1) Généralités 1
Déf 2 : maladie bulleuse auto-immune intra-épidermique et/ou intra-épithéliale
Physiopathologie 2
– Autoanticorps dirigés contre la desmogléine 1 (Dsg1, pemphigus superficiel) et/ou desmogléine 3 (Dsg 3, pemphigus vulgaire), protéines transmembranaires constitutives des desmosomes
– Ces anticorps sont responsables de l’acantholyse et du clivage intra-épidermique 1
Épidémiologie 3 : affection rare : 1-2 cas / million d’habitants / an en France
Types
On distingue
– Pemphigus vulgaire (PV) ou profond : le clivage est profond, supra-basal
– Pemphigus superficiels (PS) : clivage superficiel, sous-corné
– Pemphigus paranéoplasique (PPN)
Etiologies
– Peuvent être déclenchés par des médicaments contenant un groupe thiol
. D-pénicillamine
. Captopril
. Thiopronine
. Pyrithioxine
– Autres molécules
. Piroxicam
. bêtabloquants
. phénylbutazone
. rifampicine
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
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Lésions bulleuses et érosives | Immunofluorescence directe (IFD) Anticorps sériques antipeau Anticorps anti-desmogléines 1 et 3 |
A ) Clinique
-
Anamnèse
Facteurs favorisants
– Alimentation riche en ail ou en oignon
– Evènements de vie traumatisants
Signe fonctionnel
– ± prurit
– ± douleurs 3
-
Examen physique
Pemphigus vulgaire (profond)
– Débute par des lésions muqueuses ++
. atteinte buccale : érosions douloureuses, traînantes, pouvant gêner l’alimentation
. atteinte génitale et oculaire (moins fréquentes que l’atteinte buccale)
. érosions œsophagiennes et rectales
– Atteinte cutanée (plusieurs semaines ou plusieurs mois après les érosions muqueuses)
. bulles flasques à contenu clair
. siège en peau non érythémateuse
. laisse place rapidement à des érosions post-bulleuses cernées par une collerette épidermique
. lésions pouvant être localisées ou généralisée
. distribution : localisées ou généralisées, prédomine aux points de pression, dans les grands plis, sur le visage et le cuir chevelu, de même qu’au niveau des extrémités.
– Signe de Nikolsky (décollement provoqué par le frottement cutané) : en peau péri-bulleuse et ± en peau saine
– Atteinte unguéale
– Forme clinique : pemphigus végétant (évolution végétante des lésions et disposition en regard des grands plis)
Pemphigus superficiel (PS)
– Regroupe le pemphigus séborrhéique et le pemphigus foliacé 1La source « Thérapeutique dermatologique » définit plutôt 4 variantes : séborrhéiques, érythémateux, foliacés et herpétiformes..
– Atteinte cutanée
. bulles très fugaces remplacées par des lésions squamo-croûteuses
. topographie : zones séborrhéques (thorax, visage, cuir-chevelu, région interscapulaire) pour le pemphigus séborrhéique ; localisation diffuse dans le pemphigus foliacé
– Pas d’atteinte muqueuse
– Signe de Nikolsky positif
– Forme sévère : tableau d’érythrodermie squameuse 1
Pemphigus paranéoplasique (PNP)
– Contexte de prolifération maligne notamment hémopathie lymphoïde (lymphome non Hodgkinien), thymome ou maladie de Castelman
– Atteinte muqueuse
. initiale parfois isolée
. érosions traînantes et douloureuses donnant lieu à une dysphagie
. atteinte conjonctivale : conjonctivite pseudomembraneuse
. atteinte génitale
. atteinte du pharynx, fosses nasales, muqueuses œsophagienne et intestinale
– Atteinte cutanée polymorphe
B ) Paraclinique
Histologie
– Prélèvement cutané contenant une bulle intacte et récente
– Montre une acantholyse avec clivage intra-épidermique supra basal (pemphigus vulgaire) ou dans la couche granuleuse (pemphigus superficiels)
– La présence de kératinocytes nécrotiques et un dépôt associé d’IgG linéaire sur la jonction dermo-épidermique : suspicion d’un forme paranéoplasique +++ 3
Immunofluorescence directe (IFD)
– Prélèvement cutané en peau péri-bulleuse
– Mise en évidence de dépôts d’IgG et de C3 à la surface des kératinocytes prenant un aspect en « résille » ou en « maille de filet » dans les cas de pemphigus superficiel.
. ces dépôts sont parfois associés à des dépôts linéaires d’IgG et parfois de C3 le long de la jonction dermo-épidermique, évocateurs de pemphigus paranéoplasique
Immunofluorescence indirecte : Recherche d’anticorps anti-épiderme/anticorps anti-substance intercellulaire
Test ELISA
– Recherche d’anticorps anti-desmogléine 1 (pemphigus superficiel et pemphigus vulgaire avec lésions cutanées)
– Recherche anti-desmogléine 3 (pemphigus vulgaire avec lésions muqueuses)
C ) Diagnostic différentiel 0
Devant les lésions bulleuses : autres dermatoses bulleuses
Devant le pemphigus paranéoplasique 3
– Eruption lichénoïde
– Erythème polymorphe
3) Evolution 3
– Retentissement fonctionnel grave des lésions muqueuses buccales, ORL, génitales et anales
– Surinfection des érosions (herpès virus +++)
– Complications iatrogènes (immunosuppresseurs et/ou corticoïdes)
. infections systémiques (germes opportunistes inclus) : mortalité liée aux infections +++ avec risque de décès estimé à 5-10% dans les 1ères années d’évolution
. morbidité associée aux fortes doses de corticoïdes invalidante ++ : myopathie, diabète, ostéonécrose, ostéoporose, etc.
4) PEC 2
A ) Bilan initial
bilan |
Evaluation clinique – Etendue des lésions cutanées et muqueuses – Nombre de muqueuses atteintes – Evaluer la gêne fonctionnelle (dysphagie, perte de poids) |
Paraclinique (selon le point d’appel) – Electrophorèse des protéines (suspicion de PNP) – Panoramique dentaire systématique si atteinte buccale – Epreuves fonctionnelles respiratoires (si diagnostic de PNP) – Scanner abdomino-pelvien-thoracique (si diagnostic de PNP) – Fibroscopie digestive haute – Coloscopie, anuscopie |
B ) Traitement
-
Pemphigus peu sévères
– Pemphigus superficiel peu étendu (lésions cutanées < 5% de surface corporelle)
– Pemphigus vulgaire avec atteinte buccale peu étendue et lésions cutanées modérées (< 5%)
– Score PDAI < 15
Pemphigus superficiel
En 1ère intention
– Dapsone
. début à 50-100 mg/jour puis adaptation de la posologie (selon la tolérance et la réponse clinique)
. souvent associée aux dermocorticoïdes
Ou
– Dermocorticoïdes : les dermocorticoïdes de niveau d’activité fort (propionate de clobetasol) peuvent rarement être utilisés seuls dans les formes très pauci-lésionnelles et lorsque les taux d’Ac circulants sont très faibles ou nuls
Ou
– En cas d’évolution supérieur 3-6 mois et d’impact significatif sur la qualité de vie
. rituximab seul : 1g à J0 et J14 ou en association à une corticothérapie générale (prednisolone 0.5 mg/kg/jour) puis décroissance rapide avec pour objectif un sevrage en 3-4 Mois
. en cas d’IMC < 18.5 kg/m2 ou > 30 kg/m2 : 375 mg/m2 / semaine pendant 4 semaines
Ou
– Protocole de « lever faible »
. 1ère année : mycophénolate mofétil 2g/jour (accord professionnel) ou azathioprine 100 mg/jour et prednisone 40 mg 1j/2
. 2e année : maintien inchangé du mycophénolate mofétil ou de l’azathioprine et baisse progressive de la prednisone (10-15% toutes les semaines pendant 1 an) avec arrêt en fin de 2è année
. 3e année : diminution de l’immunosuppresseur (de moitié à 6 mois) puis arrêt à la fin de la 3è année
Ou
– Corticothérapie générale : prednisone 1mg/kg/jour
Pemphigus vulgaire
– Dermocorticoïdes : les dermocorticoïdes de niveau d’activité fort (propionate de clobetasol) peuvent rarement être utilisés seuls dans les formes très pauci-lésionnelles et lorsque les taux d’Ac circulants sont très faibles ou nuls
Ou
– Rituximab seul : 1g à J0 et J14 ou en association à une corticothérapie générale (prednisolone 0.5 mg/kg/jour) puis décroissance rapide avec pour objectif un sevrage en 3-4 mois
Ou
– Protocole de « lever faible » (voir plus haut)
Ou
– Corticothérapie générale : prednisolone 1mg/kg/jour
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Pemphigus modérés à sévères
– Atteinte muqueuse
. pluri-muqueuse : ORL, ophtalmologique, œsophagienne, génitale, anale
. buccale étendue ou dysphagie intense ayant entraîné une perte de poids
. et/ou atteinte cutanée > 5% de la surface corporelle
– Pemphigus modérés : score de PDAI > 15 et ≤ 45
– Pemphigus sévères : score PDAI > 45
En 1ère intention
– Rituximab : 1g à J0 et J14 associé à une corticothérapie générale (prednisone 1mg/kg/jour) suivi d’une décroissance progressive avec pour objectif un sevrage à 6 mois
– En cas d’IMC < 18.5 kg/m2 ou > 30 kg/m2 : 375 mg/m2 / semaine pendant 4 semaines
Note : le rituximab sera employé seul (ou avec dermocorticoïdes) en cas de contre-indication absolue ou relative à la corticothérapie générale.
Ou
– Corticothérapie générale seule (prednisone 1-1.5 mg/kg/jour) ou d’emblée associée à un immunosuppresseur conventionnel
– Recommandations sur le choix de l’immunosuppresseur
. mycophénolate mofétil (2g/jour, accord professionnel) ou
. azathioprine (1-3 mg/kg/jour) ou
. methotrexate (15-25 mg/semaine, accord professionnel)
. le cyclophosphamide en bolus ou per os (voie orale) n’est pas recommandé en 1ère intention du fait de nombreux effets secondaires.
. en cas de pemphigus associé à un cancer (pemphigus paranéoplasique ou autre type de pemphigus PV ou PS), l’utilisation du rituximab est envisageable après concertation avec les oncologues
Traitement d’entretien après une cure de rituximab
– Au 6è mois après la 1ère cure (M6)
. en cas de rémission incomplète clinique : 1g en une seule perfusion ou 1g à J0 et J14. La décision de réaliser une ou 2 perfusions se basera sur la sévérité clinique initiale du pemphigus, l’intensité des lésions résiduelles et sur le taux d’ac circulants à M6
. en cas de rémission complète clinique : intérêt d’une perfusion non montré actuellement. Possibilité de réaliser une perfusion de 500 mg ou 1g (selon la sévérité initiale et le taux d’anticorps circulants)
– A M12 et M18
. chez les malades en rémission complète : 500 mg en une seule perfusion à M12 et une autre à M18
-
Traitements associés
Traitement locaux (en association aux traitements systémiques)
Soins locaux cutanés
– Utilisation de bains contenant des antiseptiques (3-4 bouchons pour baignoire) et/ou de l’amidon de blé (une ou deux poignées pour une baignoire) est recommandée
– Les lésions érosives sont habituellement traitées par des applications de dermocorticoïdes
– Les lésions érosives étendues peuvent être couvertes par des pansements utilisant différents types de compresses/pansements protecteurs (interfaces, hydrocellulaires, pas de pansements collants)
. pas de pansement adhérents pour réduire la surinfection, les douleurs et faciliter la cicatrisation
Traitement locaux pouvant être appliqués sur la muqueuse buccale
Uniquement sur lésions accessibles
– Préparation magistrale avec une corticothérapie locale de niveau 1 (clobétasol propionate ou dipropionate de bethaméthasone) associée à de l’Orabase® à appliquer directement sur les lésions
– Clobetasol gel
– Bains de bouche avec prednisolone effervescent ou betamethasone délitable (Célestène ®)
– Injections locales de corticoïdes (à discuter sur des lésions récalcitrantes de la muqueuse jugale ; situation exceptionnelle)
Note : on peut y associer des bains de bouche antiseptiques et des bains de bouche ou des gels contenant un anesthésique local.
Autres traitements associés
– Antalgiques
– Prise en charge nutritionnelle
– Mesures associées à la corticothérapie prolongée
. régime sans sel, pauvre en glucides et lipides
. supplémentation en calcium, vitamine D
. supplémentation en potassium à adapter à l’ionogramme sanguin
. biphosphonates après réalisation d’un panoramique dentaire
Dosage des anticorps circulants à faire au début, M3, M6 (avant arrêt
de la corticothérapie générale) puis tous les 6 mois ou en cas de
rechute
C) Suivi
suivi |
Rythme des consultations – suivi au minimum hebdomadaire jusqu’au contrôle clinique de la maladie – puis mensuel pendant les 3 mois suivants – puis bimestriel ou trimestriel jusqu’à l’arrêt du traitement |
Examen clinique – Précise si la maladie est contrôlée cliniquement (peau et muqueuses) – Recherche des effets indésirables liés au traitement . diabète, déséquilibre tensionnel, décompensation cardiaque (corticothérapie) . troubles respiratoires, signes cliniques d’anémie (méthotrexate) . infections notamment respiratoires (corticothérapie, immunosuppresseurs) . troubles psychiques, myopathie, fragilité osseuse, glaucome, cataracte, etc. |
Paraclinique – Surveillance de l’activité de la maladie . dosage des anticorps circulants à faire au début, M3, M6 (avant arrêt de la corticothérapie générale) puis tous les 6 mois ou en cas de rechute – Surveillance du traitement |