1) Généralité 1A
Déf 1B : parasitose essentiellement tropicale due à des protozoaires hématozoaires du genre Plasmodium.
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Epidémiologie
1ère endémie tropicale dans le monde
– 4000 cas d’importation / an en France
– 95% contractés en Afrique subsaharienne
– 90% à P. falciparum
Mode de transmission :
– piqûre de l’anophele femelle, classiquement à partir du coucher du soleil (activité maximale de 23h-6h)1B
– transmissions post-transfusion et post-transplantation possibles
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Parasitologie 1B
Agent pathogène : 5 espèces pathogènes : P. falciparum, P. vivax, P. ovale, P. knowleski et P. malariae . Réservoir strictement humain sauf P. knowleski (singe)1A
Plasmodium falciparum
– Espèce la plus répandue ++ (tous les continents, zones intertropicales ++)
– Responsable de formes cliniques graves voire mortelles
– Développe des résistances aux antipaludiques
– Ne se transmet pas en dessous de 18°C
Plasmodium vivax
– Répandue en Amérique du Sud et en Asie +++ ; rare en Afrique
– 2e espèce la plus répandue
– Ne se transmet pas en dessous de 15°C
– Accès de reviviscence possibles
Plasmodium ovale
– Afrique intertropicale du centre et de l’ouest ++ ; certaines régions du pacifique
– Rechutes tardives possibles (5 ans)
Plasmodium malariae : sévit de façon sporadique sur les trois continents tropicaux
Plasmodium knowlesi : sévit en Asie du Sud-Est ++ (zone forestière, lié à la répartition des singes macaques)
Cycle du parasite
Le cycle de vie des plasmodium (groupe des parasites Apicomplexa) est complexe, il comporte un cycle asexué = schizogonique dans l’hôte humain, et un cycle sexué chez l’anophèle. Les manifestations du paludisme sont liées à la schizogonie érythrocytaire, provoquant un tableau d’anémie hémolytique.
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
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Fièvre au retour d’une zone endémique | Frottis + goutte épaisse |
Toute fièvre au retour d’un pays d’endémie est un paludisme jusqu’à preuve du contraire.
A ) Clinique 1B
Incubation
– 7 à 12 jours : P. Falciparum
– 10 jours à 2 mois (Reviviscence jusqu’à 4 ans) P. vivax et P. ovale
– 15 jours à plusieurs années : P. malariae
– 1 semaine (?) : P. knowlesi
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Accès palustre
Phase prodromique: lassitude, troubles digestifs
Accès palustre simple à fièvre périodique : triade classique, apparition le soir ++
– Frissons : violents, fièvre ≥ 39°C, malade blottit sous les draps, diminution de la tension artérielle, splénomégalie et ictère1A (durée : environ 1 heure)
– Chaleur : fièvre ≥ 40°C, peau sèche et brûlante, le malade rejette les draps, céphalées, douleurs abdominales, myalgie1A (durée : 3-4 heures)
– Sueurs : elles sont profuses et baignent le malade, émission d’urines foncées, chute de la température (voire hypothermie), remontée de la TA (durée : 2-4 heures)
Fin de l’accès : sensation d’euphorie, de bien être
Périodicité de l’accès fébrile
– Fièvre tierce (J1-3-5) pour P. falciparum, vivax et ovale
– Fièvre quarte (J1-4-7) pour P. malariae
– Fièvre quotidienne : P. knowlesi
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Autres formes
Paludisme viscéral évolutif : forme chronique observée chez l’enfant ou l’adulte non-prémuni et/ou mal traité, associant signes d’anémie, retard staturo-pondéral et faible parasitémie.
Splénomégalie palustre hyper-réactive : surtout chez l’adulte autochtone de zone impaludée. Maladie à complexes immuns avec hypersplénisme (chute des 3 lignées sanguines)
Formes graves : cf. complications.
! Tout accès palustre peut évoluer en quelques heures en forme grave !
Particularités chez l’enfant 1C
– Fréquence des convulsions, troubles de la conscience 1B , hypoglycémies et anémies
– Ictère, insuffisance rénale et hyper-parasitémie sont rarement observés
– Formes trompeuses : fièvre inconstante, troubles digestifs +++, abdomen pseudo-chirurgical 1B
B ) Paraclinique
Frottis sanguin / goutte épaisse ++++ (résultat dans les 2h)
– Gold standard
– Identification de l’espèce et quantification de la parasitémie
– A répéter à H12 si la 1ère recherche est négative, notamment sous prophylaxie 1C
Test de diagnostic rapide TDR : détection des antigènes HRP2 jusqu’à 3 semaines après inoculation, ou pHDL. Sensibilité > 95%. Pas d’expertise particulière, mais sensibilité dépendante de la parasitémie
Sérologie dans des indications particulières 1B
– Diagnostic rétrospectif et enquêtes épidémiologiques
– Diagnostic d’une forme viscérale évolutive (élévation modérée IgG) ou d’une splénomégalie hyper-réactive (sérologie fortement positive à IgG et IgM)
– Contrôle des donneurs de sang ou d’organe à risque
Signes biologiques d’orientation
– NFS plaquettes : thrombopénie quasi-constante, ± anémie régénérative et leucopénie sans hyperéosinophilie
– Syndrome inflammatoire biologique (CRP > 100 le plus souvent)
– Signes d’hémolyse (augmentation des LDH et bilirubine libre, haptoglobine basse)
– Signes de cytolyse hépatique (prédominant sur les ASAT) inconstants
C ) Diagnostic différentiel
Cf étiologies des fièvre aiguës (item 144) et au retour de voyage en zone tropicale (item 171).
3) Evolution 1B
A) Histoire naturelle
Dans les zones d’endémie, une immunité acquise (plutôt « prémunition » ou « semi-immunité ») se met lentement en place en cas d’exposition continue, non-stérilisante mais empêchant la survenue de formes graves.
! Perte progressive de l’immunité en zone tempérée, en 2-3 ans chez un sujet transplanté !
Les enfants de 4-6 mois sont les plus à risque de forme grave après la perte de l’immunité passive maternelle.
B) Complications
Neuropaludisme
– Début brutal : fièvre, coma, convulsion ± détresse respiratoire
– Phase d’état : hypotonie + signes précédents, atteinte multiviscérale
– Mortalité préoccupante malgré la prise en charge (5-10%)
Sepsis / choc septique / défaillance multiviscérale
Chez le fœtus (en particulier 1e et 2e-pare) : fausse couche et l’hypotrophie néonatale, une co-infection VIH favorise la transmission des 2 infections.
4) PEC 1A
A ) Bilan initial
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Recherche de signe de gravité
La présence d’un signe de gravité nécessite l’avis d’un réanimateur
Critère clinique | Critère bio-radio |
Trouble neuro : obnubilation, confusion, somnolence, coma avec score de Glasgow < 11 Trouble CV : signes périph. d’insuffisance circulatoire , PAS < 80 mmHg Trouble respi : PaO2 < 60 mmhg, SpO2 < 92% en air ambiant, FR > 30 / min (si ventilation : PaO2/FiO2 < 300 mmHg) Hémorragie Ictère clinique Diurèse < 400mL/J malgré hydratation 1B |
Hyperlactatémie > 2 mmol/L Hyperbilirubinémie totale > 50µmol Hyperparasitémie > 4% ** Anémie profonde : Hb < 7 g/dL – Hte < 20% Hypoglycémie < 2,2 mmol/L Acidose métabolique (compensée ou non) bicar < 15 mmol/L – pH < 7,35 Insuffisance rénale aigüe : créat > 265 μmol/L – urée > 17 mmol/L1B Sd interstitiel/alvéolaire radiologique (thorax) |
** Pour P. Falciparum. Le critère d’hyper-parasitémie est ramené à 2% pour P. Knowleski, et ne doit pas être pris en compte pour P. Vivax (dépasse rarement 2%).
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Recherche d’un critère d’hospitalisation
Les conditions permettant un traitement ambulatoire sont rarement remplis. On décidera d’une hospitalisation s’il existe :
– 1 signe de gravité (ci-dessus)
– 1 FdR de gravité lié au terrain : jeune enfant et sujet âgé, grossesse, immunodépression et splénectomie, comorbidité…
– 1 signes biologique parmi : thrombopénie < 50.000, Hb <10 g/dL, parasitémie > 2%, créat > 150 µmol/L
– des difficultés diagnostiques (fiabilité, rapidité)
– si le traitement ambulatoire est compromis : malabsorption (traitement po), difficultés psychosociales, personne éloignée d’un centre hospitalier ou vivant seul…
– en cas d’échec d’un premier traitement
B ) Traitement
Antipaludiques : le choix de la molécule dépend de l’espèce en cause, de la gravité et du contexte clinique (vomissements en particulier empêchant le traitement PO). Une fiche détaillée sur les antipaludiques est disponible sur cette page. Principales molécules utilisées en France :
CAT | P. falciparum / knowleski grave | P. falciparum / knowleski non-grave | P. vivax, ovale ou malariae |
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1ère intention | Artésunate à H0, 12 et 24 puis toutes les 24h pendant 3j |
Dérivés artémisinine | CQ ou dérivés artémisinine (à préférer si infection mixte ou P. Vivax importé de zone de résistance à la CQ) Primaquine dès le 1er accès à P. Vivax ou Ovale (ATU, prévient les récidives) |
2nde intention | Q idem forme non-grave avec vomiss. + dose de charge | AVP Q per os 3e intention |
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Cas particuliers | – | Vomissements : Q en IV lente ou IVSE dans du G5%, 24 mg/kg/j, puis relai PO dès que possible Enfant : MQ utilisable en 2ème intention Grossesse : dérivés de l’artésunate CI au 1er trimestre, Q ou AVP en 1ere intention |
Légende :
– AVP = Atovaquone-proguanil
– Dérivés de l’artémisinine : dihydroartémisinine-pipéraquine, et artéméther-luméfantrine, voie PO
– Q = Quinine voie PO ou IV
– MQ = Méfloquine voie PO, longue demi-vie
– CQ = Chloroquine voie PO
– Artésunate voie IV : maximum 7j, relai PO par dérivé d’artémisine après > 2 doses
Mesures complémentaires :
– déclaration obligatoire des cas autochtones
– arrêt de la chimioprophylaxie une fois l’accès traité
C) Suivi
Clinique : température, troubles digestifs
Biologique :
– Biologique
– Parasitologique (frottis-goutte épaisse à J3, J7, J28)
– Recherche d’hémolyse retardée liée à l’artésunate jusqu’à 1 mois
D) Prévention
Elle comporte 3 volets : des mesures anti-piqûre, la prophylaxie médicamenteuse et l’information aux voyageurs en zone d’endémie.
Protection contre les anophèles ++
– Peau couverte, moustiquaires, répulsifs et insecticides
– Répulsifs cutanés CI avant l’âge de 6 mois, utilisation prudente jusqu’à 30 mois 1C
Chimioprophylaxie : ces molécules ou associations sont à prendre quotidiennement au cours du repas pendant tout voyage en zone d’endémie, sauf pour la méfloquine (prise hebdomadaire), et prolongé après le voyage. Elles ne préviennent pas à 100 % la contamination, et sont à choisir selon les risques spécifiques du patient et les données épidémiologiques du pays visité.
Molécule | Modalités d’utilisation | CI 1C |
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Atovaquone-proguanil | Prise quotidienne ; Séjour + 1 semaine | Poids < 11 kg, 5 kg en pratique |
Méfloquine | Prise hebdo, 10j avant + séjour + 3 semaines | Poids < 15 kg, ATCD psy ou neuro |
Doxycycline | Prise quotidienne ; Séjour + 4 semaines | Age < 8 ans |
Education sanitaire : consulter en cas de fièvre ++
4 réponses à “Paludisme”
excellent site
Message ASNM concernant la mefloquine (Lariam) :
« Le Lariam ne devra ainsi être envisagé qu’en dernière intention dans la chimioprophylaxie du paludisme »
« L’utilisation du Lariam est contre-indiquée en chimioprophylaxie chez les patients présentant ou ayant présenté des troubles psychiatriques (dépression, anxiété généralisée, idées suicidaires….) ou des antécédents de convulsions. »
Merci beaucoup, ce sera intégré lors de la prochaine mise à jour 🙂
Dans les complications, ajouter CIVD (cf fiche)