Onco – Hématologie
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 314
Déf : la maladie de Vaquez (MV) est un syndrome myéloprolifératif (SMP) prédominant sur la lignée rouge, se traduisant par une polyglobulie = érythrocytose clinique et biologique, ± des signes d’accompagnement.
Epidémio :
– survenue généralement après 50 ans,
– légère prédominance masculine
Physiopathologie : la MV est presque toujours associée à une mutation JAK2 (mutation V617F) à l’origine d’une hyperactivité tyrosine kinase (voies STAT, Ras-MAPK et PI3K-ATK). Des colonies d’érythroblastes se reproduisent alors même sans stimulation hormonale (autonomie vis-à-vis de l’EPO).
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Erythrose, prurit aquagénique, SMG
Signes liés à l’hyperviscosité (gravité!) : céphalées, vertiges, troubles visuels ou sensitifs, thrombose |
2 critères majeurs – Polyglobulie (obligatoire) ; seuils Hb, Ht, masse sanguine – BOM (obligatoire) – Mutation JAK2 Critère mineur : dosage EPO |
A ) Clinique
Circonstances de découverte : souvent découverte fortuite à l’hémogramme, ou bilan d’un signe clinique ou biologique évocateur
Signes physiques
– Erythrose : cutanéo-muqueuse surtout visible au visage et aux mains, d’apparition progressive
– Signes liés à l’hyperviscosité : céphalées, vertiges, troubles visuels, paresthésies, thrombose veineuse ou artérielle
– Signes liés au SMP : prurit aquagénique, splénomégalie
B ) Paraclinique
Hémogramme
– Augmentation parallèle de l’hémoglobine (> 16,5 g/dL chez l’homme, > 16 g/dL chez la femme) et de l’hématocrite (> 49% chez l’homme, > 48% chez la femme)
– Hyperleucocytose modérée avec polynucléose neutrophile et hyperplaquettose (2/3)
Notes
– La VS est faussement nulle ou très basse (du fait du grand excès de globules rouges)
– Une carence martiale par micro-saignements digestifs est fréquente dans la MV, elle se traduit par une microcytose sans anémie à l’hémogramme, avec bilan martial modifié
– Avant de pratiquer d’autres examens complémentaires, il faut éliminer les différentiels courants (déshydratation, diurétiques, polyglobulies secondaires)
Recherche sanguine de mutation JAK2
– Présente dans 95 % des cas
– Pas totalement spécifique : peut s’observer dans d’autres SMP non-LMC
Mutation JAK2 présente : les examens complémentaires recherchent des critères mineurs de l’OMS, ils sont présentés du plus simple au plus invasif
– Dosage de l’EPO sérique avant toute saignée : diminué dans la MV
– Biopsie ostéo-médullaire (BOM) à la recherche d’une hyperplasie des 3 lignées myéloïdes et d’une éventuelle myélofibrose
Mutation JAK2 absente : diagnostic de MV peu probable
Détermination isotopique du volume globulaire = masse sanguine (inutile si hématocrite > 60 % chez l’homme ou > 56 % chez la femme / Hb > 18,5 g/dl chez l’homme ou > 16,5 g/dl chez la femme) : dilution d’hématies autologues marquées au 51Cr ou au 99Tc, permettant d’affirmer le caractère ‘vrai’ de la polyglobulie si > 125 % du volume théorique (abaques selon poids, taille et sexe).
Recherche d’une étiologie de polyglobulie secondaire
– Imagerie abdominale (écho ++) permettant la recherche d’une tumeur et la mesure du volume splénique
– Gazométrie artérielle ou au minimum oxymétrie de pouls
Recherche des critères en faveur d’une MV JAK2 négative
Autres examens spécialisés
C ) Diagnostic différentiel
> ‘Fausses’ polyglobulies
Hémoconcentration : déshydratation, brûlures étendues, diurétiques, réanimation. Augmentation parallèle de l’Hb, de l’hématocrite et du nombre d’hématies.
Etat de pléthore = syndrome de Gaisbock : souvent chez des hommes jeunes avec multiples facteurs de risques CV (sédentarité, surpoids, autres) ; la masse globulaire est alors normale
Syndromes thalassémiques hétérozygotes
– Terrain : origine géographique, cas familiaux
– Augmentation du nombre d’hématies isolée (pas de l’Hb ni l’hématocrite) avec microcytose et bilan martial normal
– Diagnostic à l’électrophorèse de l’Hb
> Polyglobulies secondaires (à une hypersécrétion d’EPO) : absence de mutation JAK2 et du critère mineur de MV, notamment EPO normale ou augmentée
Hypoxie chronique (toutes causes d’insuffisance respiratoire chronique)
Tumeur sécrétant de l’EPO
– Rein : cancer surtout, peu de signes cliniques
– Foie : surtout cancer secondaire du foie sur cirrhose, parfois tumeurs bénignes
– Fibrome utérin, autres tumeurs utérines et ovariennes
– Hémangioblastome du cervelet (exceptionnel) : signes d’HTIC, syndrome cérébelleux
Note : il existe une zone de recouvrement entre les valeurs d’EPO sanguine des MV et des polyglobulies secondaires, rendant l’interprétation parfois difficile
> Polyglobulies constitutionnelles (exceptionnelles) : mutations du gène du récepteur de l’EPO, des gènes impliqués dans la réponse à l’hypoxie, hémoglobines hyperaffines pour l’oxygène
> Autres SMP : thrombocytémie essentielle et myélofibrose primitive, mutation JAK2 présente (50%) mais sans polyglobulie
D ) Synthèse : classification diagnostique OMS
Selon la classification OMS 2016, le diagnostic de MV est établi si un patient réunit les 3 critères majeurs ; ou les critères majeurs 1 et 2 + le critère mineur
Critères majeurs | Critère mineur |
---|---|
1) Hb > 16,5 g/dL chez l’homme / > 16 g/dL chez la femme, ou Ht > 49% chez l’homme / > 48% chez la femme, ou augmentation de la masse sanguine 2) Biopsie médullaire : panmyélose (prolif. des 3 lignées) avec prolif. mégacaryocytaire pléomorphe 3) Présence d’une mutation JAK2 (V617F ou exon 12) |
EPO sanguine basse |
Complications
– A court terme : thromboses artérielles et veineuses (1ère cause de morbi-mortalité) ; hémorragies (surtout si thrombocytose importante associée et usage d’anti-agrégants)
– A long terme (touche une minorité de patients après 10-20 ans d’évolution) : transformation en myélofibrose secondaire, en SMD ou en leucémie aiguë myéloblastique
Survie à 15 ans : 75 %, espérance de vie diminuée par rapport à la population indemne (contrairement à la thrombocytémie essentielle)
NB : la présence au diagnostic d’un hématocrite > 60 % ou de signes cliniques d’hyperviscosité est une urgence médicale.
> Saignées
Modalités : prélèvement de 300-400 mL de sang veineux 2-3 fois par semaine en traitement d’attaque, jusqu’à obtention d’un hématocrite < 45 %, puis tous les 1-3 mois selon l’hématocrite
Indications
– 1er traitement de tous les patients, et traitement d’urgence des malades symptomatiques, action directe sur le volume sanguin total
– Utilisation prudente chez le sujet âgé, mais pas de CI
Effets indésirables
– Carence martiale à respecter (freine l’érythropoïèse)
– Hyperplaquettose pouvant justifier en soi l’introduction d’un traitement cytoréducteur
> Anti-agrégants et anti-coagulants
Aspirine à dose anti-agrégante (100 mg/j) indiquée dans tous les cas en association avec les saignées ou les myélosuppresseurs, en prévention du risque thrombo-embolique, sauf CI absolue.
Anti-coagulants : prescrits en cas de thrombose veineuse
> Myélosuppresseurs
Molécules disponibles
– Hydroxyurée ou hydroxycarbamide (avec AMM) : 500 mg 2-4 fois / jour en traitement d’attaque, contrôle hebdomadaire puis mensuel de la NFS ; risque de sécheresse cutanée, ulcère de jambe, tumeur cutanée, et de macrocytose (sans conséquence)
– Ruxolitinib (avec AMM) : ITK ciblant JAK1 et JAK2
– Pipobroman : 25 mg 2-4 fois / jour, même surveillance que l’hydroxyurée, en 2e intention ou chez les patients plus âgés
– Phosphore 32 : n’est plus utilisé en France (efficace mais hautement leucémogène)
– IFN-α (hors AMM, surtout chez le sujet jeune et la femme enceinte)
Indications
– Patients « à haut risque » : > 60 ans et/ou ATCD de thrombose
– Patients de tolérant pas les saignées au long cours ou développant une thrombocytose importante
Effets indésirables : potentiel leucémogène à long terme (surtout pipobroman et phosphore 32)
> PEC des FdR CV ++ (obésité, tabac, HTA, sédentarité)