1) Généralités 1A
Déf : L’insuffisance veineuse chronique (IVC) est un dysfonctionnement du système veineux profond et/ou superficiel. Il est lié à une incontinence valvulaire ± oblitération veineuse et prédomine aux membres inférieurs. Les varices sont correspondent à une dilatation permanente et pathologique d’une veine superficielle qui devient tortueuse, avec altération de la paroi veineuse, en dehors d’une fistule artério-veineuse.
L‘insuffisance veineuse et les varices sont étroitement liées, et sont regroupées dans le terme de maladie veineuse chronique 0
Physiopathologie : Atteinte du système valvulaire ou de la paroi veineuse (cf physiopathologie du retour veineux). Les varices sont une étiologie et/ou une complication de l’insuffisance veineuse chronique, et inversement.
Epidémiologie :
– Prévalence de 11 à 24% dans les pays occidentaux, 5% en Afrique et 1% en Inde
– Sex-ratio féminin 3:1
– 2.6% des dépenses de santé
– IVC = 20 millions de patients en France avec 400 000 souffrant d’ulcère veineux (2011)
-
Etiologies
Cause primitive :
– IVC primitive par insuffisance valvulaire profonde primitive
– Varice essentielle
Cause secondaire :
– Syndrome post-thrombotique (thrombose souvent ancienne)
– Syndromes veineux compressifs : Syndrome de Cockett (compression veine iliaque gauche entre L5 et l’art. iliaque gauche) ; syndrome soléaire (compression pédicule tibio-péronier par l’arcade soléaire) ; compression tumorale
– Anomalie embryologique : malformation artérioveineuse, dysgénésie valvulaire congénitale
IVC fonctionnelle : par trouble de la dynamique musculaire (diminution de la marche, ankylose tibio-tarsienne, trouble respiratoire). Les veines sont normales.
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Signes fonctionnels non spécifiques précoces Signes cliniques spécifiques plus tardifs |
+/- échodoppler des MI |
A ) Clinique
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Anamnèse
Terrain :
– FdR de varice : hérédité, mode de vie occidental, âge, sexe féminin, grossesses multiples…
– ATCD de thrombose
Signes fonctionnels : Lourdeur, pesanteur des membres inférieurs, démangeaison. Signes aspécifiques, mais importance des facteurs favorisants et soulageants ces symptômes
Facteurs favorisant | Facteurs soulageant |
– station debout ou assise – obésité – chaleur – grossesse – prise d’oestro-progestatifs / période pré-menstruelle |
– froid – surélévation de membre – l’exercice physique – contention |
Autre signes : plus rares
– Impatience nocturne (± dans le cadre du syndrome des jambes sans repos)
– Brûlure/rougeur du pied après quelques heures de sommeil
– Claudication intermittente / crampe, cède en position décubitus
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Examen physique
Examen bilatéral et comparatif en position debout (escabeau de phlébologie), membre inf en rotation externe et en légère flexion pour la VGS.
Présence de varice : signe évident, mais ne traduit pas une IVC associée
Signes de stase :
– œdème du pied (blanc, mou, prenant le godet, à recrudescence vespérale)
– télangiectasies / varicosités de la cheville et de l’arche plantaire
Signes des complications chroniques (cf partie III)
± thrill auscultatoire en cas de fistule artério-veineuse
Remarque : manœuvres cliniques (supplantées par l’écho-doppler)
– Signe du flot
– Signe de Swartz
– Epreuve de Trendelenburg = recherche d’incontinence de la valvule ostiale
– Epreuve des garrots étagés = recherche d’incontinence des veines perforantes
B ) Paraclinique
Aucun examen paraclinique n’est nécessaire au diagnostic positif.
En cas de doute, on peut réaliser un écho-doppler veineux : Cartographie veineuse avec les diamètres des veines, mise en évidence d’un reflux pathologique, d’une incontinence de veine perforante.
C ) Diagnostic différentiel
– Devant un œdème uni- ou bi-latéral des membres inférieurs, inflammatoire ou non (cf œdème des membres inférieurs et grosse jambe rouge aigüe)
– Devant un ulcère: cause artérielle, …
3) Evolution 1A
A) Histoire naturelle
L’IVC peut régresser en cas de facteur transitoire résolu (grossesse, hygiène de vie) mais le plus souvent elle continue une évolution lente ponctuée de complications. La classification CEAP (cf bilan) résume l’histoire clinique. L’apparition de la lipodermatosclérose marque un tournant évolutif correspondant à une extravasation de PNN et une altération irréversible des structures vasculaires
B) Complications
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De la maladie veineuse
Eczéma de contact : lésions érythémato-vésiculeuses souvent liées à l’application de topiques
Dermites purpuriques et pigmentées (dermite ocre ++) : signe le passage dermique des hématies, accompagnée d’un prurit
Atrophie blanche de Milan = dermite atrophique : lésions « porcelaine », cicatricielles, arrondies, siégeant près des malléoles. C’est un signe d’ischémie cutanée par raréfaction des capillaires
Dermo-hypodermite de stase = lipodermatosclérose : lésions inflammatoires, rouges et douloureuses, évoluant par poussées en lésions scléreuses jusqu’à une fibrose engainante et rétractile entrainant une ankylose de la cheville.
Stase lymphatique : destruction du réseau lymphatique dans une IVC évoluée, entrainant un œdème permanent, une peau épaissie et cartonnée. Favorise les dermo-hypodermites infectieuses / érysipèles.
Ulcère veineux : péri-malléolaire, indolore, non-creusant, fond humide. L’évolution se fait par poussées inflammatoires avec des épisodes d’infections et d’eczéma, ou très rarement en carcinome spino-cellulaire (bourgeonnement exubérant).
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Complication aigüe propres aux varices
Thrombose veineuse superficielle (TVS) : cordon rouge induré sur le trajet d’une varice, segmentaire (pas de complication) ou thrombose saphène (risque de TVP / EP)
Thrombose veineuse profonde (TVP)
Rupture de varice : rare, le plus souvent traumatique ou sur un ulcère. La présentation est celle d’une hémorragie extériorisée ou d’un hématome musculaire (rupture interstitielle = de veine perforante).
4) PEC 1A
A ) Bilan initial
L‘examen complémentaire de première intention est l‘échodoppler. Il sera réalisé dans 3 cas :
– Bilan pré-opératoire
– Suspicion de TVP
– Retentissement cutané, ulcère veineux
Autres examens dans des indications rares : pléthysmographie, pression veineuse ambulatoire, phlébographie
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Bilan étiologique
Echodoppler : recherche de séquelle de thrombose ou un signe de compression.
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Bilan de gravité
De la maladie veineuse chronique via la classification CEAP (Clinique, Étiologique, Anatomique et Physiopathologique)
Topographie des varices
– systématisée = atteinte d’une veine saphène
– non systématisée = non saphène
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Bilan pré-thérapeutique
Echodoppler : cartographie si PEC opératoire
B ) Traitement
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Compression élastique 2
=> Traitement symptomatique ++
Mécanisme 1A : réduit la dilatation des veines et augmente la vitesse d’écoulement du sang veineux, avec un effet bénéfique sur la microcirculation cutanée et lymphatique. A porter avant le lever.
Dispositifs : choisis en fonction du stade clinique CEAP, ce sont des bas (chaussettes, bas-cuisses ou collants), des bandes sèches ou enduites, prescrits au long cours à partir du stade C2 (varices) et avec réévaluation régulière du rapport bénéfice/risque à partir du stade C3 (œdème). La pression doit être mentionnée sur la prescription, on retiendra la plus forte pression supportée par le patient.
Classification :
Classe du bas de contention | Pression exercée | Indications |
---|---|---|
I : faible | 10-15 mmHg | Prévention de la TVP, IVC fonctionnelle 1A |
II : moyenne | 15,1-20 mmHg | Varices, TVP/TVS, post-op. d’une chirurgie variqueuse 1A Stade C2 2 |
III : forte | 20,1-36 mmHg | Sd post-thrombotique, TVP/TVS, ulcère 1A Stade C2, C3, C4, C5 2 |
IV : très forte | > 36 mmHg | Insuffisance lymphatique 1A Stade C5, C6 2 |
Contre-indications
– AOMI avec IPS < 0,6
– Microangiopathie diabétique évoluée (CI aux pressions > 30 mmHg)
– Phlegmatia coerulea dolens
– Thrombose septique
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Autres traitements
Veinotropes : Uniquement en cas de gène fonctionnel, à titre adjuvant.
– Pas d’indication en cas de varices asymptomatique
– Pas plus de 3 mois (sauf en cas de reprise de la symptomatologie après 3 mois)
– Pas d’association
Crénothérapie (cure thermale) : indiquée en cas de symptômes persistants malgré une PEC bien menée
– IVC avec retentissement cutané important
– Lymphœdème invalidant
– Maladie post-thrombotique invalidante
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Traitement chirurgical / sclérothérapie
Dans le cadre de la PEC des varices +++. La chirurgie de l’insuffisance veineuse profonde (notamment restauration valvulaire dans la maladie post-thrombotique) est en cours d’évaluation
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- Techniques :
Phlebectomie : ligature de la veine, mico-incision cutanée, et ablation de la varice. Possible en ambulatoire.
Stripping veineux : essentiellement exérèse des veines saphènes. Ligature de la crosse, puis on y monte un stripper en IV, ablation par éversion.
– Ambulatoire ++ ou hospit. 48h
– Contention classe II 1 mois
– ± anticoagulation préventive 1 semaine (pas de consensus)
– Suivi chirurgical à 1 mois ± phlébologue à 2 mois pour discuter une sclérothérapie
CHIVA = cure hémodynamique de l’IV en ambulatoire : fractionnement de la colonne de sang veineux par des ligatures appropriées, conservant le réseau saphénien principal
Traitement endovasculaire par radiofréquence ou laser (en cours d’évaluation)
Sclérothérapie : Injection d’un produit émulsifié en percutané, sous contrôle échographique. L’indication relève du spécialiste, les complications sont nombreuses (hématome, pigmentation, réaction inflammatoire, injection intra-artérielle rare mais grave)
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- Indications :
Varices non-compliquées : varices symptomatiques et/ou volumineuses.
– Chez la femme jeune : attendre la dernière grossesse pour éviter les récidives
– Chez le patient à risque vasculaire : rester conservateur sur les troncs saphéniens (pontage ultérieur)
Varices compliquées :
– TVS : à distance de l’épisode thrombotique, sauf en cas de thrombus près des crosses saphènes
– Rupture de varice : chirurgie immédiate
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PEC des complications
Cf fiches dédiées
C) Prévention
Mesures préventives des varices essentielles :
– Jambes surélevées (7-10cm au-dessus du lit)
– Marche régulière
– Eviter la station debout, assis, jambes croisées
– Eviter le chauffage au sol, les bains et l’exposition solaire prolongées
– Port de bas de contention classe I 0
2 réponses à “Maladie veineuse chronique”
On parle sur ce site de dermite de stase = exzéma variqueux, à traiter par cortisone. A quoi cela correspond exactement ?
https://www.therapeutique-dermatologique.org/spip.php?article1077
Publication HAS 2016 concernant les traitements par laser et radiofréquence
Extraits des conclusions :
– “La HAS considère […] que la prise en charge par l’Assurance maladie de l’acte d’occlusion par laser est opportune pour le traitement de varices avec incontinence et expression clinique intéressant la grande veine saphène au dessus du tiers moyen de la jambe ou la petite veine saphène au dessus du tiers inférieur de la jambe”
– “La HAS considère que les données disponibles en date de cette actualisation ne permettent pas de hiérarchiser les occlusions par laser et radiofréquence entre elles, ni de les privilégier en première intention par rapport aux exérèses par crossectomie-stripping”