Neuro
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 97
Déf : Maladie caractérisée par des excès répétitifs de céphalée et répondant aux critères de l’ICHD-30. La migraine est une des principales causes de céphalées chroniques. On distingue des migraines avec aura (MAA) et des migraines sans aura (MSA).
Physiopathologie : la maladie migraineuse est liée à une excitabilité neuronale anormale, sous-tendue par une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux (hormones, stress, alimentation).
La prédisposition est polygénique sauf dans la migraine hémiplégique familiale, variété rare de migraine monogénique autosomique dominante.
L’aura migraineuse est sous-tendue par une dépression corticale envahissante (dysfonctionnement transitoire cortical à point de départ occipital et se propageant lentement vers l’avant). Le système trigémino-vasculaire s’active par la suite et entraîne la céphalée via le nerf trijumeau, qui relaie le signal au tronc cérébral et au thalamus.
Epidémiologie :
– Prévalence = 15 % (10 % sans aura, 5 % avec aura), 5 à 10 % des enfants
– Sex-ratio féminin 3:1 (1:1 avant la puberté)
– Début à tout âge mais 90% avant 40 ans 1A, les syndromes épisodiques associés à la migraine constituent la forme la plus précoce de migraine, les migraines avec aura basilaire débutent classiquement à l’adolescence (premières règles) 1B
Clinique | Paraclinique |
---|---|
céphalée selon les critères ICHD-3 | – |
A ) Clinique
On distingue les migraines sans et avec aura. Pour ces 2 types, il existe des facteurs déclenchant identiques. Le diagnostic repose sur les critères précis définis dans l’International Classification of Headache Disorders, 3e édition (ICHD-3).
- Facteurs déclenchants
Non systématique. Ils ont en commun un « changement ».
Facteurs psychologiques : contrariété, anxiété, émotion forte (positive ou négative), choc psychologique
Mode de vie : déménagement, changement de travail, surmenage, vacances, voyage
Alimentation : alcool, repas trop riche, agrumes, jeûne, repas sautés ou irrégulier, sevrage en caféine
Facteurs hormonaux : règles, contraceptifs oraux, traitement hormonal
Facteurs sensoriels : lumière, bruit, odeurs, vibration…
Facteurs climatiques : vent, chaleur humide, froid
Autres : traumatisme crânien (enfant), manque ou excès de sommeil, altitude, effort physique inhabituel…
- Migraine sans aura
Prodromes : irritabilité, asthénie, somnolence, faim, bâillement…
Céphalées
– Début progressif, durant 12h à quelques jours
– Unilatérale et/ou à bascule
– Chez l’enfant, la crise dure souvent moins de 4h (2 à 4h 1B), s’accompagne de pâleur et est calmée par le sommeil 1A ; la céphalée est plus souvent frontale que temporale, bilatérale qu’unilatérale (céphalée bifrontale ++), les troubles digestifs sont marqués 1B
- Migraine avec aura
L’aura est un ensemble de signes neurologiques transitoires, progressifs et successifs, « positifs » (ex : paresthésie) ou « négatifs » (ex : aphasie), survenant avant ou pendant la céphalée (rarement après). Des auras isolée sans céphalée surviennent chez 1/3 des patients et 5% des migraineux n’ont jamais de céphalée 1A. La chronologie « aura puis migraine » est moins souvent observée chez l’enfant. 1B.
Chaque symptôme apparaît progressivement, dure 5 à 60 min et disparaît. L’aura débute généralement par des troubles visuels, puis éventuellement les troubles sensitifs, du langage… Une aura prolongée jusqu’à quelques jours est possible mais rare.
Aura visuelle (99% des sujets atteints, dont 90 % ont une aura purement visuelle)
– Phénomènes positifs : phosphène, taches angulaires ou arrondies, lignes brisées, halos lumineux, brillants plus que mats, vision kaléidoscopique, métamorphosies voire hallucinations visuelles élaborées
– Phénomènes négatifs : flou visuel, scotome, héminanopsie latérale homonyme voire cécité
– « Scotome scintillant » (classique mais rare) : point lumineux dans une partie du champ visuel des 2 yeux, s’élargissant en ligne brisée pour laisser place à un scotome central
Aura sensitive (30%)
– Phénomènes positifs : paresthésies indolores débutant à la main ou sur le bord des lèvres, puis extension jusqu’au coude ou l’hémiface correspondants (« marche migraineuse »)
– Phénomènes négatifs : hypoesthésie au tact, à la douleur, parfois perturbation du sens positionnel
Aura aphasique (20%) : manque du mot, dysarthrie, aphasie totale
Aura basilaire (= du tronc cérébral, 10%)
– Troubles visuels et sensitifs bilatéraux
– Vertige, hypoacousie, ataxie, diplopie, somnolence
Aura motrice (6%) : forme dite hémiplégique (mais peut être bilatérale), sporadique ou familiale (canalopathie 1B), d’installation progressive en marche migraineuse, toujours associée à d’autre symptôme de l’aura.
- Syndromes épisodiques pouvant être associés à la migraine de l’enfant 1B
Crises précoces et centrées sur un symptôme non-céphalalgique
– Torticolis : torticolis paroxystique bénin
– Vertiges : vertige paroxystique bénin
– Vomissements : syndrome des vomissements cycliques
– Douleurs abdominale : migraine abdominale
- Critères diagnostiques de l’ICHD-3
Migraine sans aura | Migraine avec aura |
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A. ≥ 5 crises répondant aux critères B à D | A. ≥ 2 crises répondant aux critères B et C |
B. Crises de céphalées durant 4 à 72h sans traitement | B. Aura comprenant des troubles visuels, sensitifs et/ou du langage, tous entièrement réversibles, mais pas de symptôme moteur, basilaire ou rétinien |
C. Céphalées avec ≥ 2 caractéristiques parmi – Topographie unilatérale – Type pulsatile – Intensité modérée ou sévère – Aggravée par des efforts physiques de routine (ou entraîne leur évitement) |
C. ≥ 2 caractéristiques parmi – ≥ 1 symptôme de l’aura se développe progressivement (> 5mn) et/ou survenue successive des symptômes de l’aura – Chaque symptôme de l’aura dure 5-60 min – ≥ 1 symptôme unilatéral – Aura accompagnée, ou suivie dans les 60 min, par une céphalée* |
D. Céphalées accompagnée par ≥ 1 signe parmi – Nausées et/ou vomissements – Photophobie et phonophobie |
D. N’est pas mieux expliquée par un autre diagnostic, et un AIT a été exclu |
E. N’est pas mieux expliquée par un autre diagnostic | * La céphalée peut être identique à celle d’une MSA, de caractéristiques différentes voir absente (aura isolée) |
Note 1B : en pédiatrie, les critères de migraine sans aura sont les critères IHCD-3 β1.2. La seule différence avec les critères adultes est la limite inférieure de durée de crise, ramenée à 2 heures.
B ) Paraclinique
Imagerie cérébrale (TDM ou IRM) : Normale chez le sujet migraineux (exception : possible hypersignaux de la substance blanche aspécifiques dans les migraines avec aura).
D’autres examens peuvent être nécessaires dans le cadre de l’élimination d’une céphalée secondaire (bilan sanguin, PL). Cf fiche OD céphalée (non réalisée ce jour)
Migraine sans aura (TDM ± IRM et angio-IRM si TDM normal) :
– céphalée inhabituelle,
– anomalie clinique,
– début après 50 ans
Migraine avec aura (IRM) :
– aura atypique (basilaire ou motrice),
– à début brutal ou prolongée > 60 min,
– survenant toujours du même côté
– sans symptômes visuels
Chez l’enfant (IRM cérébrale injectée) 1B
– aura atypique (basilaire ou motrice)
– âge < 3 ans
C ) Diagnostic différentiel
Autres causes de céphalées primaires épisodiques ou de céphalée secondaire ++
Autres dg diff. des migraines sans aura
– Attaque de panique
– Causes d’HTIC aiguë avec céphalées paroxystiques (tumeurs intra-ventriculaires dont kyste colloïde du 3e ventricule)
Dg diff. de l’aura migraineuse
– AIT (accident ischémique transitoire) : déficit brutal, durant généralement < 30 min
– Crise d’épilepsie partielle : durée de quelques secondes ou minutes
« Migraine symptomatique » avec aura secondaire.
– Malformation artério-veineuse : souvent céphalée ipsilatérale et aura contro-latérale)
– Lupus, SAPL, thrombocytémie, CADASIL… : atypie sémiologique, signes généraux/focaux cliniques, anomalie IRM
A) Histoire naturelle
La chronologie (entre 2 crises) est très variée : il n’existe généralement pas de périodicité dans les migraines sans aura, tandis que les migraines avec aura peuvent être de fréquence variable, avec parfois des salves de crises sur quelques jours entrecoupées de longs intervalles libres.
L’intensité de la céphalée, la durée de la crise, la présence de signes associés et les auras peuvent se modifier au cours de la vie, elles tendent à s’améliorer au cours de la grossesse et après 50-60 ans.
B) Complications
Migraine « chronique » (souvent avec abus médicamenteux) : présentation sous forme d’une céphalée chronique quotidienne (CCQ) avec céphalées ≥ 15j / mois pendant ≥ 3 mois, dont ≥ 8j avec caractéristiques migraineuses
Etat de mal migraineux : persistance de la crise au-delà de 72h avec retentissement important sur l’état général
AVC : la migraine avec aura est un FdR indépendant d’AVC (RRx2)
A ) Bilan
Le bilan est uniquement clinique, avec recherche des facteurs déclenchants, les éventuels traitements antérieurs et évaluation de la fréquence des crises sur les 3 derniers mois.
Le suivi est réalisé par le médecin généraliste, une consultation en neurologie peut être nécessaire en cas de migraines rebelles à un traitement de crise bien conduit ou à un traitement de fond de 1ère ligne.
B ) Traitement
- Mesures générales
Réassurance, pathologie parfois handicapante mais bénigne
Régularité des repas et du sommeil
Consommation de caféine modérée, sans sevrage le week-end
Consommation d’alcool limitée
Tenue d’un agenda des crises surtout si un traitement de fond est mis en place
- Traitement de la crise (symptomatique)
Les molécules disponibles sont :
Aspirine et anti-inflammatoires
– Aspirine 900mg + métoclopramide 10mg (Migpriv ®)
– Ibuprofène
– Kétoprofène
– Autres AINS : efficaces mais hors AMM
Triptans (les plus efficaces) : almotriptan, élétriptan…
Posologie initiale d’une unité par jour, max 2/j, à limiter pour éviter une céphalée par abus médicamenteux (en pratique, pas plus de 8 jours par mois)
Dérivés de l’ergotamine (de moins en moins utilisés)
Notes :
– Les ergotés et les triptans sont des vasoconstricteurs, CI en cas d’ATCD vasculaire
– Les opioïdes ne sont pas recommandés (nausée, chronicisation de la migraine, addiction) de même que les antalgiques associés à la caféine
– Chez l’enfant 1B : le traitement de crise peut comporter paracétamol, AINS, Sumatriptan (en spray nasal, AMM > 12 ans). Objectif = soulagement en < 2h. Prévention de l’abus d’antalgiques (pas plus de 2j / semaine et 6j / mois)
Prescription initiale (3 premières crises ) : un triptan + un AINS sur la même ordonnance. Prise de l’AINS dès le début des céphalées, puis prise du triptan 1-2h après si besoin.
Prise du triptan d’emblée dans 3 situations :
– 3 premières crises ayant nécessité l’utilisation d’un triptan
– Intolérance ou CI aux AINS
– Crise sévère (triptan seul ou AINS + triptan d’emblée)
Si le triptan est inefficace : vérifier sa prise précoce OU changer de molécule OU associer un AINS d’emblée
Migraine avec aura : aspirine ou AINS dès que l’aura débute (écourte et diminue l’intensité de la céphalée). Prise du triptan comme pour la migraine sans aura (ne pas prendre de triptan avant le début des céphalées !)
Migraine rebelle au traitement / état de mal migraineux
– Sumatriptan SC
– En cas d’échec, hospitalisation et perfusion d’AINS + métoclopramide
– En cas de nouvel échec, perfusion de tricycliques (amitriptyline)
- Traitement de fond si crises fréquentes
L’objectif est la diminution de la fréquence des crises et du handicap associé. 1/3 des patients devraient être sous prophylaxie (sous-utilisée).
Indications : crises fréquentes (≥ 2-3 / mois depuis > 3 mois 1A, > 3-4 crises / mois 1B), sévères, longues, ou répondant mal au traitement de la crise
Modalités
– Augmentation très lente des doses afin d’éviter les effets secondaires
– Après une évaluation de 2-3 mois, s’il est efficace, le traitement est poursuivi 6 à 18 mois
Traitements médicamenteux avec AMM
– β-bloquants (propranolol, métoprolol) => 1ère intention ++
– Antisérotoninergiques (oxétorone, pizotifène)
– Antidépresseur (amitriptyline)
– Anticalcique (flunarizine)
– Anti-épileptique (topiramate)
Traitements de fond non-médicamenteux : relaxation, biofeedback, TCC (surtout si patient anxieux / tendance à l’abus d’antalgiques)
- Remarque : Contraception et grossesse
Contraception oestro-progestative : elle n’est pas CI de principe chez la migraineuse (effets variables), mais la migraine avec aura étant un FdR indépendant d’infarctus cérébral, on préfère une contraception purement progestative (ou un autre moyen de contraception).
Chez la migraineuse enceinte (ou souhaitant l’être) :
– Traitement de crise : paracétamol + AINS jusqu’à la 24e SA (aspirine et AINS CI au-delà)
– Traitement de fond : à ne pas débuter, si indispensable privilégier un β-bloquant ou l’amitriptyline, à arrêter avant l’accouchement
4 réponses à “Migraine”
Pour l’ICHD-3, voir le site officiel (en anglais) : The International Classification of Headache Disorders – 3e édition (ICHD-3)
L’IRM est indiqué devant des auras atypique (basilaire ou motrice) : seulement la première fois que cela arrive au patient, ou systématiquement à chaque crise ?
Le propanolol (avlocardyl) n’a plus l’air d’être sur le marché ??
Pour le tt de fond, le magnesium (200-600mg/j) pourrait être efficace. Source : RevMed
Essentiellement sur les migraines liée à la menstruation. Aucun effet chez 50% des patients. Attention, laxatif ! Source : migraine Quebec