1) Généralité 1A
Déf : « les leucémies aiguës (LA) sont un ensemble d’hémopathies malignes caractérisées par l’expansion clonale dans la moelle osseuse de précurseurs des cellules sanguines bloquées à un stade précoce de leur différenciation : les blastes »
Epidémio
– Affection rare en France (4500 cas en 2018)
– LA myéloïde (LAM) : fréquence augmente avec l’âge (médiane de survenue = 70 ans) 3500 cas/an en France
– LA lymphoïde (LAL) : 1/3 des cancers de l’enfant (avant 15ans), présent aussi chez l’adulte > 50 ans
Classification des LA
LAM | |
---|---|
Classification FAB – LAM 0 : LA myéloblastique non différenciée – LAM 1 : LA myéloblastique sans maturation – LAM 2 : LA myéloblastique avec maturation – LAM 3 : LA à promyélocytes – LAM 4 : LA myélomonocytaire – LAM 5 : LA monoblastique – LAM 6 : érythroleucémie – LAM 7 : LA mégacaryocytaire |
Classification OMS 2016 – LAM avec anomalies cytogénétiques récurrentes (30%) . LA à promyélocytes avec t(15;17) impliquant le gène du récepteur α de l’acide rétinoïque – LAM 3 (constant!) . LA myéloblastique avec t(8;21) – LAM2 . LA myélomonocytaire avec inv(16) . LA monoblastique avec anomalie du gène MLL – LAM avec dysplasie multilignée (10-15%) : morphologie anormale des cellules myéloïdes hors blastes – LAM secondaires à une chimiothérapie (10-15%) – Autres (40-50%) : classées selon la formulation FAB |
LAL | |
LAL de type B (85%) : classement par anomalies cytogénétiques associées – Chromosome ‘Philadelphie’ : t(9,22) + gène chimérique BCR-ABL – LA de type Burkitt : phase leucémique du lymphome de Burkitt LAL de type T (15%) |
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Signes d’insuffisance médullaire | Hémogramme : leucopénie ou hyperleucocytose Ponction médullaire : ≥ 20 % de blastes |
A ) Clinique
-
Anamnèse 1
Facteurs de risque/étiologiques : inconnus la plupart du temps
Chimiothérapies anticancéreuses (> 10 % des LAM) : agents alkylants jusqu’à 5 ans après administration (souvent après une phase de SMD), inhibiteurs de la topoisomérase II dans un délai de 2 ans
Facteurs génétiques
– Anomalies chromosomiques : T21, anémie de Fanconi
– Déficit en p53 : syndrome de Li-Fraumeni
– Déficit immunitaire : ataxie-télangiectasie
Facteurs viraux
– HTVL1 dans les leucémies-lymphomes T du Japon et des Antilles
– EBV dans certaines LAL de type Burkitt
Facteur physique : exposition aux radiations ionisantes à visée anticancéreuse (radiothérapie) ou dans le cadre d’exposition professionnelle
Facteur toxique : hydrocarbures benzéniques (anciennement peinture sur carosserie, caoutchouc, pétrochimie, tabac)
‘Acutisation’ d’un SMP ou SMD (formes graves!)
-
Examen physique
Signes d’insuffisance médullaire
– Syndrome anémique : d’installation rapide, mal tolérée
– Syndrome infectieux en rapport avec un neutropénie : sphère ORL ++: angine ulcéro-nécrotique, fièvre résistant aux antibiotiques, sepsis grave …
– Syndrome hémorragique par anomalie de l’hémostase primaire, secondaire à la thrombopénie : purpura, hémorragies extériorisées, CIVD (surtout LA promyélocytaire et LA très hyperleucocytaire)
Signes tumoraux
– Envahissement d’organes lymphoïdes : ADP, splénomégalie, parfois syndrome cave supérieur (surtout dans les LAL)
– Envahissement d’autres organes : hypertrophie gingivale, hépatomégalie, atteinte cutanée, atteinte osseuse, testiculaire, méningée…
– Signes d’hyperleucocytose (si majeure > 100 G/L) : leucostase pulmonaire (hypoxie réfractaire, détresse respiratoire) ou cérébrale (troubles de conscience, coma, convulsions)
-
Formes cliniques
Type de LA | Particularités |
---|---|
LAM | |
LA promyélocytaire (LAM3) | Signes de pancytopénie CIVD quasi-constante |
LA monoblastiques (LAM5) | Souvent hyperleucocytaire Localisations particulières : – Méningée: céphalées, paralysies des nerfs périphériques, en particulier crâniens – Cutanée : leucémides – Gingivale : gingivite hypertrophique |
LAM du sujet âgé (> 60 ans) | Signes de myélodysplasie associés Caryotype complexe |
LAM secondaires à une chimiothérapie | Caryotype complexe |
LAL | |
LAL de l’enfant | Localisations osseuses : douleurs souvent aux diaphyses proximales Atteinte testiculaire Atteinte méningée |
LA de type Burkitt | Syndrome de lyse tumorale majeur fréquemment associé |
B ) Paraclinique
> Hémogramme
Leucocytose : très variable, de la leucopénie (< 3 G/L) à l’hyperleucocytose majeure (> 100 G/L), essentiellement lié au nombre de blastes circulants (aspect variable selon le type de LA)
Anémie presque constante, ± sévère, normo- ou macrocytaire, arégénérative (surtout LAM avec dysplasie multi-lignée)
Thrombopénie : presque constante et parfois sévère < 10 G/L
> Ponction médullaire systématique avec cryoconservation des blastes et du matériel cellulaire (tumorothèque).
Myélogramme et immunophénotypage des blastes : indispensable, il affirme le diagnostic et le type de leucémie aiguë (voir tableau ci-après). La moelle contient par définition ≥ 20 % de blastes dans les LA (par opposition aux SMD).
Technique | LAM | LAL |
---|---|---|
Myélogramme | Morpho – Cas général : blastes contenant qq granulations ± corps d’Auer : bâtonnets rouges (azurophiles) – LAM2 : volumineux corps d’Auer – LAM3 : « fagots » de corps d’Auer – LAM5 : grands blastes, cytoplasme abondant Cytochimie : présence de myélopéroxydase (grains marron-vert) |
Morpho – Cas général : taille petite ou moyenne, cytoplasme peu abondant – Burkitt : grands blastes à cytoplasme très basophile + vacuoles claires |
Immunophénotypage (cytométrie de flux) | Confirme l’appartenance à la lignée myéloïde Utile dans les qq cas de LAM très indifférenciées |
Confirme l’appartenance à la lignée lymphoïde, précise le type B ou L (indispensable au classement des LAL) |
Cytogénétique et biologie moléculaire (PCR)
– Utile au classement de la LA, capital pour le pronostic (cf. partie 3)
– Anomalies du caryotype (50-60%) : de nombre, ou de structure (délétions, translocations)
> ± Biopsie de moelle si l’aspiration médullaire est impossible, évoquant une LA avec myélofibrose associée
C ) Diagnostic différentiel
Syndromes mononucléosiques : lymphocytes basophiles à tous les stades de l’immunostimulation, à distinguer des blastes leucémiques
Syndromes myélodysplasiques : blastose médullaire et sanguine < 20 % par définition
3) Evolution 1A
En l’absence de tout traitement, la LA est mortelle en quelques semaines par complications hémorragiques et/ou infectieuses.
> Facteurs pronostiques
– Age (> 60 ans), comorbidités
– Hyperleucocytose (seuils variant selon les formes de LA)
– Absence de rémission complète au traitement initial
– Anomalies cytogénétiques retrouvées au caryotype et à la PCR (transcrits de fusion) +++
3 groupes pronostiques de LAM sont définis par l’étude cytogénétique
– Favorable : t(15;17) ; t(8;21) ; inv(16)
– Intermédiaire : LAM avec caryotype normal
– Défavorable : caryotypes complexes, anomalies des K5 et 7
Arguments cytogénétiques du pronostic des LAL
– Chez l’enfant : hypodiploïdie (< 45K) et t(9,22) de mauvais pronostic, hyperdiploïdie (> 50K) de bon pronostic
– Chez l’adulte : t(9,22) de mauvais pronostic (présent dans > ⅓ des cas): De pronostic équivalent aux autres LAL si ttt par inhibiteur de la tyrosine kinase + chimiothérapie.
> Taux de rémission complète
– LAL de l’enfant : > 90 %
– LAL de l’adulte : 80 % chez le jeune, rechutes fréquentes
– LAM : 70 %, 50 % après 60 ans
> Survie à 5 ans sans rechute : 80 % pour les LAM3 sous traitement adapté
La rémission complète est définie par la disparition de tous les signes cliniques et biologiques identifiables (en pratique, < 5 % de cellules jeunes en cytologie médullaire + hémogramme normal). Même dans cette situation, des cellules leucémiques restent souvent détectables par les techniques de biologie moléculaire.
Les rechutes surviennent le plus souvent dans les 2 ans post-rémission. Le pronostic s’assombrit sauf en cas d’utilisation de modalités thérapeutiques différentes.
4) PEC 1A
A ) Bilan
Bilan : en dehors de l’hémogramme et de la ponction médullaire
– Recherche d’une CIVD : bilan d’hémostase
– Recherche d’un syndrome de lyse : uricémie, ionogramme dont bilan phosphocalcique, LDH
– Recherche d’une localisation méningée : PL systématique dans les LAL, les LAM monoblastiques et les LA hyperleucocytaires
B ) Traitement
-
Traitement symptomatique
Transfusions, traitement des complications infectieuses (notamment pour le sujet âgé > 75 ans chez qui la chimiothérapie est CI)
PEC d’une CIVD, d’un syndrome de lyse tumorale
-
Traitement curatif
> Moyens thérapeutiques
Chimiothérapie : toujours plusieurs traitements associés
– Anthracyclines et cytosine-arabinoside +++
– Autres plus spécifiques des LAL : vincristine, asparaginase, méthotrexate (IV ou intra-thécal), corticoïdes
Radiothérapie : 2 indications
– Irradiation prophylactique ou curative des localisations neuroméningées (LAL de l’adulte, LA monoblastique)
– Irradiation corporelle totale pré-greffe de CSH
Greffe allogénique de CSH : préparation pré-chimio- ou radiothérapique, effet curatif propre par réaction antileucémique du greffon, mais mortalité toxique élevée (15%)
Thérapeutiques ciblées
– LAM 3 : acide tout trans-rétinoïque à visée différenciatrice, arsenic
– LAL avec K Philadelphie : inhibiteurs de la tyrosine kinase
> Conduite du traitement en 3 phases
1) Induction : chimiothérapie intensive entraînant une aplasie d’au moins 2-3 semaines. L’objectif est d’obtenir un état de rémission.
2) Consolidation : traitements intensifs de type chimiothérapie ou greffe de CSH (greffe en 1ère rémission chez l’adulte, ou en cas de rechute ou de très mauvais pronostic chez l’enfant)
3) Entretien : surtout pour les LAL et les LA promyélocytaires, sur une période de 2 ans
Une réponse à “Leucémie aiguë”
Déplacer le paragraphe Résultat dans la partie Evolution