1) Généralité 1A
Déf : inflammation chronique du pancréas
Physiopathologie :
La douleur de pancréatite chronique (PC) peut avoir plusieurs origines
– Hyperpression canalaire et/ou tissulaire
– Inflammation
– Infiltration (péri-)pancréatique, sensibilisation nerveuse
– Pseudo-kyste
L’inflammation
– Commence par le tissu exocrine puis s’étend au tissu endocrine ;
– Entraine une fibrose progressive du parenchyme pancréatique + destruction ± complète de la glande pancréatique.
Epidémiologie : prévalence de 25/100.000 habitants, sex-ratio masculin (4:1)
Etiologies / FdR : les pourcentages représentent la fréquence du FdR dans les PC avérées (vert) ou la fréquence de la PC dans le contexte décrit (rouge)
– Alcool > 100-150 g/j pendant > 10 ans (70-85% / 5%)
– Tabac (80%)
– Hypercalcémie > 3 mmol/L (hyperparathyroïdie 1e cause : 1% / 7%)
– PC auto-immunes (type 1 = maladie des IgG4, type 2) : parfois associées à d’autres MAI, MICI en particulier
– PC obstructives : sténose, trauma, malformation, compression tumorale du Wirsung
– Mutation site autocatalytique de la trypsine : auto. dominante, révélation avant 15 ans
– Autres causes génétiques (mutation SPINK1 ou CFTR) : auto. récessives, révélation avant 35 ans
– PC idiopathique (10%)
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
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Pancréatite aiguë à répétition douleur abdo chronique |
Imagerie (TDM / CPRM / écho-endoscopie) : calcifications +++ et/ou anomalies canalaires ± Biopsie : fibrose |
A ) Clinique
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Anamnèse
Terrain
– Homme adulte de 40 ans
– Notion de pancréatite aiguë
Signe fonctionnel
Douleur abdo de profil varié : épigastrique et transfixiante, déclenchée par la prise alimentaire ou d’alcool, elle peut être liée à la PC simple ou à une complication (pancréatite aigüe, kyste, sténose).
Amaigrissement : lié à l’appréhension alimentaire ± à la dénutrition alcoolique, et à l’insuffisance pancréatique exocrine dans un 2nd temps.
-
Examen physique
Douleur épigastrique à la palpation 0
B ) Paraclinique
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Imagerie +++
Echographie : ne visualise pas l’intégralité du pancréas dans 1/3 des cas
– Calcifications
– Pseudo-kystes voire anomalies canalaires
TDM ± injecté : 1ère intention
– Meilleur examen pour les calcifications en non-injecté
– Elimine les différentiels et détecte les complications
CPRM (cholangio-pancréatographie par résonance magnétique) : examen de référence pour la cartographie canalaire biliaire
– Ne visualise pas les calcifications
– Moins performante que le TDM pour les anomalies parenchymateuses
Echo-endoscopie : en 3ème intention
– Très bonne sensibilité pour les anomalies du parenchyme et des canaux (mais spécificité discutée)
– Identifie des causes non-alcooliques de pancréatite : lithiase biliaire, tumeur
– Méthode de traitement des pseudo-kystes
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Histologie : biopsie pancréatique
Rarement pratiquée en l’absence de tumeur.
La biopsie peut apporter la preuve formelle de PC en cas de fibrose.
3) Evolution 1A
A) Histoire naturelle
L’évolution se fait sur une période de 15-20 ans
Evolution | Symptômes |
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5 premières années | Douleurs chroniques (80%), poussées de PA Pseudo-kystes, cholestase |
5-10 ans | Diminution des phénomènes douloureux Pseudo-kystes, cholestase |
Après 10 ans | Calcification et fibrose pancréatique, disparition des douleurs Progression de l’insuffisance exocrine à bas bruit initialement |
Après 15 ans | Insuffisance exocrine et diabète ++ |
B) Complications
Poussées de pancréatite aigüe PA (40-50% des PC dans les 5 premières années) : élévation de la lipasémie ± TDM
Pseudo-kystes (20-40% des PC)
– Formation par rétention canalaire ou par nécrose lors d’une poussée de PA.
– Leur évolution peut se faire vers une régression, ou se compliquer (compression locale, infection, hémorragie, rupture)
Compressions locales par fibrose / inflammation / pseudo-kyste
– VBP intra-pancréatique : cholestase anictérique ++, ictère rare, prurit exceptionnel
– Compression duodénale (occlusion organique haute 0)
Hémorragies digestives : 10 % des PC, plusieurs mécanismes
– Wirsungorragie sur érosion vasculaire
– Rupture de pseudo-kyste / pseudo-anévrisme
– Compression veineuse (10 % des PC) : HTP segmentaire, rupture de varice cardio-tubérositaire
Insuffisance pancréatique exocrine
– Clinique : amaigrissement, stéatorrhée (= débit lipidique fécal > 7g/j pour un apport de 100g) dans les formes très évoluées avec destruction de >90 % du tissu exocrine
– Bio : élastase fécale effondrée +++
Insuffisance pancréatique endocrine = diabète secondaire (1/3 après 15 ans d’évolution)
ADK pancréatique : risque absolu <5 %, pas de surveillance particulière
Autres complications de l’alcoolo–tabagisme : principale cause de surmortalité !
– Néoplasie ORL, pulmonaire, oesophagienne
– HTA, athérome
– Hépatopathie alcoolique : risque de cirrhose de 10-20 % dans ce cas
Pronostic : la surmortalité est >30 % en cas de PC alcoolique après 10-20 ans d’évolution. Dans ce cas elle est plus souvent liée aux complications propres de l’alcoolo-tabagisme (cancers, affections cardio-vasculaires) qu’aux complications de la PC (1/4 à 1/3 des cas)
4) PEC 1A
A ) Bilan initial
Le bilan en cas de poussée aiguë est décrit dans la fiche Pancréatite aiguë.
Bilan |
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Bilan des complications – GGT et PAL (compression de VBP) – Glycémie à jeûn, Hb glyquée (diabète) |
Bilan étiologique : GGT et VGM (alcoolisme), données d’imagerie |
B ) Traitement
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Mesures hygiéno-diététiques
Sevrage en alcool : 1ère préoccupation du clinicien, efficace sur les douleurs dans 50 % des cas, limite les complications chirurgicales / endoscopiques, et le risque d’hypoglycémie au stade de diabète
Sevrage en tabac : divise par 2 le risque de PA, limite la surmortalité
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Traitement de la douleur
Douleur multifactorielle et souvent difficile à traiter, PEC dans une unité spécialisée si possible!
Médicaments
– Palier 1 ou 2 en première intention
– Les palier 3 sont réservés à l’usage hospitalier lors des crises aiguës (risque d’addiction supplémentaire)
– Douleurs neuropathiques : anti-inflammatoires, prégabaline
Traitements instrumentaux : permettent de baisser la pression canalaire avec une efficacité de 80 %
– Dérivation chirurgicale du canal pancréatique principal si sont diamètre dépasse 5mm
– Sphinctérotomie endoscopique avec pose de prothèse ± prolongée
– Résection chirurgicale dans les cas non-contrôlés par traitement médical ou endoscopique
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Traitement des complications
Insuffisance pancréatique exocrine (lipasémie ++, stéatorrhée / amaigrissement)
– Extraits pancréatiques à prendre au cours du repas, à posologie adaptée à la charge calorique
– ± IPP en cas d’inefficacité
Pseudo-kystes
– Drainage endoscopique 1ère intention : via la papille principale, ou à travers une paroi (estomac, duodénum)
– Dérivation ou résection chirurgicale en cas d’échec
Sténoses biliaires : dérivation chirurgicale cholédoco-duodénale ou jéjunale
Diabète : cf. item dédié