Pneumo – Immuno
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 207
Déf : maladie multisystémique d’origine immunologique, caractérisée par la présence de granulomes inflammatoires, d’expression ubiquitaire mais surtout thoracique.
Physiopathologie : la réaction immunitaire orientée Th1 induit physiologiquement la formation de granulomes autour d’un antigène, ceux-ci sont normalement inhibés par la suite par les lymphocytes Treg exprimant Foxp3 et régressent après élimination de l’Ag.
La sarcoïdose correspond à un défaut d’inhibition, voire une pérennisation des granulomes. La physiopathologie, mal connue, s’explique par plusieurs mécanismes :
– Altération partielle des Treg limitant le contrôle de la réponse immune
– Stimulus antigénique excessif : certains allèles HLA permettent une présentation plus efficace des Ag et sont responsables de formes familiales (HLA-DRB1 ++)
Les conséquences observables sont d’ordre local (compression par le granulome) et systémique (inflammation chronique ± désordres métaboliques). Les macrophages des granulomes sont en effet sécréteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) et de la 1α-hydroxylase formant de la vitamine D active.
Epidémiologie
– Prévalence = 5-20 / 100.000 habitants
– 2 pics de fréquence chez l’adulte : 25-45 ans puis vers 65 ans, discrète prédominance féminine (sex-ratio = 1,5)
– Groupes à risque : non-fumeurs, pompiers, travail des métaux, construction 1A, ethnie afro-caribéenne 1B
La sarcoïdose est un diagnostic d’élimination impliquant les 3 éléments ci-dessous, sauf dans le syndrome de Löfgren, forme particulière au diagnostic radioclinique uniquement 1A
Clinique et paraclinique |
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Radioclinique compatible (ADP, PID, érythème noueux, uvéites, lésion dermato) + arguments histo + exclusion d’une autre maladie granulomateuse |
Sd de Löfgren : arthralgie typique + ADP hilaires bilat. + érythème noueux |
A ) Clinique et atteintes d’organe 1B
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Signes généraux
Asthénie
Fièvre rare en dehors du sd de Löfgren, de Heerfordt (définitions ci-après), atteinte rénale ou hépatique
Amaigrissement si sd de Löfgren ou forme multiviscérale
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Atteinte d’organe (par ordre de fréquence)
Par souci de simplicité, cette section comporte des éléments non-cliniques
Pneumo-médiastinale (90 %, isolée dans la moitié des cas)
– Toux sèche, dyspnée d’effort, souvent modérés en regard de l’atteinte radiologique
– Hippocratisme digital exceptionnel
– Formes typiques (cf. paraclinique), parfois cavitaires ou pseudonodulaires / alvéolaires
Dermato et adénopathies (30-45%)
– Erythème noueux des bras et jambes (sans granulome)
– Sarcoïdes maculo-papulaires, nodules
– ADP périphériques (atteinte épitrochléenne évocatrice !) et profondes
– Lupus pernio = plaque violacée et infiltrée prenant un aspect « en ailes de papillon », siégeant au nez et aux joues, parfois aux oreilles, mains et doigts
– Phénomène de Koebner = épaississement des cicatrices avec infiltration érythémateuse, évoquant une poussée
Ophtalmo (15-30%)
– Uvéite granulomateuse (± choroïdite) avec précipités rétrodescemétiques « en graisse de mouton » 1A
– Nodules iridiens 1A et conjonctivaux
– Atteinte lacrymale, névrite optique
Hépatique (15%) : cholestase anictérique, hépatomégalie
Neuro (5-10%)
– Paralysie faciale périphérique
– Atteintes centrales : méningite lymphocytaire aseptique, atteinte médullaire, épilepsie, hydrocéphalie, troubles psychiatriques, atteinte hypophysaire
ORL (2-4%)
– Obstruction nasale, croûte, épistaxis, anosmie
– Parotidite (sd de Mikulicz = parotidomégalie bilatérale + hypertrophie des glandes lacrymales ; sd de Heerfordt)
– Dysphonie, dyspnée, wheezing
Rhumato (< 5%)
– Biarthrite de la cheville quasi-pathognomonique (en particulier jeune homme blanc 1A)
– Arthralgies, ostéites chroniques
Cardio (< 5%) : BAV, BBD, risque de mort subite !
Néphro (2%) : élévation de la créatininémie, hypercalcémie
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Syndromes et associations notables
Syndrome de Löfgren : arthralgie typique + ADP hilaires ou médiastinales bilat. + érythème noueux, survenant souvent chez la femme
Syndrome de Heerfordt : uvéo-parotidite bilatérale fébrile + atteinte d’un nerf crânien (PF ou autre) + méningite lymphocytaire aseptique
Uvéite postérieure : rechercher une atteinte neurologique centrale
Lupus pernio : formes chroniques, rechercher une atteinte ORL
B ) Paraclinique 1B
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Biologie : signes d’appel (aspécifiques)
Elévation de l’ECA enzyme de conversion de l’angiotensine (60%)
– Reflet de la masse granulomateuse
– Arrêt de tout IEC 48h avant
Hypercalcémie par hypervitaminose D (5-10%, parfois provoqué par une exposition solaire)
Lymphopénie à l’hémogramme, prédominant sur les TCD4, responsable d’une anergie tuberculinique (négativation de l’IDR, 80%)
Hypergammaglobulinémie à l’EPP
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Imagerie
> Radio
Sémiologie des atteintes intra-thoraciques
– Des ADP hilaires ou médiastinales (para-trachéale droite 70%), rarement asymétriques ou compressives (< 5%), ± calcifiées dans les formes évoluées
– Un aspect micronodulaire diffus, prédominant aux parties moyennes et supérieures du parenchyme pulmonaire
– Une fibrose pulmonaire, prédominant sur les parties supérieure et postérieure des poumons, avec des lésions rétractiles (ascension des hiles, distorsion broncho-vasculaire…) ± emphysémateuses (déformation en tente des coupoles diaphragmatiques) et cavitaire (dilatation des bronches 0 à risque de greffe aspergillaire)
Signes radiologiques et classification
Stade | Radio |
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0 1A | N |
I | ADP intrathoraciques bilatérales isolées |
II | Idem + infiltration pulmonaire diffuse, diminution de volume des ADP |
III | Opacités parenchymateuses, nodulaires ou linéaires, sans ADP médiastinale |
IV | Fibrose pulmonaire |
> TDM haute résolution
Intérêts du TDM
– Plus sensible que la radio standard : indiqué dans les formes atypiques
– Détection précoce des signes de fibrose : bronchectasies par traction, distorsion des scissures et des axes bronchovasculaires, rayon de miel
– Détection précoce des complications : greffe aspergillaire (image en grelot déclive avec la position du patient)
Signes caractéristiques de l’atteinte parenchymateuse
– Micronodules à contours nets, confluents, bilatéraux, épaississements péri-bronchovasculaires et réticulations septales
– A l’échelle de l’organe : moitié supérieure du poumon selon une distribution lymphatique (le long des axes péribroncho-vasculaires et zones sous-pleurales, scissures y compris – aspect perlé des scissures)
– A l’échelle du lobule : les nodules prédominent dans la zone péri-lobulaire
> TEP au 18FDG
Indications restreintes (pas en routine!)
– Recherche d’un site superficiel occulte à biopsier en l’absence de confirmation histologique sur les sites habituels
– Confirmation d’une atteinte cardiaque active
– Recherche du mécanisme d’une asthénie profonde inexpliquée
– Evaluation de l’activité de la maladie dans les stades IV radiographiques
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Histologie +++
Choix du site biopsique selon la clinique et son caractère ± invasif
1ère intention
– Lésion cutanée (sauf érythème noueux), ADP périphérique
– Biopsie des glandes salivaires accessoires (rentabilité 40% 1B, élevée même en l’absence de signe clinique ! 1A)
– Biopsies d’éperons bronchiques proximaux (rentabilité 50%)
2nde intention
– Biopsie hépatique si anomalie du BH
– Biopsie de ganglions médiastinaux, biopsies pulmonaires transbronchiques (plus sensibles)
– Médiastinoscopie sous AG (rentabilité proche de 100%) : ssi ADP médiastinale, en l’absence d’autre site biopsique plus accessible
– Biopsie pulmonaire chirurgicale en dernier recours
Résultats : granulomes épithélioïdes gigantocellulaires sans nécrose caséeuse
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Autres examens
> EFR : normal initialement, montre un TVR, plus rarement syndrome mixte ou TVO pur (de mauvais pronostic), diminution précoce de la DLCO
> Lavage broncho-alvéolaire LBA : alvéolite, lymphocytose T avec rapport CD4 / CD8 > 3,5 (inconstant)
C ) Diagnostic différentiel 1A
Infections
– Tuberculose +++ (l’absence de nécrose caséeuse dans le granulome n’exclut pas le diagnostic 0)
– Histoplasmose, brucellose, nocardiose, cryptococcose, coccidioïdomycose, syphilis, fièvre Q, tularémie, leishmaniose, toxoplasmose
Néoplasie : maladie de Hodgkin, lymphome malin non Hodgkinien, et certains carcinomes (avec stroma péri-tumoral)
Granulomatose sarcoïd-like 1B
– Causes iatrogènes : IFN, méthotrexate (nodules rhumatoïdes), BCGthérapie intravésicale
– Syndrome de reconstitution immunitaire chez un patient VIH
Maladies professionnelles : bérylliose et autres exposition aux métaux (aluminium, titane, zinc), talcose pulmonaire
Pneumopathie d’hypersensibilité (d’origine infectieuse, contact animal, isocyanates…)
Maladies dysimmunitaires (± un examen rapide pour confirmer le différentiel)
– Déficit immunitaire commun variable (DICV) : hypogammaglobulinémie
– Wegener (granulomatose avec polyangéite) : ANCA
– Churg et Strauss (granulomatose à éosinophiles avec polyangéite) : ANCA, éosinophilie
– Cirrhose biliaire primitive : Ac anti-mitochondrie
– MICI
A) Histoire naturelle
Dans la sarcoïdose, la guérison est définie par une rémission stable en dehors de tout traitement durant 36 mois 1B. L’espérance de vie est normale, la mortalité liée à la maladie de l’ordre de 0,5 à 5 %. L’histoire naturelle est décrite selon les stades radiologiques 1A :
Stade | Evolutions possibles |
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I | Si ADP unilatérales, bilatéralisation constante en < 3 mois Guérison en < 24 mois (60-90%), ou passage au stade II dans ce délai ! Pérennisation avec calcifications ganglionnaires (7%) |
II | Guérison spontanée (40-70%) Evolution vers le stade III en ≥ 1 an |
III | Guérison spontanée (< 30%) |
IV | Fibrose d’évolution lente, rarement observée avant 3 ans de recul, 5 ans pour les fibroses étendues |
Dans le cas particulier du sd de Löfgren : 90 % de guérison spontanée dans les 12-24 mois, mais il existe de rares formes prolongées ou sévères justifiant un suivi jusqu’à la guérison.
Facteurs pronostiques 1B
– Favorables : érythème noueux, forme aiguë, stade I asymptomatique
– Défavorables majeurs : début > 40 ans, forme chronique, stade III / IV, syndrome obstructif, localisations extra-respiratoires graves (atteinte neuro, cardio, lupus pernio, uvéite, hypercalcémie chronique, néphrocalcinose, atteinte osseuse)
– Défavorables mineurs : origine afro-caribéenne, dissémination, progression rapide
B) Complications
Respiratoires (75 % des décès) : IRC, coeur pulmonaire chronique, hémoptysies massives sur aspergillome 1A, 1B, pneumothorax 1B
Néphrocalcinose et autres complications de l’hypercalcémie 0
Hémorragie digestive : par hypertension portale ou thrombopénie (auto-immune ? 0)
A ) Bilan
Bilan initial (systématique)
Bilan initial devant toute suspicion de sarcoïdose |
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Biologie – Diagnostic positif : NFS, dosage ECA, iono avec calcémie, calciurie des 24h, EPP, IDR à la tuberculine (systématique 1B / pas indispensable 1A) – Signes d’atteinte d’organe : urée, créatininémie, BH – Différentiels: séro VIH 1B – Pré-thérapeutique : glycémie à jeûn |
Imagerie – Rx thoracique F+P – ECG à la recherche d’un trouble de conduction |
Histologie 1B : obligatoire pour le diagnostic sauf en cas de sd de Löfgren complet 1A, 1B ou de radio stade 1 asymptomatique ou avec uvéite isolée 1B |
Bilan ophtalmo complet : examen à la lampe à fente, FO et tonométrie |
Les éléments soulignés dans ce bilan initial seront à répéter lors d’un suivi organisé tous les 3-6 mois jusqu’à guérison complète (le CEP inclut les EFR dans cette liste). 1B
En fonction des signes cliniques ou paracliniques, on peut lancer des bilans orientés 1A
Examens orientés | Indications |
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TDM thoracique ± fibroscopie pour LBA, biopsies | Signes respiratoires / anomalies à la radio |
EFR ± DLCO, pléthysmographie, test de marche de 6 minutes | Signes cliniques évocateurs 1A Ou EFR systématique au bilan initial 1B |
Holter, écho, TEP-scan, IRM cardiaque | Signe cardiaque (clinique ou ECG) |
Nasofibroscopie, TDM des sinus, biopsies de muqueuse nasale | Signes d’atteinte ORL (ou lupus pernio) |
IRM cérébrale | Atteinte neuro avérée ou suspectée (uvéite postérieure notamment 0) |
B ) Traitement
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Traitement préventif (systématique)
Prévention des maladies respiratoires (action sur les FdR respiratoires : tabagisme, RGO, apnée du sommeil, obésité…).
Vaccinations anti-pneumocoque et grippe
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Traitement curatif
En l’absence de retentissement fonctionnel respiratoire et d’atteinte extra-thoracique : aucun traitement n’est nécessaire
En présence de retentissement respiratoire ou d’atteinte extra-thoracique : corticothérapie prolongée > 12 mois (prednisone 0,5 mg/kg/j avec décroissance possible à partir de 6 mois 1B).
Indications
– AEG importante
– Sarcoïdose pulmonaire avec perturbation de l’EFR
– Atteinte myocardique / rénale / du SNC / oculaire postérieure
– Hypercalcémie
Formes réfractaires 1B : d’autres thérapies peuvent être envisagées
– 1ère intention : hydroxychloroquine (anti-paludéen), méthotrexate, azathioprine
– 2e intention : cyclophosphamides, et anti-TNF (attention risque de rebond sous anti-TNF! 1A)
– Transplantation d’organe discutée en cas d’atteinte fonctionnelle terminale irréversible