1) Généralités 2
Déf : la pemphigoïde cicatricielle (PC) est une dermatose bulleuse auto-immune sous-épidermique.
Immunopathologie
– Hétérogénéité immunopathologique +++ ⇒ polymorphisme clinique
– Différents autoanticorps circulants peuvent cibler un même autoantigène chez un même patient
– Pourtant, pour un phénotype clinique commun à plusieurs patients, différentes cibles antigéniques ont été identifiées
– Dépôts d’IgG, d’IgA et/ou de C3 sur la membrane basale épidermique 3
– Cibles antigèniques
. PB180 ++
. BP230
. sous-unité β des laminines 5 et 6 (20% des patients)
. sous-unité β4 de l’intégrine
. collagène VII
. autoanticorps de classe IgA dirigés contre une molécule de 45 kDa (PC oculaires strictes)
. cible antigénique de 168 kDa
– L’inflammation observée ⇒dommages tissulaires responsables d’une exposition d’épitopes antigéniques jusqu’alors non exposés (phénomène de diffusion d’auto-réactivité « epitope spreading »)
– Ce phénomène est responsable d’une réponse immunitaire spécifique humorale et cellulaire
– Les lymphocytes T auto-réactifs sont impliqués dans le relarguage de cytokines pro-inflammatoires puis pro-fibrosantes au cours de la PC
Épidémiologie 3
– Affection rare 1
. Incidence en France (donnée de 2005) : 70 nouveaux cas
– Affection du sujet âgé +++ (âge moyen : 60-70 ans)
– Prédominance féminine
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Lésions bulleuses et érosives | Immunofluorescence directe Immunomicroscopie électronique |
A ) Clinique
-
Anamnèse
Terrain
– terrain immunogénétique
– présence de l’allèle HLA-DQB1*0301
Signes fonctionnels
– Douleurs
– Odynophagie (en cas d’atteinte pharingo-laryngée)
-
Examen physique
PC classique
– Atteinte de la muqueuse buccale (80-90% des cas)
. tableau de gingivite érosive
. bulles intra-buccales rares : palais, langues ou gencives
. les bulles laissent place à des érosions chroniques souvent douloureuses
. aspect d’érosions recouvertes de pseudo-membranes
. signe de la pince ++ : la traction de l’une de ces pseudo-membrane avec une pince type Moria fait apparaître une érosion post-bulleuse (témoigne de la fragilité de la zone de jonction dermo-épidermique)
– Atteinte oculaire (50-70% des cas)
. réalise une conjonctivite chronique et synéchiante d’abord unilatérale, puis bilatérale, résistant aux traitements locaux
– Atteinte pharyngo-laryngée (8-20% des cas)
– Atteinte génitale (15% des cas)
. chez l’homme : tableau de balanite érosive et synéchiante
. chez la femme : lésions érosives post-bulleuses responsables de brûlures et dyspareunies. brides vulvaires à un stade avancé.
– Atteinte œsophagienne (rare)
. s’y associent des lésions du tractus aérodigestif
– Lésions cutanées (25% des cas)
. peu nombreuses
. érosions chroniques de quelques mm à plusieurs cm de diamètre
. présence de grains de milium et de cicatrices atrophiques déprimées
. topographie : tête et cou +++, thorax (atteinte du cuir chevelu : alopécie cicatricielle)
Formes cliniques
– Dermatose avec atteintes muqueuses multiples ± rares lésions cutanées
. atteinte d’une seule muqueuse parfois : formes avec atteinte buccale (gingivite érosive) ou oculaire isolées
– PC paranéoplasique (lorsque associée aux autoanticorps anti-laminine-5)
– PC cutanée pure (atteinte cutanée exclusive)
. bulles et/ou érosions touchant la tête et le cou
B ) Paraclinique
Histologie
– Bulle cutanée ou muqueuse sous épidermique sans acantholyse, ni nécrose du toit
– Plancher siège d’un infiltrat de polynucléaires neutrophiles et/ou éosinophiles
– Mise en évidence du clivage en cas de biopsie sur zone bulleuse et non érosive
Immunofluorescence directe
– Examen de référence
– Biopsie de peau ou de muqueuse péri-lésionnelle
– Montre des dépôts linéaires, continus d’IgG et/ou de C3 le long de la membrane basale, souvent associés à de l’IgA
– Plus souvent positive sur les biopsies de muqueuses que de peau.
Immunomicroscopie électronique : met en évidence des dépôts épais d’anticorps au niveau de la lamina lucida et de la lamina densa
C ) Diagnostic différentiel
– Pemphigoïde bulleuse
– Pemphigus vulgaire
– Erythème polymorphe
– Lichen plan
– Balanites ou vulvites synéchiantes non auto-immunes
3) Evolution 2
A) Histoire naturelle
– La PC évolue par poussées évolutives sur un fond chronique.
– Retard diagnostic considérable ⇒ souffrance psychologique et physique (consultations répétées, examens multiples et traitements infructueux sans diagnostic)
B) Complications
– Atteinte oculaire : cécité (5-20% des cas)
– Atteinte laryngo-pharyngée : fistulisation sur ulcères pharyngées
– Atteinte œsophagienne : sténose œsophagienne
4) PEC 2
A ) Bilan initial
bilan |
Clinique – Faire le bilan de l’ensemble des atteintes (muqueuses et/ou cutanées) – Rechercher les complications – Classification en stade de l’atteinte oculaire . Stade I et II : conjonctivite érythémateuse . Stade III : conjonctivite synéchiante avec symblépharon et diminution de l’ouverture de la fente palpébrale . Stade IV : pronostic fonctionnel fortement engagé avec apparition d’opacités cornéennes et un tableau d’ankyloblépharon |
Bilan pré-thérapeutique (dapsone) – dosage G6PD – NFS et taux de méthémoglobinémie |
B ) Traitement
Pemphigoïde cicatricielle sans atteinte oculaire
– Dapsone en 1ère intention
. Posologie de 100-150 mg/jour pendant 3-6 mois1D’après « thérapeutique dermatologique » il est mis 50-100 mg/jour..
. Traitement d’entretien correspondant à 75% de la posologie d’attaque (durée très variable selon les patients)
– En cas d’échec, de mauvaise tolérance ou d’efficacité insuffisante de la dapsone
. association avec les cyclines
. remplacement de la dapsone par la sulfasalazine : 1g/jour pendant 1-2 mois
– Corticothérapie générale
. utilisée de façon ponctuelle lors de poussées inflammatoires
. en général : prednisone 0.5 mg/kg/J
– Les immunosuppresseurs sont réservés aux formes résistantes (cyclophosphamide per os, ou mycophénolate mofétil)
Pemphigoïde cicatricielle avec atteinte oculaire 3
– Forme avec conjonctivite simple : idem forme sans atteinte oculaire
– Episodes aigus, évolution synéchiante rapide : recours aux immunosuppresseurs
. cyclophosphamides per os (Endoxan® 0.5-2 mg/kg/jour) ou en bolus si fonction visuelle rapidement menacée
– Corticothérapie générale : associée en début de traitement (prednisone 1mg/kg/jour)
– En cas d’efficacité insuffisante : immunoglobulines intraveineuses
. perfusion intraveineuse de 2 à 3 g/kg d’Ig IV par cycles de 3 jours, chaque cycle étant répété toutes les 2 à 6 semaines
C) Suivi
suivi |
Surveillance clinique rapprochée en début de traitement ou lors des poussées de la maladie – dépister au plus tôt une atteinte oculaire débutante . surveillance ophtalmologique mensuelle en cas d’atteinte oculaire – examen de tous les téguments et muqueuses |
Surveillance paraclinique du traitement – NFS et taux de méthémoglobinémie (dapsone) . 1 fois / semaine le 1er mois . 1 fois / mois en entretien pendant 6 mois |