles flasques sur peau saine, érosions ++, signe de Nicolsky Topographie : début insidieux sur les muqueuses, atteinte cutanée des semaines ou mois après (plis, zones de frottement, cuir chevelu) |
Biopsie – Histo : clivage profond supra-basal, bulle intra-épidermique, acantholyse – IFD : dépôts IgG et C3 en maille de filet sur l’épiderme Sang – IFI : IgG anti-substance intercellulaire – Immunotransfert et ELISA : Ac anti-desmogléine 3 ± 1 |
Pemphigus superficiel | Pemphigus séborrhéique (forme localisée) : bulles fugaces et inconstantes, érythémato-squameuse à bordure figurée, de topographie séborrhéique Pemphigus foliacé (forme disséminée) |
Biopsie : clivage superficiel sous-corné, acantholyse Immunotransfert et ELISA : Ac anti-desmogléine 1 |
Pemphigus paranéoplasique | Terrain : cancer connu ou non (hémopathies lymphoïdes ++) | |
Pemphigus médicamenteux * | Anamnèse | – |
* Molécules responsables de pemphigus médicamenteux (leur arrêt ne suffit pas toujours à enrayer le pemphigus)
– Contenant un groupe thiol : D-pénicillamine, captopril, thiopronine, pyrithioxine
– Autres : piroxicam, bêtabloquants, phénylbutazone, rifampicine
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DBAI sous-épidermiques
Ces étiologies ont en commun un clivage sous-épidermique liée à des anticorps dirigés contre un constituant de la JDE (sauf pour la dermatite herpétiforme qui fait intervenir une hypersensibilité à la gliadine)
Etio | Clinique | Paraclinique |
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Pemphigoïde bulleuse (1ère étiologie des DBAI) |
Terrain : sujet > 80 ans, grabataire (AVC, démence, Parkinson…), diurétique épargneur de potassium Prodrome = prurit généralisé intense, bulles tendues ± vésicules sur peau lésée (érythémateuse / eczématiforme / urticarienne) Topographie : symétrique, face de flexion et racine des membres, rarement muqueuses |
Biopsie – Histo : infiltrat inflammatoire riche en éosinophiles – IFD : dépôts linéaires IgG et/ou C3 le long de la membrane basale Sang – NFS : hyperéosinophilie – IFI (80%) : IgG anti-membrane basale – ELISA : Ac anti-BPAG1 et BPAG2 |
Pemphigoïde gravidique | Terrain : grossesse (T2, T3), post-partum Topo : région péri-ombilicale Risque de récidive lors des grossesse ultérieures, de prématurité et d’hypotrophie foetale |
Biopsie : idem pemphigoïde bulleuse ELISA : Ac anti-BPAG2 |
Pemphigoïde cicatricielle | Terrain : plus jeune que la pemphigoïde bulleuse (65 ans) Topographie : muqueuses ++, cutanée (25 %, tête et cou) guérissant sans séquelles atrophiques |
Biopsie : idem pemphigoïde bulleuse ELISA : Ac anti-BPAG2 |
Epidermolyse bulleuse acquise | Terrain : Crohn associé (25%) Bulles en peau saine laissant des cicatrices atrophiques et des microkystes Topographie : zones de frottement, face d’extension des plis, extrémités, atteinte muqueuse |
Biopsie : idem pemphigoïde bulleuse ELISA : Ac anti-collagène VII |
Dermatite herpétiforme | Terrain : souvent maladie coeliaque asymptomatique associée Prurit diffus, longtemps isolé, puis bulles et/ou vésicules évoluant par poussées ± provoquées par une prise de gluten Topographie : bouquets ou anneaux symétriques aux épaules, fesses, face d’extension des coudes et des genoux |
Biopsie cutanée : – Histo : micro-abcès à PNN du derme papillaire – IFD: dépôts granuleux d’IgA en mottes, au sommet des papilles dermiques sous la JDE Biopsies multiples du 2e duodénum systématiques : entéropathie au gluten Sang : Ac anti-endomysium et anti-transglutaminase |
Dermatoses à IgA linéaire | Chez l’enfant : grandes bulles et vésicules à regroupement arrondi, prédominant sur la moitié inférieure du tronc, les fesses, le périnée et les cuisses Chez l’adulte : formes d’évolution aiguë induite par les médicaments (vancomycine, AINS, IEC) |
Biopsie : dépôts linéaires d’IgA en IFD |
B) Maladie bulleuse non auto-immune
Etio | Clinique |
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Toxidermies bulleuses : NET (sd de Lyell et de Stevens-Johnson) | Prise médicamenteuse dans le délai d’imputabilité (sulfamides, AINS 0) Début brutal, atteinte muqueuse ++, souvent inaugurale Evolution rapide avec signes généraux |
Agents externes | Exposition à un agent – Physique : brûlures thermiques, érythème actinique (« coup de soleil »), photophytodermatose (« dermite des prés ») – Chimique : dermatite caustique, piqûre d’insecte… |
Erythème polymorphe bulleux | Souvent précédé par une infection 10-15j avant (récurrence d’herpès ++) Lésions en cocarde (≥ 3 cercles concentriques) Topographie : cutanée acrale (coudes, genoux, mains, visage) et muqueuse / érosive (buccale, génitale, conjonctivale) |
On peut ajouter à cette catégorie les bulles formées par un mécanisme particulier
– Vésicules confluentes : herpès, zona, eczéma
– Nécrose épidermique (bulles par nécrose de l’épiderme) : vasculites nécrotico-bulleuses
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Causes spécifiques à un âge particulier
Etio | Clinique | Paraclinique |
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Porphyrie cutanée tardive | Terrain : adulte Vésicules et bulles des régions découvertes (dos des mains, visage), d’évolution cicatricielle Fragilité cutanée, hyperpigmentation, hyperpilosité temporo-malaire |
Taux élevé d’uroporphyrine dans les urines |
Epidermolyses bulleuses héréditaires | Terrain : enfant habituellement en période néo-natale, ± ATCD familiaux Bulles sur les zones de friction ou de traumatisme (extrémités, faces d’extension des membres), fragilité cutanée |
Biopsie cutanée : immunohistochimie, microscopie électronique ± identification d’une mutation de gènes codant les différentes protéines de la JDE |
Epidermolyse staphylococcique | Terrain : enfant avant acquisition de l’hygiène Contexte infectieux : début brutal, fièvre, foyer infectieux (impétigo, omphalite, otite externe…) Décollement cutané sous-corné (très superficiel) avec impression de brûlures cutanées et AEG |
Prélèvements infectieux : S. aureus producteur de toxine |
2) Orientation diagnostique 1A
A) Clinique
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Anamnèse
Terrain
– Age et contexte de début
– ATCD personnels et familiaux de maladies auto-immunes
– Signes et pathologies associés
Prise médicamenteuses
– D-pénicillamine, IEC (pemphigus)
– Diurétiques épargneurs de potassium (pemphigoïde bulleuse)
– Vancomycine, AINS, IEC (dermatose à IgA linéaire)
– Sulfamides, AINS (syndromes de Lyell et Stevens-Johnson) 0
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Examen clinique
Caractéristiques cliniques des bulles intra- et sous-épidermiques
Bulles intra-épidermiques | Bulles sous-épidermiques |
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Bulles flasque, fragile Signe de Nikolsky : décollement cutané provoqué par un frottement appuyé sur la peau saine (signe une acantholyse) |
Bulle tendue, de contenu clair ou hématique |
Peau péri-lésionnelle : saine (pemphigus) ou érythémateuse / urticarienne (pemphigoïde bulleuse)
Topographie lésionnelle
– Tronculaire, racine et face de flexion des membres (pemphigoïde bulleuse)
– Faces d’extension des membres (dermatite herpétiforme, épidermolyse bulleuse acquise)
– Plis de flexion, cuir chevelu (pemphigus, pemphigoïde bulleuse)
– Lésions muqueuses (pemphigus, pemphigoïde cicatricielle)
B) Paraclinique
Bilan devant une maladie bulleuse |
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Biopsie cutanée (ou muqueuse) – Site : bulle intacte et récente, ou au bord d’une érosion muqueuse – Histologie : clivage sous-épidermique ou intra-épidermique – Immunofluorescence directe (IFD): mise en évidence de dépôts d’immunoglobulines et/ou de C3 |
Sang – Immunofluorescence indirecte (IFI) : recherche d’auto-Ac circulants anti-membrane basale dans les DBAI de la JDE ou anti-SIC dans les pemphigus – Immunotransfert ou ELISA : caractérisation des antigènes reconnus par les auto-Ac |
C) Synthèse 0
Non-réalisée à ce jour
3) Traitement symptomatique 1A
Mesures générales / prévention des complications
– Bains antiseptiques
– Compensation des pertes hydro-électrolytiques (hydratation en s’efforçant de ne pas utiliser de voie veineuse compte tenu du risque infectieux)
– Nutrition hypercalorique compensant les pertes protéiques
PEC étiologique +++
– Pemphigoïde bulleuse et pemphigus vulgaire : cf. fiches dédiées
– Pemphigus superficiel : idem pemphigus vulgaire, ou dapsone / dermocortico si forme peu étendue
– Pemphigoïde gravidique : corticothérapie locale ou générale
– Pemphigoïde cicatricielle : dapsone, cyclophosphamide ± cortico si atteinte oculaire évolutive
– Dermatose à IgA linéaire : arrêt d’un traitement inducteur + dapsone
– Dermatite herpétiforme : dapsone (« effet spectaculaire sur le prurit puis sur les lésions cutanées, sans effet sur l’entéropathie au gluten »)