1) Généralités
Déf 1 : trouble neurologique central du à une carence en vitamine B1 (thiamine)
Physiopathologie 2
– Thiamine = vitamine dite « antinévritique » car essentielle au fonctionnement des neurones et du système nerveux
– Elle joue un rôle dans la transmission synaptique acétylcholinergique et sérotoninergique et dans la conduction axonale.
– Forme triphosphate : rôle complexe de phosphorylation des protéines ; permet de réguler les flux de sodium et de potassium dans la cellule nerveuse donc impliquée dans la dépolarisation membranaire et l’influx nerveux
– Le déficit en thiamine s’accompagne en 1er lieu d’une diminution de l’activité α-cétoglutarate-déshydrogénase dans les astrocytes.
– Un déficit en pyrophosphate de thiamine ⇒ ↓ de la synthèse d’ATP dans le neurone et la glie, ↓ de la synthèse de myéline et des neurotransmetteurs issus du métabolisme du glucose (acide glutamique, acide μ-aminobutyrique)
Les lésions apparaissent 2-3 semaines après le début des symptômes de carence en thiamine. Elles sont d’abord gliales, puis neuronales.
Epidémiologie
– Prévalence sous estimée (75 à 80 % de diagnostics post-mortem chez l’adulte et
58 % chez les enfants)
– Prévalence dans les études se basant sur les autopsies = 1,3% (0,4 – 2,8%) 3
Etiopathogénie 2 : toutes situations aboutissant à une carence en thiamine par diminution d’apport, d’absorption, de stockage, de transformation en forme active et par augmentation des besoins sans augmentation des apports.
– Alcoolisme chronique +++
– Vomissements et diarrhées
– Chirurgies (gastrectomie, ballon intragastrique, gastroplasties)
– Causes iatrogènes : nutrition parentérale, perfusions de glucosée sans apport de thiamine, médicaments (diurétiques, phénytoïne, pénicillines, céphalosporines, aminoglycosides, tétracyclines, fluoroquinolones, dérivés des sulfamides et triméthoprime)
– Prédispositions génétiques
– Cancers
– Autres : causes d’inactivation de la thiamine (cuisson excessive, antiacide, antimitotique), présence d’une thiaminase dans l’aliment (poisson cru, fruits de mer, etc.), interférence alimentaire liée à la présence d’anti-thiamine (thé, café, noix d’arec ou noix de Betel)
2) Diagnostic 1
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Syndrome confusionnel, troubles oculomoteurs, syndrome cérébelleux statique, hypertonie oppositionnelle | Dosage de la vitamine B1 et/ou IRM cérébrale |
A ) Clinique
-
Anamnèse
Terrain 2
– Alcoolisme
– Notion de chirurgie bariatrique
– Dénutrition
-
Examen physique
Le diagnostic se fait devant la présence d’au moins l’un des signes suivants :
– Syndrome confusionnel ;
– Signes oculomoteurs : paralysie oculomotrice, paralysie de fonction, nystagmus ;
– Syndrome cérébelleux statique ;
– Hypertonie oppositionnelle.
B ) Paraclinique
Aide diagnostique, non systématique :
– dosage vitamine B1 : effondré. Pas de seuil consensuel 4
– IRM cérébral : hypersignal symétrique bilatéral T2/FLAIR des corps mamillaires (sensibilité 53 % / spécificité 93 %) 2
C ) Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel se fait avec les autres troubles neurologiques liés à l’alcool :
Coma éthylique : contexte d’ingestion massive d’alcool, aréactivité, mydriase, hypotonie, …
Délirium tremens : contexte de sevrage, syndrome confuso-onirique, hyperactivité du système sympathique (fièvre, tachycardie, …)
Encéphalopathie pellagreuse (carence en vitamine PP) : confusion, hypertonie extrapyramidale +/- dermatite, diarrhée
Encéphalopathie hépatique : confusion, astérixis
Maladie de Machiafava-Bignami (démyélinisation du corps calleux, confirmée par imagerie) : démence avec mutisme akinétique, astasie-abasie, dysarthrie, hypertonie
Atrophie cérébelleuse : ataxie statique et locomotrice, subaigüe ou chronique
Neuropathies : optique (baisse de l’acuité visuelle), longueur-dépendante
Complications indirectes de l’alcool : traumatismes crâniens, AVC, méningites, myélinose centropontine
3) Evolution 1
A) Histoire naturelle
– Les lésions gliales sont réversibles ;
– Evolution donc favorable en cas de prise en charge précoce à ce stade, avant une atteinte des neurones (lésions neuronales irréversibles)
B) Complications
-
Complications aigües
Les complications aigües sont :
– Coma
– Décès
-
Complications chroniques
Il s’agit du syndrome de Korsakoff
– Touche 80-90% des patients non traités 3
– Signes cliniques : atteinte irréversible avec amnésie antérograde (jusqu’à l’oubli à mesure), fausses reconnaissances, fabulations, signes dysexécutifs.
4) PEC 3
A ) Bilan initial
Pas de bilan pré-thérapeutique systématique : peu de risque de toxicité de la vitamine B1 et pas de seuils consensuels indiquant un traitement. 4
B ) Traitement
Sans tarder (48-72h maxi), devant toute suspicion clinique : hydrochloride de thiamine
– 200-500 mg de thiamine x 3/jour pendant 5-7 jours 1D’après la source 2 : 500 mg dans 100 cc de sérum physiologique en IV sur 30 min puis 250 mg/j, jusqu’à l’amélioration des symptômes, puis un relais par voie orale .
– Puis 100 mg x3/jour per os pendant 1-2 semaines
– Puis 100 mg/jour per os.
Recommandation d’une supplémentation en magnésium associée 2
C) Prévention
Indications
– Lors de l’hospitalisation : chez tout patient présentant un risque de carence en vitamine B1 (suspicion d’alcoolisme chronique ou dénutrition) et particulièrement avant toute perfusion de sérum glucosé.
– En ambulatoire : recommandé chez un patient alcoolique chronique et dénutri, ou autre cas de carence d’apport.
Schéma (pas de consensus dans la littérature) :
– 100-200 mg 3 x / jour, en débutant par voie IV (éventuellement IM) durant 3-5 jours,
– puis per os 100 mg 3 x / jour durant 1-2 semaines
– puis 100 mg /jour per os au long cours.
Une réponse à “Encéphalopathie de Gayet-Wernicke”
Concernant l’encéphalopahtie de Gayet-Wernicke, des infos ici :
– Encéphalopathie métabolique chez l’alcoolique chronique, comment s’orienter ?
– Prévalence, prophylaxie et traitement de l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Quelle dose et quel mode d’administration de la thiamine ?