1) Généralités 1A
Déf 0 : fracture de jambe touchant à la fois les malléoles interne et externe (ou équivalents, cf. classification), abrégée dans la suite de cette fiche en « BiM ».
Epidémiologie : 3e fracture la plus fréquente après l’extrémité distale du radius et proximale du fémur. 2 pics de fréquence :
– Sujet âgé > 60 ans : chute de sa hauteur, trauma en torsion, pronostic lié aux comorbidités
– Sujet jeune : trauma haute cinétique (AVP, sport violent), pronostic lié aux lésions chondrales et des parties molles
Physiopathologie : spectre lésionnel touchant les ligaments collatéraux (LCM et LCL), les malléoles, la syndesmose, la fibula et la membrane inter-osseuse (MIO).
Selon le mécanisme
– Inversion : flexion plantaire + varus du talon + supination
– Eversion : flexion dorsale de cheville + valgus du talon + pronation
– Rotation externe
Selon le trait de fracture
– Transversal : mécanisme en distraction, fibula ++
– Longitudinal : mécanisme en compression, séparation tibiale ++
– Oblique sur la malléole fib à hauteur ou en amont de la syndesmose : mécanisme en rotation externe
± Atteinte osseuse ou tissulaire : BiM vraie ou équivalent BiM s’il existe une instabilité (ex : entorse du LCM + # fib)
Classification
Lésions infra-syndesmodiques
– Mécanisme en inversion, trait tibial longitudinal et fibulaire transversal
– Ou fracture enfoncement du versant médial du pilon tibial
Lésions trans-syndesmotiques
– Mécanisme en rotation externe avec un trait de fracture fibulaire spiroïde
– ± Equivalent BiM = entorse grave (rupture) du LCM en lieu et place de la fracture tibiale
Lésions supra-syndesmotiques
– Mécanisme en éversion : diastasis tibiofibulaire (rupture LCM et MIO)
– ± Equivalent BiM = entorse grave (rupture) du LCM en lieu et place de la fracture tibiale
– Fracture de Maisonneuve = lésion haute de la fibula > 1/3 proximal de la jambe (après rupture LCM et MIO sur toute sa hauteur)
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Elargissement du cou du pied + coup de hache latéral de face, raccourcissement de l’avant-pied avec saillie antérieure du tibia de profil |
Radio F + P ± Jambe si suspicion de Maisonneuve |
A ) Clinique
Signes de fracture
– De face : élargissement du cou du pied, coup de hache latéral, pied en éversion
– De profil : raccourcissement de l’avant-pied, saillie antérieure du tibia, pied en équin, concavité du tendon d’Achille 1B
– Saillie de la malléole médiane (souvent souffrance cutanée associée), douleur à la palpation basse (ou au col fibulaire dans une Maisonneuve)
Signes de gravité : idem entorse de cheville, mais bilatéral (craquement audible, impotence fonctionnelle, hématome bimalléolaire survenant en < 1h post-trauma)
B ) Paraclinique
Radio (ne doit pas retarder la PEC d’une luxation !)
Incidences
– F + P incluant le calcanéum et l’interligne de Lisfranc latérale (4e et 5e méta)
– ± Jambe F + P si douleur fibulaire diaphysaire (Maisonneuve)
– ± Rx de thorax chez le patient > 60 ans ou avec pathologie cardio-pulm connue
Interprétation
– Classification (localisation par rapport à la syndesmose et pilon tibial ; orientation du trait ; type simple – complexe – comminutive)
– Lésions osseuses associées, complications immédiates
TDM : 2 grandes indications, traitement spécifique
– Fracture ostéochondrale du dôme du talus
– Fracture du pilon tibial (ex : fracture de la malléole postérieure = bi- ou trimalléolaire selon la gravité)
3) Evolution 1A
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Complications immédiates
– Cutanées : ischémie, phlyctènes, ecchymose, nécrose, décollement, plaie ± communicante avec la fracture (fracture ouverte)
– Luxation / subluxation talo-tibiale : postérieure (fracture trimalléolaire) ou antérieure, ou simple baillement médial ou latéral (subluxation) par entorse non-grave associée
– Vasculaire : surtout si AOMI sous-jacente
– Neuro : rare, surtout sensitive (branche superficielle du nerf fibulaire commun)
– Troubles trophiques, décompensation de comorbidité
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Lésions associées
– Fracture ostéochondrale du dôme du talus
– Fracture du tubercule de Tillaux (arrachement de l’insertion tibiale du tibio-fib antérieur)
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Complications secondaires
– Arthrite septique
– Déplacement secondaire
– Maladie thrombo-embolique veineuse
– Syndrome douloureux régional complexe type 1
– Retard de consolidation (après 3 mois) et/ou pseudarthrose (absence de consolidation à 6 mois)
– Raideur articulaire
– Cal vicieux (terrain = arthrose ++)
– Arthrose post-traumatique
4) PEC 1A
-
PEC de la fracture
Chirurgical (1ère intention)
– Réduction (ostéosynthèse par vis, plaque, hauban, broches) jusqu’à consolidation
– Syndesmodèse si instabilité des ligaments tibio-fib et de la MIO
– Immobilisation et décharge totale 6 semaines
– ablation de matériel d’ostéosynthèse à 1 an ou plus tôt si gêne fonctionnelle
Orthopédique (2e intention si CI chirg. ou risque de déplacement secondaire) : contention par plâtre curopédieux puis botte, 3 mois en tout, dont 6 semaines en immobilisation + décharge totale
Suites (quel que soit le traitement choisi) : rééducation, arrêt de travail, TAC préventif jusqu’à reprise d’appui
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PEC des complications
Primaires
– Ouverture cutanée : VAT, ATBprophylaxie, lavage et parage chirurgicaux
– Luxation de cheville (extrême urgence : complications vasculo-nerveuses ++) : traction douce sans attendre la radio ++, chir en urgence si irréductible (incarcération articulaire)
– Ischémie aiguë (si luxation / grand déplacement) : radio interventionnelle
– Lésions tendineuses / lig associées : traitement dans le même temps chirurgical (collatéraux, syndesmose, MIO, tibial post…)
– Fracture ostéochondrale associée (arthrose +++ si non-traité) : vissage direct (dôme du talus) ou greffe et fixation (# enfoncements du pilon tibial)
– Nécrose cutanée / infections (si fracture ouverte, ou post-chir) : traitement spécifique, parfois chirurgical
Secondaires
– Arthrite septique / déplacement secondaire : réintervention ± lavage
– Pseudarthrose : PEC si mauvaise tolérance
– Cal vicieux : ostéotomie si mauvaise tolérance ou patient jeune