1) Généralités 1
Déf : La myasthénie (« myasthenia gravis ») est une maladie auto-immune lié à un blocage des récepteurs de la plaque motrice. Le blocage est post-synaptique, par opposition au syndrome myasthénique de Lambert-Eaton.
Physiopathologie : le thymus joue souvent un rôle important dans le développement de l’auto-immunité myasthénique (voir pathologies associées)
Epidémiologie
– Atteint surtout les adultes jeune (60% des < 40 ans), mais possible à tout âge.
– Prédominance féminine avant 30 ans, masculine après 60 ans.
– Prévalence estimée à 50-200 / million 2
2) Diagnostic 1
« Le diagnostic est souvent difficile et longtemps méconnu » 1
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Syndrome myasthénique Réponse aux anticholinestérasiques |
Ac anti-RAC / MuSK Décrément à l’ENMG |
A ) Clinique
Syndrome myasthénique = fatigabilité musculaire : Déficit moteur fluctuant, lié à l’effort (apparaît ou augmente à l’effort, en fin de journée, se corrige au repos).
Le déficit moteur est sélectif, et atteint dans la myasthénie, par ordre de fréquence
– les muscles oculaires et palpébraux ++ (ptosis, diplopie binoculaire 2…)
– les muscles d’innervation bulbaire (voix nasonnée, fausse route, trouble de la mastication, muscles cervicaux…)
– les muscles des membres, axiaux et respiratoires
B ) Paraclinique
« La négativité de ce bilan ne rejette pas le diagnostic » 2
ENMG (électro-neuro-myogramme) : retrouve un décrément (diminution du potentiel évoqué musculaire ≥ 10% à la stimulation à 3 Hz), commun à tous les syndromes myasthéniques.
Auto-anticorps
Anti-RAC (récepteurs de l’acétylcholine)
– Présent dans 80% des myasthénies généralisées, 50% dans les formes oculaires
– Taux très élevé en cas de thymome malin
– Son taux est mal corrélé à la gravité de la maladie (inter-individuelle), mais est un reflet de l’évolutivité chez un même patient
Anti-MuSK (Muscle Spécific Kinase) : présent dans 40% des formes sans Ac anti-RAC
Formes séronégatives (Ac non-détectés par les techniques conventionnelles) : anti-RAC de faible affinité 1, anti-LRP4 2
CAT 2 :
– recherche d’anticorps Anti-RAC en première intention
– si négatif, anti-MuSK 2
– Si nég. et doute persistant / aggravation, répéter la recherche après quelques mois.
Test thérapeutique aux anticholinestérasiques IV
Méthode
– Test à réaliser en hospitalisation
– Administration de néostigmine (Prostigmine ®) ou d’edrophonium (en ATU) IV
– ± 0,5 mg d’atropine pour limiter le risque de complication
Résultat : positif si régression franche et rapide (< 5 mn pour l’edrophonium, < 30 mn pour la néostigmine) des symptômes, en particulier le ptosis
Complications : syndrome vagotonique, crise cholinergique
Note 2 : les tests aux anticholinestérasiques PO sont informatifs en plusieurs semaines mais sont tout à fait légitimes
C ) Diagnostic différentiel
Autres causes de syndrome myasthénique
– Auto-immun : syndrome myasthénique de Lambert-Eaton (Ac anti-canaux calciques, bloc présynaptique à l’ENMG)
– Toxiques et iatrogènes
. Botulisme (bloc présynaptique à l’ENMG)
. Venins de serpent
. Intoxication au Mg
. D-pénicillamine
. Chloroquine, interféron alpha/béta, anti-TNFalpha 2
. Organophosphoré (tentative de suicide) 2
– Génétique 2 : rares, 22 gènes identifiés (4 sous-unités du RAC, collagène Q, choline-acétyltransférase…)
Autres affections non myasthéniques 2
– Atteinte des muscles oculaires
. Diplopie : blépharospasme, paralysie faciale périphérique, sd de Claude Bernard Horner, ptosis sénile, méningiome… Importance de l’IRM cérébral !
. Diplopie du sujet jeune : SEP
. Ophtalmopathie basedowienne
– Atteinte des autres muscles faciaux et bulbaires
. Syndrome de Guillain-Barré
. Sclérose latérale amyotrophique (décrément possible à l’ENMG !)
. AVC
. Méningite
– Fatigabilité musculaire
. Psy / simulation
. Myopathie inflammatoire
. Pathologie mitochondriale
3) Evolution 1A
A) Histoire naturelle 2
Evolution chronique et capricieuse, par poussées entrecoupées de rémissions. L’atteinte max est souvent rapide, avant 3 ans d’évolution. On distingue plusieurs formes cliniques.
Maysthénie généralisée : Débute souvent par une atteinte oculaire isolée (ptosis ou diplopie), qui se généralise après 1an d’évolution dans 80-90% des cas.
Myasthénie oculaire (maladie localisée aux muscles occulaires après 2 ans d’évolution) : 15-20% des cas, gravité moindre
Forme avec anti-MuSK 1A : importance des atteintes bulbaires, avec amyotrophie des muscles de la langue. Crises myasthéniques fréquentes et graves ! Pas de pathologie thymique associée.
Forme néonatale 1A
– 10-25% des enfants de mère myasthénique, sans corrélation avec la gravité de la maladie maternelle
– Hypotonie avec troubles de la succion, de la déglutition, de la respiration
– Transitoire, de survenue très précoce (<24h, max 2j) et persistant jusqu’à 3 semaines, rarement jusqu’à 15 semaines
La gravité peut être classée selon le score de la Myasthenia Gravis Foundation of America (MGFA).
B) Complications
Crise myasthénique
– Dyspnée et encombrement d’évolution rapide
– Troubles sévères de la déglutition
– 2/3 de décès malgré la réanimation
Crise cholinergique lors d’un test thérapeutique à la prostigmine ou d’un surdosage en anti-cholinestérasique
– Effets muscariniques : hypersécrétion bronchique, intestinale, salivaire et sudorale
– Effets nicotiniques : fasciculations, crampes
!! Dans les 2 crises, possible détérioration motrice et respiratoire aigüe 2 !!
4) PEC
A ) Bilan initial 2
bilan |
Recherche d’une pathologie associée Pathologie thymique : Scanner thoracique, à la recherche de Pathologies auto-immunes (thyroïdienne dans 15% des cas ; autre dans 5% 1A) |
B ) Traitement 1A
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Mesures générales
– ALD 100 %
– Port d’une carte de myasthénie
– Connaissance par le patient et le médecin des traitements contre-indiqués (se référer au VIDAL au moindre doûte, liste non-exhaustive ci-dessous)
CI absolues 2 | CI relatives 2 |
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Aminosides, macrolides, fluoroquinolones β-bloquants même locaux Curarisants 1A D-pénicillamine Magnésium Polymyxine et cyclines injectables Procaïnamide Quinine, quinidine, chloroquine |
Benzodiazépines Carbamazépine Curarisants 2 : certaines molécules sont utilisables (atracurium) Lithium Phénothiazines et neuroleptiques Progestérone 1A Vérapamil 1A |
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Traitement symptomatique
Anti-cholinestérasiques : pyridostigmine (Mestinon ®) ou ambénonium (Mytelase ®)
– Prises pluri-quotidiennes PO (durée d’action de 4-5h)
– Posologie à augmenter progressivement jusqu’à dose optimale (à adapter selon le patient et son activité physique)
– Efficacité moindre, voire intolérance dans les formes avec anti-MuSK.
– Traitement classique des formes néonatales
IgIV ou échanges plasmatiques « pour passer un cap difficile » (crise myasthénique, poussée évolutive)
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Traitement de fond
Corticothérapie (aggravation transitoire possible la 1ère semaine)
Immunosuppresseurs : azathioprine, mycophénolate-mofétil
Thymectomie : en particulier chez le sujet jeune, en cas de forme généralisée récente ou en cas de thymome (non-indiquée dans les formes avec anti-MuSK)
4 réponses à “Myasthénie”
Le score MGFA est disponible en francais à la fin de la ref HAS (annexe 4) ou en anglais ici
La partie traitement, présenté ici de manière succinte, est très bien détaillée dans le PNDS de l’HAS ! (initiation du traitement, surveillance, etc…)
La diplopie est binoculaire non?
Effectivement ! C’est corrigé, merci !