1) Généralités 2
Déf : les maladies de type Charcot-Marie-Tooth (CMT) constituent un groupe hétérogène de neuropathies génétiques sensitives et motrices héréditaires
Physiopathologie
– Les fibres nerveuses (plus petite unité fonctionnelle du système nerveux périphérique) transmettent des informations électriques afférentes et efférentes en modulant le potentiel électrique axonal
– Elles peuvent être myélinisées ou non (selon la présence d(enroulement de plusieurs cellules de Schwann adjacentes autour de l’axone, séparés par des nœuds de Ranvier)
– Les CMT sont induits par des anomalies génétiques affectant des composants myéliniques (CMT1) ou axonaux (CMT2) de ces fibres nerveuses
– Anomalies anatomopathologiques caractéristiques des CMT1
. pertes en fibres myélinisées avec des signes de démyélinisation/remyélinisation (bulbes d’oignons)
. ou des aspects d’hypermyélinisation tomaculaire
– Pour les CMT2, les gènes mutés engendrent des protéines anormales, responsables des phénotypes CMT (ces protéines sont impliquées dans des processus biologiques variés ⇒ variation de physiopathologie de ces neuropathies selon la mutation considérée)
Mécanismes physiopathologiques impliquées dans la genèse des CMT
– Développement et maintenance de la myéline
. mutation dans une vingtaine de gènes altèrent la myéline (forme CTM1, démyélinisante)
. exemple : PMP22, MP2 et GJB1 (les plus connus)
. les mutations pouvant altérer à la fois la myéline et l’axone sont responsables des CMT intermédiaires
– Biosynthèse et dégradation protéique
. agrégation de protéines amyloïdogènes pouvant être expliquées par une mutation dans le gène NEFH, responsable de CMT2 dominants
. anomalie de l’appareil de Golgi : mutation FAM134B
– Anomalies de la jonction neuromusculaire
– Transport axonal
– Endocytose, autophagie
– Dynamique membranaire et autres protéines de transport
– Canaux ionique
– Réseau mitochondrial
– Anomalies de la transcription
Épidémiologie
– Prévalence variable selon la géographie
. estimée à 9,7-82,3 cas/100.000 habitants dans la population caucasienne
– Neuropathie CMT = entité neuromusculaire héréditaire la plus fréquente
– Sujets masculins > sujets féminins
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
---|---|
déficit moteur progressif déformation squelettique hypo- ou aréflexie tendineuse |
Electroneuromyogramme (ENMG) Examens génétiques |
A ) Clinique
-
Anamnèse
Terrain
– Age
. 1ère décennie ++ (60% des patients)
. ± vers 60 ans
Signes fonctionnels
– Notion de
. entorses de cheville fréquentes
. fractures des pieds et des chevilles
. difficultés en sport à l’âge scolaire
. lésions plantaires récurrentes dans les formes sensitives (ulcération, paronychies, durillons)
. port de semelles orthopédiques
. scoliose et antécédents de chirurgie podologique
-
Examen physique
Le trio caractéristique est constitué de déficit moteur progressif, de déformations squelettiques, et d’hypo- ou aréflexie tendineuse généralisée.
Déficit moteur progressif
– Prédomine en distalité des membres
– Déficit moteur et atrophie longueurs-dépendants, symétriques ++, intéressant
. les muscles intrinsèques du pied (ne permettant plus de distinguer cliniquement le muscle pédieux)
. les muscles de la loge antéro-externe de la jambe (steppage dont le patient est le plus souvent anosognosique et atrophie globale des jambes : »mollets de coq »)
. les muscles des membres supérieurs (tardivement ++)
– Les troubles et le déficit sensitif sont au second plan +++ (sauf formes sensitives et dysautonomique caractérisées par des troubles de la sensibilité thermo-algique)
. atteinte vaso-motrice des extrémités avec un acrosyndrome
. atteinte vésico-sphinctérienne
Déformations squelettiques
– Déformation des pieds (entrainent une démarche anormale)
. Pieds creux (« Pes cavus ») : secondaires à une déformation en flexion plantaire des premiers métatarsiens
. Pieds plats (rares ++)
. Orteils « en griffe » : reflet d’une atteinte des muscles intrinsèques des pieds (« mains de singe » au niveau des membres supérieurs)
– Scoliose
. doit être systématiquement dépistée dans l’enfance et à l’adolescence
. très fréquente (CMT4 ++, TRPV4)
– Dysplasie de hanche
. se rencontre surtout dans les CMT démyélinisants
. se manifeste cliniquement à partir de l’âge de 8 ans
. douleurs de hanche à la marche
Hypo- ou aréflexie tendineuse généralisée (peut se limiter à une aréflexie achilléenne)
Signes cliniques associés
Les signes cliniques suivants peuvent être associés
– Anomalies respiratoires par atteinte diaphragmatique
. atteinte du diaphragme avec insuffisance respiratoire restrictive’ dans tous les types de CMT, rare dans les formes classiques comme le CMT1A)
. rencontrées dans les formes pédiatriques sévères de type « Déjerine Sottas » mais aussi dans des formes qui s’associent à des déformations pariétales comme dans le CMT2C
– Syndrome d’apnée et hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS)
– Syndrome des jambes sans repos
– Atteinte du SNC
. syndrome pyramidal avec préservation des réflexes malgré la neuropathie
. anomalie de la substance blanche
– Surdité
– Atteintes squelettiques
. arthrogrypose
. scoliose
– Anomalies oculaires
. atrophie optique pouvant conduire à la cécité
. glaucome
. anomalie du tonus pupillaire (avec pupille d’Addie)
. cataracte
. dégénérescence maculaire
. hyper-élasticité cutanée
– Protéinurie
– Atteinte des cordes vocales
– Dysautonomie
– Atteinte cardiaque
. Cardiomyopathie dilatée
. Troubles du rythme cardiaque
– Atteinte des paires crâniennes
. atteinte du nerf facial
. atteinte glossopharyngienne
B ) Paraclinique
Electroneuromyogramme (ENMG)
Permet de
– confirmer l’existence d’une neuropathie
– définir le type (démyélinisant, axonal, intermédiaire)
– donner des arguments pour une neuropathie démyélinisante acquise (démyélinisation segmentaire et focale) ou génétique (démyélinisation diffuse ++)
– orienter les analyses génétiques
Génétique
– Recherche d’une duplication/délétion de la région du gène PMP22 (défaut moléculaire le plus fréquent dans les CMT)
– Réalisation d’un séquençage à haut débit (en cas de négativité de la 1ère analyse)
– Séquençage d’un panel de gènes (préféré)
– Séquençage de l’exome ou du génome entier (discutée de façon collégiale)
Note : ces recherches dans l’état actuel des connaissances aboutissent à un diagnostic uniquement dans 30% des cas
C ) Diagnostic différentiel
Formes frontières avec les CMT
– Maladie de Déjérine Sottas, CMT3, formes précoces sévères
– Hypomyélinisation congénitale
– Neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à la pression
– Neuropathie héréditaire douloureuse et amyotrophiante
– Neuropathies héréditaires distales motrices
– Neuropathies héréditaires sensitives et dysautonomiques
– Neuromyotonie récessive liée aux mutations HINT1
Autres neuropathies héréditaires dans un contexte d’atteinte multisystémique
– Porphyrie
– Maladies mitochondriales
– Neuropathie amyloïde familiale, mutation TTR
– Paraplégie spastique.
– Ataxies spinocérébelleuses
Neuropathies dysimmunitaires
– Neuropathie motrice multifocale et Syndrome de Lewis et Sumner
– Polyradiculonévrite chronique
Neuropathies dégénératives
Myopathies distales
3) Evolution 2
– Evolution progressive ou par poussées
– ± aggravations aiguës déclenchées en cas de grossesse ou d’iatrogénie (vincristine par ex)
– espérance de vie non impactée dans la majorité des cas, mais
. altération de la qualité de vie
. risque de dépression accrue
. troubles du sommeil
– handicap généralement modéré et dépend du type de CMT considéré
4) PEC 2
A ) Bilan initial
bilan de gravité |
Echelles d’évaluation spécifiques des CMT ou des neuropathies CMT neuropathy score (CMTNS) CMTpedS Overall Neuropathy Limitations Scale (ONLS) Rasch-built Overall Disability Scale (R-ODS) Neuropathy Impairement score (NIS) Test des 9 trous Echelles de quantification de la force musculaire Echelle MRC Quantification de la force musculaire au dynamomètre (La quantification de la dorsiflexion plantaire est un outil intéressant) Test de marche des 10 mètres Evaluation des troubles sensitifs Proprioception : signe de Romberg positif non latéralisé, examen de l’arthrokinésie Douleur : EVA de la douleur, DNA4, Neuropathic Pain Symptom Inventory (NPSI), Pain Questionnaire of Saint Antoine (QDSA), Short Questionnaire on Pain (QCD) Echelles d’évaluation du retentissement Echelle de handicap de 9 niveaux de Rotterdam Index de Barthel Rivermead mobility index Echelle de Brooke Echelle de qualité de vie Examens respiratoires Examen audiométrique Examen orthopédique Note : Cinq items du CMTNS et 3 tests cliniques (test de marche des 10 mètres, test des 9 trous et dynamomètre de la dorsiflexion plantaire) sont les 8 items les plus discriminants pour différentier les différents stades de gravité des CMT. |
B ) Traitement
La prise en charge étiologique n’est pas encore disponible.
Objectifs généraux
– Prévenir les complications à l’aide de la rééducation kinésithérapeutique motrice et proprioceptive,
des orthèses de releveurs de pieds, des soins de podologie, de l’ergothérapie
– Maintenir l’autonomie et compenser les déficiences motrices et sensitives, en instaurant des aides
humaines et en prescrivant les aides techniques nécessaires et en adaptant au mieux le lieu de vie
– Accompagner et proposer un soutien psychologique au patient et à son entourage
– Assurer un suivi régulier du patient
Mesures générales
– Annonce du diagnostic et information du patient au cours d’une consultation
– Conseil génétique (consultation de génétique clinique)
– Education thérapeutique et adaptation du mode de vie
Traitement symptomatique
Chirurgie
– Elle peut concerner
. Scoliose
. Malformations orthopédiques des extrémités : pieds creux, orteils en griffe, doigts en griffe
. Steppage
– Techniques proposées
. le transfert de tendon du tibial postérieur
. les décompressions nerveuses en particulier la décompression micro-vasculaire en cas
de névralgie du trijumeau
. Triple arthrodèse
. Ostéotomie péri-acétabulaire dite « Bernese »
Note : le traitement conservateur doit être préféré tant que possible
Traitement antalgique
– antiépileptiques
– antidépresseurs
Notes
– ces traitements n’ont pas été évalués spécifiquement au cours de la maladie de CMT
– certains patients nécessitent une prise en charge au centre antidouleur
Traitement paramédicale
– Masso-Kinésithérapie, réadaptation physique
– Ergothérapie, Aides technique, Appareillage
– Cures thermales
C) Suivi
suivi |
Clinique Suivi neuromusculaire : tests moteurs et échelles cliniques (CMTNS2 = test le plus utilisé) Suivi par un rééducateur fonctionnel et ergothérapeute : appareillage et adaptation du domicile Suivi psychologique (Entretien proposé à chaque consultation) |
Paraclinique Pas de données dans la littérature |