Urgences – Neuro – Vasculaire
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 336
Déf : l’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) non-traumatique ou hémorragie méningée, est définie par l’extravasation de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens survenant en l’absence de traumatisme crânien. C’est l’une des formes possibles de l’AVC (5% d’entre eux).
Note : l’hémorragie méningée est très fréquemment d’origine traumatique (complication aiguë d’un traumatisme crânien), cette situation est exclue de cette fiche.
Epidémiologie
– Incidence : 7-9 / 100.000 habitants
– Age médian de survenue = 55 ans ; sex-ratio féminin de 1,6
Etiologies
– Anévrisme rompu (85%, parmi lesquels 20 % sont porteurs d’anévrismes multiples)
– Idiopathique (10%), dont l’HSA non-anévrismale péri-mésencéphalique
– Autres causes rares * (5%)
* Les causes rares regroupent
Groupement | Etiologies |
---|---|
Lésion non-inflammatoire des artères cérébrales | Malformation artérioveineuse Fistule durale Cavernome Thrombophlébite cérébrale Angiopathie amyloïde Syndrome de vasoconstriction réversible (SVCR) Dissection artérielle Maladie de Moya-Moya |
Lésion inflammatoire des artères cérébrales | Vascularites cérébrales (infectieuses ou non) Anévrisme mycotique (dans le cadre d’une endocardite) |
Lésions médullaires | Malformation artérioveineuse ou cavernome ou autre tumeur médullaire |
Tumeurs | Apoplexie pituitaire Myxome cardiaque Neurinome, méningiome, hémangioblastome, gliome, mélanome |
Autres | Coagulopathie acquise ou constitutionnelle Causes toxiques |
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Céphalée brutale, explosive, avec nausées / vomissements et phono-photophobie Syndrome méningé, troubles de la vigilance ± signes extra-neurologiques |
TDM non-injecté +++ : hyperdensité spontanée des citernes de la base + sillons de convexité IRM T2/FLAIR : meilleure sensibilité que le TDM dans les jours qui suivent l’HSA Fond d’oeil ± PL |
A ) Clinique
- Anamnèse
> Facteurs de risque
FdR congénitaux
– ATCD familiaux d’HSA anévrismale chez ≥ 2 apparentés au 1er degré (mutations dans le gène de la NO synthase ++ 0)
– Maladies du tissu conjonctif : PKR ++, NFM type I, Marfan, Ehler-Danlos
– Facteurs propres à l’anévrisme : taille > 6-10 mm (mais la rupture peut survenir pour de plus petits diamètres), localisation sur le polygone de Willis et/ou en circulation postérieure, croissance de l’anévrisme, irrégularités du sac anévrismal
FdR acquis : HTA ++, tabagisme, cocaïne 0, intoxication alcoolique à un moindre degré 1A
Note 0 : ces FdR ne semblent concerner que les anévrismes intracrâniens
> Signes fonctionnels
Céphalée brutale, « explosive », d’emblée maximale.
Variantes de même valeur diagnostique
– Céphalée modérée
– Céphalée inhabituelle du migraineux
– Perte de connaissance avec récupération rapide (ou non = coma)
– Syndrome confusionnel aigu
– Crise épileptique généralisée, état de mal
Signes d’accompagnement
– Nausées, vomissements en jets
– Phono- / photophobie
- Examen physique
Signes neurologiques
– Syndrome méningé
– Troubles de la vigilance, de l’obnubilation au coma (à coter selon le Glasgow)
– Signes sans valeur localisatrice : signes pyramidaux, paralysie du VI
– Déficits neurologiques focaux
.Paralysie du III intrinsèque + extrinsèque si anévrisme de la carotide interne supraclinoïdienne (communicante postérieure)
.Cécité monoculaire par atteinte du II (anévrisme carotidien), compression du TC (anévrisme du tronc basilaire) 0
.Autres (hémiparésie, aphasie…) en cas de diffusion intraparenchymateuse de l’hématome
Signes extraneurologiques = signes végétatifs systémiques, précoces (< 24h)
– Brady- ou tachycardie
– Instabilité tensionnelle (HTA sévère à la phase aiguë)
– Choc cardiogénique (orage catécholaminergique)
– Hyperthermie retardée (38 – 38,5°)
B ) Paraclinique
- TDM sans injection en urgence +++
Résultats (sensibilité = 95 % le premier jour, diminue ensuite : un scanner normal n’élimine pas le diagnostic d’HSA) : hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens 1A, signe de la faux du cerveau « trop bien visible » dans les HSA de faible abondance 1C
Topographie
– Citernes de la base, vallées sylviennes, scissure interhémisphérique
– Cortex dans les causes non-anévrismales, région péri-mésencéphalique ± base des vallées sylviennes dans l’HSA non-anévrismale péri-mésencéphalique
- Autres
> IRM séquences FLAIR et T2* : indiquée surtout si le TDM est normal, notamment en cas de suspicion de diagnostic différentiel ou d’hémorragie vue tardivement. Sensibilité comparable au scanner initialement, et meilleure dans les jours qui suivent.
> Ponction lombaire (PL)
Indications : jamais d’emblée, à envisager devant un scanner négatif (grade 1 Fisher, cf. partie 3)
Résultats
– Pression du LCS élevée, liquide uniformément rouge ou rosé dans les 3 tubes
– Cytologie : rapport érythrocytes / leucocytes > 1000. La leucocytose a initialement la même répartition que dans le sang, puis devient à prédominance lymphocytaire
– Examen du surnageant après centrifugation (Se = 35 %, Sp = 98 %) : teinte rose-jaunâtre liée à la présence de pigments sanguins à partir de H12 (bilirubine et oxyhémoglobine)
– Spectrophotométrie du surnageant après centrifugation (Se = 92 %, Sp = 85 %) : recherche d’oxyhémoglobine, de méthémoglobine, de ferritine
Valeur diagnostique : selon le temps passé depuis le début de la céphalée
– Une PL normale à 6H du début ne permet pas d’éliminer une HSA
– Une PL normale à 12H du début (notamment avec absence de xanthochromie) permet d’éliminer une HSA
> Fond d’oeil
– Hémorragies rétiniennes, hémorragies vitréennes (syndrome de Terson)
– Oedème papillaire par augmentation brutale de pression intra-crânienne
> ECG : des modifications de repolarisation pouvant mimer un IdM sont susceptibles d’apparaître avec les troubles végétatifs (24 premières heures)
C ) Diagnostic différentiel
Ponction lombaire traumatique : les résultats s’opposent point par point à ceux de l’HSA.
LCS dans l’HSA | LCS dans la PL traumatique |
---|---|
Liquide uniformément rouge, incoagulable | Liquide coagulable, de moins en moins sanglant à mesure du recueil |
Surnageant xanthochromique après centrifugation | Surnageant clair après centrifugation, absence de pigments sanguins |
Rapport érythrocytes / leucocytes > sang (x1000) | Rapport érythrocytes / leucocytes superposable à celui du sang |
Pression du LCS élevée | Pression d’ouverture normale |
A) Histoire naturelle
Mortalité en cas de rupture d’anévrisme
La mortalité globale atteint 50 %, surtout dans la semaine qui suit l’HSA, 10 à 15 % avant même d’arriver à l’hôpital. Parmi les patients vivants, 1/3 seront dépendants, et 1/3 reprendront une vie normale.
Facteurs pronostiques en cas de rupture d’anévrisme
– Age > 70 ans
– Consommation alcoolique importante
– Volume de l’hémorragie
– HTIC / trouble de conscience initiaux, déficit neurologique
– Resaignement précoce (avant exclusion de l’anévrisme), vasospasme
– Liés à l’anévrisme : taille, localisation non-chirurgicale…
Les HSA sans cause retrouvée (idiopathiques) sont de meilleur pronostic. L’HSA non-anévrismale périmésencéphalique en particulier, se complique très rarement.
Scores pronostiques
L’échelle WFNS (World Federation of the Neurosurgical Societies) de l’HSA, déterminée par les données cliniques initiales (score de Glasgow = GCS et déficit moteur), est directement reliée à l’impact pronostic.
Echelle WFNS | GCS | Déficit moteur | Mortalité associée 0 |
---|---|---|---|
Grade I | 15 | non | 3 % |
Grade II | 14 – 13 | non | 7 % |
Grade III | 14 – 13 | oui | 17 % |
Grade IV | 12 – 7 | ± | 27 % |
Grade V | 6-3 | ± | 35 % |
L’échelle scanographique de Fisher, quant à elle, est corrélée à la survenue d’un vasospasme artériel, facteur pronostique majeur de l’HSA.
Echelle de Fisher | Aspect TDM |
---|---|
Grade I | Absence de sang |
Grade II | Dépôts de < 1 mm d’épaisseur |
Grade III | Dépôts de > 1 mm d’épaisseur |
Grade IV | Hématome intra-parenchymateux (HIP) ou hémorragie intraventriculaire (HIV) |
B) Complications
HTIC : peut être la conséquence d’une extension intra-parenchymateuse et/ou intraventriculaire de l’hémorragie, ou de lésions ischémiques, et être majorée par une hydrocéphalie. Le risque est une hypoperfusion à l’origine de nouvelles lésions ischémiques.
Hydrocéphalie aiguë (20%) : précoce (3-72h) ou retardée (3e jour – 3e semaine), symptomatique ou non. Traitement (dérivation ventriculaire) avant tout geste d’embolisation si possible.
Récidive hémorragique : risque de survenue de 40 % dans les 4 semaines en l’absence de traitement, diminution progressive jusqu’à 3 % à 1 mois. Mortalité = 40 %.
Ischémie cérébrale retardée (30 %) : au décours d’un vasospame (qui concerne 50% des hémorragies méningées) ou non.
– Survient entre J4 et J10 par vasoconstriction, microthrombose, dépression corticale et inflammation
– FdR : sévérité de l’HSA, étendue des saignements, troubles de vigilance initiaux
– Diagnostic : confusion, troubles de la vigilance, déficits focaux parfois fluctuants, nouvelles lésions ischémiques à l’imagerie
– Différentiels : ischémie aiguë (« early brain injury ») par élévation brutale de la PIC et vasoconstriction diffuse lors de la rupture d’anévrisme ; ischémie iatrogène liée au traitement endovasculaire de l’anévrisme
Autres complications précoces
– Hyponatrémie par SIADH (précurseur d’un vasospasme ! 0)
– Hyperthermie, complications réa (pneumopathie, ulcère…)
– Convulsions
– Troubles de la repolarisation et du rythme cardiaque (orage catécholaminergique) : insuffisance cardiaque transitoire, oedème pulmonaire aigu « neurogénique » 0, takotsubo
Complications à distance
– Hydrocéphalie chronique 1B : quelques semaines à mois après l’HSA, triade de Hakim (troubles de la marche, des fonctions supérieures et troubles sphinctériens)
– Anosmie et troubles cognitifs pour les anévrismes de l’ACA
– Epilepsie (FdR : HSA abondante, HIP ou ischémie associée)
– Troubles cognitifs et comportementaux
A ) Bilan
Bilan des complications
– TDM ++ ; doppler transcrânien à la recherche d’un vasospasme (accélération du flux 1B)
– Surveillance : pouls, PA et conscience / h, température / 8h, examen neuro. pluriquotidien
Bilan étiologique
– TDM : prédominance de l’HSA (topo), peut parfois montrer directement un anévrisme aux parois calcifiées
– Angio-TDM : 1ère intention, Se et Sp proches de 100 % pour les anévrismes ≥ 2 mm
– Angiographie : anévrismes rompus ou non, vasospasme, autres malformations
– IRM : tumeur, thrombose veineuse cérébrale, SVCR
– Autres au cas par cas : hémocultures (anévrisme mycotique), écho rénale (PKR), biopsie de peau (affections du tissu conjonctif)…
En cas d’angiographie normale devant une HSA vraie, l’examen doit être répété à 8 jours, il peut permettre de visualiser un anévrisme initialement thrombosé ou non-opacifié à cause d’un vasospasme.
Bilan pré-thérapeutique
– NFS plaquettes, groupage-Rhésus, TP, TCA, iono, urée, créatinine, glycémie
– ECG, radiographie de thorax
B ) Traitement
> Mesures générales
– PEC des urgences vitales (coma, choc, détresse respiratoire)
– Transfert immédiat en milieu neurochirurgical
– Repos strict au lis avec isolement sensoriel, mise en place d’une voie veineuse
– Pose d’une SNG : discutée en cas de troubles de la vigilance, CI en cas d’HTIC
– Remplissage vasculaire : macromolécules 500cc puis 4 g/L de NaCl et 2 g/L de KCl dans 1,5L de G5 % 0
– Contrôle de la PA 1C : pas de consensus (cf. commentaire)
> PEC de la douleur : antalgiques de classe I ne perturbant pas les fonctions plaquettaires (aspirine et AINS contre-indiqués!)
> PEC des complications 1B
– Hydrocéphalie aiguë : dérivation ventriculaire externe en urgence (maintien PIC < 20 mmHg 1C)
– Hydrocéphalie chronique : dérivation ventriculo-péritonéale ou -cardiaque
> Mesures préventives
– Prévention de l’ischémie cérébrale retardée : nimodipine PO ou IV (pour une durée de 21j 1B), avec surveillance rapprochée de la PA, maintien d’une euvolémie, lutte contre l’hyponatrémie ; ± injection de vasodilatateurs in situ si vasospasme associé
– Prévention de l’ulcère de stress, anti-émétiques
– Prévention de la MTEV : compression pneumatique initialement, puis héparinothérapie une fois l’anévrisme sécurisé
– Pas de prévention systématique du risque épileptique !
Si l’étiologie est un anévrisme, sa PEC précoce par embolisation ++ ou chirurgie est indispensable pour prévenir une récidive du saignement (voir fiche Anévrisme intra-crânien). Ce traitement peut être retardé au-delà de la 2e semaine s’il existe 0 :
– Des troubles de la conscience
– Des troubles neurovégétatifs sévères
– Un spasme artériel
Une réponse à “Hémorragie sous-arachnoïdienne”
Concernant le contrôle tensionnel dans l’HSA
Le référentiel de réanimation 2015 s’appuyait sur une conférence d’experts SFAR pour recommander cette PEC : maintien d’une PAS entre 160 et 180 mmHg en cas de troubles de la conscience, contrôle strict de l’HTA en l’absence de troubles de la conscience
La version 2018 modifie ce point
– « l’induction d’une hypervolémie, d’une hypertension, d’une hypermagnésémie ou d’une hypothermie, largement utilisés dans le passé, peuvent être délétères et ne sont plus recommandés »
– « Les recommandations de l’American Heart Association sont en faveur de l’induction pharmacologique d’une hypertension chez les patients atteints et non spontanément hypertendus. […] À l’opposé, I’European Stroke Organistion met en avant le fait qu’aucune étude randomisée n’a permis d’examiner le bénéfice d’un traitement hypertenseur dans ce contexte »