Médecine interne – Immuno – Dermato
Fiche réalisée selon un plan MGS modifié
Item ECNi 190
Déf : maladie auto-immune systémique liée à des dérèglements pouvant concerner l’ensemble des acteurs du système immunitaire, aboutissant à une réaction dirigée contre des antigènes nucléaires.
Physiopathologie : l’auto-immunité lupique s’explique par des dépôts non-spécifiques de complexes immuns dans les organes prédisposés (rein, peau, articulations), et la formation locale de dépôts d’immuns complexes ciblant des auto-Ag spécifiques d’organes (rein, peau…) 1B
Susceptibilité génétique : formes familiales (10-15%)
– Gènes HLA de classe 2 : DR2 et DR3
– Déficits complets en C1q, C2, complets ou non en C4
– Autres polymorphismes impliqués : FcγRII et FcγRIII, PTPN22, STA4…
Facteurs environnementaux déclenchants / aggravants
– Rayons UVB : manifestations cutanées et systémiques
– Médicaments = lupus induit
– Tabac : inflammation chronique
– Infectieux (discuté) : EBV, CMV, parvovirus B19 1B
– Grossesse
Epidémiologie 2
– Prévalence : 41 cas / 100.000 hab en France, incidence : 3-4 cas / 100.000 hab /an
– Prédominance féminine ++ : sex-ratio = 9, probablement lié à un facteur hormonal
– 2/3 des cas surviennent entre 16 et 55 ans 1A
– Prévalence plus forte aux Antilles (127/100.000 en Martinique 2), plus faible dans les populations noires africaines 1B
Etiologies associées : le LES peut s’accompagner d’autres pathologies
– SAPL ++
– Thyroïdites (Hashimito) 2
– Maladie de Biermer 1B
– Syndrome de Gougerot-Sjogren et autres connectivites 1C
– Syndrome de Sharp = connectivite mixte 0 : arthromyalgies avec Raynaud et doigts boudinés, et titre de FAN élevé (anti-RNP). Peut rester stable dans le temps ou évoluer vers une connectivite mieux définie.
Le diagnostic de LES impose 4 critères ACR ou SLICC, mais les formes débutantes réunissant moins d’items sont parfois appelées syndromes « lupus-like ». 1A
Clinique + paraclinique 2 |
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≥ 4 critères SLICC dont au moins 1 clinique et 1 immunologique / ≥ 4 critères ACR Ou une histologie de glomérulonéphrite lupique avec des AAN ou Ac anti-ADN |
A ) Clinique 1B
Anamnèse : présentation variée, protéiforme !
– Rechercher des facteurs déclenchants / aggravants
– ATCD personnels et familiaux de lupus érythémateux et/ou de pathologies associées
- Manifestations articulaires et osseuses (60-90%)
> Atteintes articulaires : souvent migratrices et fugaces
– Polyarthrite non-destructrice touchant surtout les genoux, poignets, doigts dont IPD, monoarthrite rare
– Arthralgies des petites articulations (doigts et poignets)
– Ténosynovite des fléchisseurs des doigts
– Sd de Jaccoud (exceptionnel) : déformation des doigts par subluxation
> Atteintes musculaires
– Myalgies, faiblesse musculaire
– Myosites, atrophie musculaire (rare, souvent associé aux Ac anti-RNP)
> Atteintes osseuses (rares) : ostéonécrose de la tête fémorale / humérale, habituellement induite par la corticothérapie
- Signes généraux (50-80%)
Fièvre, asthénie et anorexie sont des signes d’évolutivité de la maladie
- Manifestations dermatologique 1C (60-75% 1B)
> Lésions lupiques spécifiques
Lupus érythémateux aigu : photosensibilité +, évolution en parallèle des poussées
– Erythème en vespertilio (« face de loup ») : touche les joues et le nez, épargne les sillons nasogéniens et les paupières, bordure émiettée
– Erosions muqueuses, essentiellement buccale
– ± forme diffuse morbiliforme, papuleuse, éczématiforme voire bulleuse 0
– ± érythème des mains : face dorsale des zones interarticulaires, parfois pulpite érosive
Lupus érythémateux subaigu : photosensibilité +++, évolution indépendante des poussées
– Lésions érythémateuses, maculeuses ou papuleuses
– Evolution : lésions annulaires polycycliques à bords émiettés, ou papulosquameuses d’aspect psoriasiforme, avec dépigmentation séquellaire définitive
– En particulier en présence d’Ac anti-SSA
Lupus érythémateux discoïde = chronique : photosensibilité ±
– Prédomine au visage, autres atteintes possibles (oreilles, cuir chevelu – alopécie, dos des mains et du tronc)
– Association de 3 lésions élémentaires : érythème bien délimité avec télangiectasies ; squames folliculaires « en clou » (hyperkératose), atrophie cicatricielle
– Souvent isolé (atteintes viscérales rares)
Autres atteintes spécifiques (chroniques)
– Lupus timidus : lésions érythémateuses ± infiltrées, papuleuses ou nodulaires non squameuses du visage
– Panniculite lupique : nodules évoluant vers une atrophie cicatricielle « en coup de hache » sur les faces externes des bras et des cuisses
– Lupus à type d’engelures des extrémités
– Lupus verruqueux
> Lésions vasculaires
– Phénomène de Raynaud
– Livedo : diffus, à mailles non-fermées, localisé ou suspendu sur les membres/tronc
– Autres: purpura, vascularite urticarienne, ulcères, télangiectasies périunguéales, hémorragies sous-unguéales en flammèche…
> Autre : alopécie inconstante et réversible (non-cicatricielle) lors des poussées
- Atteintes pleuro-pulmonaires (15-40%)
Pleurésie séro-fibrineuse à liquide exsudatif
Douleur thoracique, toux, dyspnée
Atteinte interstitielle (rare)
- Autres signes cliniques
Manifestations rénales (30-50%) : cf. paraclinique et complications
Manifestations cardiovasculaires : cf. complications
Manifestations neuropsychiatriques (20-50%) : cf. complications
Adénopathies non-douloureuses (50%)
Splénomégalie pendant les poussées
Atteinte digestive: HMG, péritonite, rarement hépatite auto-immune ou lupoïde
Atteinte ophtalmo: rétinite (5-20%), atteinte des nerfs oculomoteurs ou du nerf optique
B ) Paraclinique
- Biologie 1B
Au moment du diagnostic, le bilan s’attache à rechercher les critères ACR et SLICC
> Auto-anticorps : voir aussi item 188 (maladies auto-immunes)
Groupe | Anticorps | Caractéristiques | Fréquence |
---|---|---|---|
Anti-nucléaires (AAN) | Aspécifique, bonne VPN si titre < 1/160 | 99% | |
Anti-ADN | Anti-ADN natif | Spécifique, taux corrélé aux rechutes, formes sévères et rénales | 90% |
Anti-histones | Lupus induit ++ | 50-60% | |
Anti-ENA (Ag nucléaires solubles) | Anti-Sm | Spécifique, non-corrélé aux rechutes | 10% |
Anti-RNP | Associé aux myosites et phénom. de Raynaud | 30% | |
Anti-SSA/Ro | Lupus néonatal et cutané subaigu | 50% | |
Anti-SSB/La | Lupus néonatal |
||
PNCA 0 | Spécifique | 5% 0 |
|
Anti-phospholipides | Cf. fiche dédiée | ||
Facteur rhumatoïde IgM | Cf. polyarthrite rhumatoïde | 20% |
> Hypocomplémentémie : C3, C4, CH50
> Atteinte hématologique : hémogramme (cytopénies), haptoglobine, test de Coombs
> Atteinte rénale
– Créatininémie, protéinurie des 24h et sédiment urinaire (protéinurie > 0.5 g/24h, syndrome néphrotique impur) 1D
– Plus fréquente en population pédiatrique et adulte non-caucasienne 1B
> Autres
– VS élevée (80-100% lors des poussées), « dissociée » de la CRP qui s’élève rarement
– Hypergammaglobulinémie polyclonale à l’EPP
– Cytolyse hépatique (60%)
- Aspects histologiques 1C, 1D
> Biopsie de lésion cutanée 1C (ssi lésions atypiques 1B)
Histologie : hyperkératose, atrophie épidermique, dermite de l’interface (nécrose des kératinocytes basaux), oedème et infiltrat lymphoïde péri-vasculaire et péri-annexiel (formes discoïdes ++)
Immunofluorescence directe : « bande lupique »
– Dépôts granuleux d’Ig (type G, A ou M) et/ou de complément (C1q, C3) à la jonction dermoépidermique
– 90 % des lupus aigus et chroniques, 60 % des formes subaiguës
– Leur présence en peau saine est un argument fort pour une forme systémique
> Ponction biopsie rénale (PBR) 1D : il existe 6 classes dans la description histologique de la glomérulopathie lupique (OMS).
Classe | Description | Pronostic | Fréquence |
---|---|---|---|
I | Rein normal, dépôts immuns dans le mésangium |
excellent |
<2% |
II | GN mésangiale : hypercellularité + dépôts immuns dans le mésangium | 15% | |
III | GN proliférative focale (<50% des glom.) : Prolifération endo ± extra-capillaire ; dépôts immuns mésangiaux ET sous-endothéliaux Active et/ou chronique |
réservé si forme active |
30% |
IV | GN proliférative diffuse (idem mais >50% des glom.) | 50% | |
V | Glomérulonéphrite extra-membraneuse (± prolif. mésangiale), dépôts granuleux extra-membraneux |
bon en l’absence de SN |
10% |
VI | Forme sclérosée diffuse: >90% de glom. sclérosés | mauvais | <5% |
C ) Synthèse : critères diagnostiques et formes particulières
- Critères ACR et SLICC : cf. fiche détaillée 2
Des scores diagnostiques, réalisé grâce à des critères cliniques et biologiques, ont été développés par des comités d’experts. Le diagnostic de LES est retenu s’il existe 2, 3 :
– ≥ 4 critères SLICC dont au moins 1 clinique et 1 immunologique
– Ou une histologie de glomérulonéphrite lupique avec des AAN ou Ac anti-ADN
- Formes particulières 1B
> Lupus médicamenteux
L’atteinte est généralement peu sévère, forme cutanée et articulaire ± sérites et signes généraux, le rein est rarement touché. Ces formes de lupus régressent le plus souvent à l’arrêt du médicament inducteur.
Les Ac anti-ADN natifs sont absents ou présents à titre faible +++, mais on retrouve fréquemment des Ac anti-histones
> Lupus durant la grossesse
Les risque maternofoetaux sont nombreux, les poussées évolutives lupiques sont plus fréquentes et les complications obstétricales surtout liées à un SAPL (thrombose chez la mère, prématurité, RCIU, mort néonatale). Le lupus ne contre-indique pas en soi la grossesse, mais des complications graves, une poussée lupique dans les 6 derniers mois devront faire retarder le projet de grossesse.
> Lupus néonatal
Observé lorsque la mère est porteuse d’anticorps anti-Ro/SSA et/ou La/SSB (rarement anti-RNP), le lupus néonatal disparaît dans les premiers mois de vie mais est parfois responsable de formes graves
– Formes cutanées
– Anémie hémolytique, thrombopénie, HMG / SMG
– Bloc de conduction : souvent à 18-24 semaines de gestation (surveillance échographique rapprochée)
A) Histoire naturelle / pronostic
Evolution : capricieuse, par poussées entrecoupées de rémissions, 90 % de survie à 5 ans
Facteurs de mauvais pronostic 1A
– Atteinte rénale : 20-30% des néphropathies lupiques évoluent vers l’insuffisance rénale chronique dans un délai de 5-10 ans, en particulier si lésions de classe III ou IV à la PBR
– Atteinte du SNC en particulier épilepsie et AVC massifs
– Thrombopénie < 60 G/L
– HTA et ses complications vasculaires
– Syndrome des anti-phospholipides associé
– Mauvaise réponse aux traitements
B) Complications
> Complications rénales : 30-50% des cas, favorisées par les Ac anti-ADN-natif avec souvent hypocomplémentémie de consommation.
Insuffisance rénale chronique
Néphropathie glomérulaire rapidement progressive
Forme chronique évoluant par poussées
> Complications cardio-vasculaires
Péricardites (fréquentes et récidivantes)
Thromboses artérielle ou veineuses : cf. syndrome des anti-phospholipides
Athéromatose accélérée
Vascularite lupique (digestive, rétinienne…)
Endocardite subaiguë (de Libmann-Sacks) : prolapsus de valve mitrale ++ avec épaississement et végétations
Myocardite : troubles de conduction AV, tachycardie sinusale, cardiomégalie et insuffisance cardiaque
> Complications neuropsychiatriques
L’ACR propose une liste de 19 atteintes neurologiques au cours du lupus, parmi lesquelles figurent :
– Pathologie cérébro-vasculaire
– Méningite lymphocytaire aseptique
– Atteinte démyélinisante
– Céphalées
– Dysautonomie
– Myélite, mono- ou poly-névrite, mouvements anormaux type chorée
– Etat dépressif, psychose, confusion aiguë…
A ) Bilan 2
Suivi initial clinique et biologique tous les 3-6 mois ou plus rapproché (mensuel au cours d’une grossesse, d’une forme évolutive), auquel s’ajoutent d’éventuelles autres explorations.
Bilan de suivi systématique d’un LES |
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NFS, VS, CRP, créatinine Transaminases, PAL Ac anti-ADN natif C3, C4 BU ± bilan rénal si point d’appel : Protéinurie des 24h, sédiment, albuminémie ; PBR si anomalie Bilan lipidique et glycémie 1 fois par an |
Les Ac anti-nucléaires sont bien corrélés au diagnostic mais pas à l’évolution, contrairement aux Ac anti-ADN natif.
B ) Traitement
A l’image de la maladie, le traitement est polymorphe ++, prise en charge multidisciplinaire
- Mesures générales 1A, 1B
Eviction des facteurs déclenchants (photoprotection, sevrage tabagique…)
Traitement des symptômes et des complications
Prévention de l’athéromatose et des complications liées aux traitements ++
Contraception
– Pas de CI à la contraception oestro-progestative hors poussée et hors SAPL 1A
– Utilisation prudente des oestrogènes (pas de toxicité démontrée mais sur-risque notamment si SAPL), préférer les progestatifs 1B
Vaccination : anti-pneumocoque, anti-HPV chez la femme (si non-réalisée) ± grippe si immunosuppresseurs 2
- Traitements médicamenteux 2
Le traitement de fond repose sur les antimalariques en 1ère intention, et/ou les corticoïdes s’ils ont été introduits lors d’une poussée (hors AMM). Les principales thérapeutiques du lupus comportent également des AINS notamment pour les formes articulaires / péricarditiques, et des immunosuppresseurs.
Antimalariques de synthèse (chloroquine CQ, hydroxychroloquine HCQ)
– Traitement de fond
– Mécanisme d’action inconnu 1A
– Examen ophtalmo impératif avant de débuter le traitement !
Immunosuppresseurs : formes viscérales graves ou épargne cortisonique
– Cyclophosphamide en perfusions mensuelle (6-12 mois) associées à la corticothérapie (induction)
– Autres : azathioprine, méthotrexate, mycophénolate mofétil (MMF), ciclosporine
- PEC en pratique 1B
Formes mineures notamment cutanéo-articulaires
– Traitement de fond par AINS, CQ ou HCQ
– ± Corticothérapie faible dose, méthotrexate
– Bélimumab dans les formes réfractaires corticorésistantes ou -dépendantes
Formes pleuro-péricardiques : corticothérapie dose intermédiaire ± colchicine, parfois immunosuppresseurs à visée d’épargne cortisonique
Formes graves (atteinte rénale grave, neuro, cardio, hémato) : prednisone 1-2 mg/kg/j + immunosuppresseurs (parfois IgIV dans les thrombopénies sévères)
Lupus discoïde 2 : corticoïdes locaux, tacrolimus en 2e intention (hors AMM)
Grossesse : on peut continuer à utiliser les corticoïdes, l’HCQ et l’azathioprine
- PEC de la glomérulonéphrite lupique 1D
Selon les résultats de la PBR
Situation | PEC |
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Classe I et II | Abstention thérapeutique |
Classe III ou IV active | Induction : cortico haute dose + cyclophosphamide (AAM 2) ou MMF (hors AMM 2) Entretien : MMF ou azathioprine + hydroxychloroquine ± cortico faible dose |
Classe V avec sd néphrotique | Cortico + (cyclophosphamide / azathioprine / MMF / ciclosporine) |
Classe VI | Préparation à la dialyse / transplantation |
3 réponses à “Lupus érythémateux systémique”
Voir également le nouveau Protocole National de Diagnostic et de Soins : Lupus Systémique de l’HAS (mars 2017)
merci infiniment pour vos efforts juste ce dont j’avais besoin…c’est très bien résumé
Merci pour tes encouragements !