1) Généralité 1A
Déf 1C : saignement dont l’origine se situe entre la bouche œsophagienne et le canal anal. On distingue les hémorragies hautes, en amont de l’angle de Treitz (duodéno-jéjunal), des hémorragies basses en aval de cet angle.
Epidémiologie : incidence 145 / 100.000 habitants / an, age moyen de 70 ans, prédominance masculine
Etiologies
> Origine digestive haute (80%)
Etiologie | Clinique | Paraclinique |
---|---|---|
Ulcérations gastro-duodénales (30-60%) | FdR d’ulcère (AINS, aspirine, portage d’H. pylori) | FOGD dans les 24h |
Varices oesophagienne, gastropathie d’HTP (3-20%) | ATCD de cirrhose, de varice oesophagienne HMG à bord tranchant, circulation collatérale abdo, ascite… |
|
Erosions gastro-duodénales (7-20%) | ||
Oesophagite (1-10%) | ||
Cancers du tractus digestif supérieur (2-5%) | ||
Sd de Mallory-Weiss (2-4%) | Vomissements initiaux |
Autres : gastrites, angiodysplasies, ulcérations de Dieulafoy, hémobilie, wirsungorragie, fistule aorto-digestive
Notes : 2 facteurs de risques distincts sont identifiés dans ce cadre : l’infection à H. Pylori (UGD seulement), et certains médicaments
– AINS non-sélectifs +++ et anti-COX2 (risque moindre) : complications ulcéreuses
– Aspirine : lésions muqueuses gastro-intestinales même à faible dose !
– Autres anti-agrégants et anticoagulants : favorisent le saignement de lésions pré-existantes
– Sérotoninergiques (?)
> Origine colo-rectale ou anale (15%)
– Diverticulose
– Tumeur colique ou rectale, cancéreuse ou non
– Angiodysplasies coliques
– Colites ischémiques
– Colites infectieuses
– Inflammatoire (RCH, Crohn)
– Rectites radiques
– Traumatisme rectal (thermomètre…)
– Maladie hémorroïdaire
– Fissure anale
> Origine grêlique (5%)
– Angiodysplasies
– Ulcérations
– Diverticulite de Meckel ou autre
– Tumeurs du grêle
– Maladie de Rendu-Osler
– Entérite inflammatoire 0 (Crohn)
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Saignement extériorisé | Forme massive / hémorragie haute : FOGD Hémorragie basse bien tolérée : coloscopie |
A ) Clinique
Signes d’anémie par carence martiale (saignement occulte) : perte de cheveux…
Hémorragie macroscopique
– Hématémèse : hémorragie haute
– Méléna (émission anale de sang digéré, selles noires et fétides) : hémorragie en amont de l’angle colique droit
– Rectorragie (émission anale de sang rouge vif) : hémorragie basse ou haute massive
Choc hémorragique sans extériorisation de sang
B ) Paraclinique
Les explorations permettent le diagnostic positif, orientent le diagnostic étiologique et ont un intérêt thérapeutique pour certains gestes
Fibroscopie oeso-gastroduodénale (FOGD) en < 24h pour les hémorragies hautes et/ou massives.
Note : pour optimiser la vacuité de l’estomac, la FOGD doit être précédée de lavage par SNG (notamment si incertitude diagnostique ou de troubles de la conscience ; l’absence de sang dans la sonde n’élimine pas une hémorragie haute post-bulbaire !), ou par une injection d’érythromycine.
TDM abdo-pelvienne injectée : si hémorragie massive sans cause retrouvée à la FOGD ; extravasation du produit de contraste (saignement actif ++)
L’artériographie peut être utile au diagnostic mais surtout au traitement d’un saignement artériel massif 1B
Coloscopie sans urgence pour les hémorragies basses sans retentissement hémodynamique ni déglobulisation importante
Autres examens pour rechercher un saignement occulte sans cause retrouvée à l’endoscopie 1B
– Vidéocapsule 1e intention
– Entéroscanner 2e intention
– Scinti aux globules rouges marqués (sensible ++ aux petits saignements)
! Pas de recherche de saignement occulte dans les selles, réservé au dépistage du CCR chez les patients asymptomatiques !
C ) Diagnostic différentiel
Différentiels de l’hématémèse (hémoptysie, épistaxis), autres causes d’anémie ferriprive
3) Evolution 1A
Mortalité : autour de 5%, plus importante pour les hémorragies hautes, corrélée à l’âge et aux comorbidités (jusqu’à 25 % de mortalité quand l’hémorragie survient chez un patient déjà hospitalisé) .
Evaluation pronostique 1C : le score de Rockall prédit les patients à risque de récidive. A noter le risque particulièrement élevé des patients cirrhotiques
– Score ≤ 2 : 5 % de récidives, 1 % de décès
– Score > 8 : 40 % de récidive, 25 % de décès
Score de ROCKALL | Critères | Score |
---|---|---|
Pouls (bpm) / PAS (mmHg) | < 100 / ≥ 100 | 0 |
≥ 100 / ≥ 100 | 1 | |
– / < 100 | 2 | |
Age | < 60 | 0 |
60-79 | 1 | |
≥ 80 | 2 | |
Comorbidités | Aucune | 0 |
Insuffisance cardiaque / coronarienne | 2 | |
Insuffisance hépatique / rénale / néoplasie | 3 | |
Diagnostic endoscopique | Mallory-Weiss / pas de diagnostic | 0 |
Autre diagnostic | 1 | |
Cancer digestif | 2 | |
Stigmates de saignement récent | 0 ou tâches noires | 0 |
Vaisseau visible / saignement artériel / caillot adhérent | 2 |
Le score de Blatchford estime le pronostic à partir des données cliniques et biologiques du patient à son entrée aux urgences.
4) PEC 1A
A ) Bilan
Evaluer la gravité immédiate
– Retentissement hémodynamique : FC et PA, malaise, signes de choc
– ± Anémie et diminution de l’hématocrite (absents à la phase aiguë)
– La quantité de liquide extériorisé est peu fiable
Bilan devant une hémorragie digestive |
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Clinique : surveillance FC, PA, diurèse, SaO2 |
Biologique – NFS, plaquettes, iono, créatininémie – Bilan pré-transfusionnel : groupage ABO x2, RAI – Bilan d’hémostase : TP, TCA |
Stratégie d’exploration en imagerie : cf. partie 2 |
B ) Traitement
Mesures générales
– Hospitalisation systématique sauf origine proctologique sans retentissement HD
– 2 VVP de gros calibre, remplissage avec soluté colloïde si instabilité HD
– Oxygénothérapie si nécessaire
– Sonde nasogastrique en cas de trouble de la conscience ou de doute diagnostique
– Transfusion de CGR selon l’importance de la déglobulisation, la tolérance et la durée du saignement ; pas de PFC chez le patient cirrhotique 1C !
Mesures spécifiques
En cas d’UGD
Hémorragie sur UGD… | CAT |
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Isolée | IPP pleine dose PO (72h 2) |
Avec signe endoscopique de gravité (Vaisseau visible / saignement artériel / caillot adhérent) | Thermocoagulation (sonde thermique ou plasma d’argon) et/ou pose de clips ± adrénaline in situ IPP forte dose IV 48-72h, relai pleine dose PO |
Résistant au traitement ou récidivant | Radio-embolisation ou chirurgie |
En cas d’HTP
Hémorragie sur HTP… | CAT |
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Dans tous les cas | Ttt vasopressif IV présomptif dès que possible (analogues de la somatostatine ou terlipressine, maintenu 3-5j si varice rompue 2) Prévention de la surinfection d’ascite (ATBprophylaxie) Prévention secondaire : ligatures itératives ou β-bloquants |
Avec varice rompue vue à la FOGD | Hémostase endoscopique : ligature ++, sclérose ou colle Hémostase mécanique (exceptionnel) : tamponnement par une sonde type Blakemore ou Linton |
Résistant au traitement ou récidivant | Création d’un shunt intra-hépatique sous contrôle radio à discuter (TIPS = transjugular intrahepatic portosystemic shunt) |
Note 0 : la cirrhose peut être à l’origine d’hémorragies digestives par plusieurs mécanismes et rentrer dans ces 2 cadres. Les mesures de prévention et les traitements propres à la cirrhose et l’UGD sont détaillées dans des fiches spécifiques.
6 réponses à “Hémorragie digestive”
Concernant les FdR d’hémorragie digestive haute : les sérotoninergiques font l’objet d’un paragraphe au conditionnel dans le réf d’HGE : « Ce risque serait essentiellement observé chez les patients âgés, ou ayant des antécédents ulcéreux ou dans le cadre de coprescription avec des AINS » => Comprendre faible niveau de preuve et/ou effet modeste ?
La préparation de la FOGD fait intervenir selon les cas l’érythromycine ou l’aspiration par SNG, les référentiels ne précisent pas si une technique est préférable à l’autre. L’érythromycine serait plus efficace, mais la SNG permet de vérifier l’origine digestive haute du saignement
Les sources diffèrent concernant l’utilisation de laxatifs osmotiques (lactulose) en prévention de l’encéphalopathie hépatique dans l’hémorragie par HTP : le réf d’HGE la recommande au même titre que l’ATBprophylaxie, le réf d’urgences affirme que ce bénéfice n’existe pas dans un cadre préventif. Selon la recommandation SRLF 2012 : « Il ne faut probablement pas mettre en route de traitement par lactulose dans l’objectif de prévenir la survenue d’une encéphalopathie hépatique au cours d’une HD chez un patient cirrhotique (avis d’experts, accord fort). » => Retiré de la fiche
Bonjour,
Dans le cadre d’un ulcère, pourquoi mettre des IPP pendant seulement 72h ? Alors que dans le chapitre des ulcères, on est plus sur du 4 à 8 semaines.
Merci beaucoup
Effectivement, en relisant la source, je ne vois pas cette notion de 72h pour le ttt en cas d’UG sans risque de récidive (chapitre 2, 2 -> En présence de stigmates à faible risque de récidive hémorragique (Forrest IIc et III), il faut poursuivre le traitement IPP à doses « standard »)
Le délai de 72h est valable pour les doses fortes en cas de risque élevé
Objectifs du remplissage : (Tombés aux ECN 2017)
– FC < 100/min
– PAS > 100 mmHg
– Hb entre 7-9 g/dL (> 9 g/dL si maladie cardiovasculaire ou état de choc)
– Diurèse > 30 mL/h