Rhumato – Immuno
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 193
Déf : Les spondylarthrites (SpA) sont un groupe de rhumatismes inflammatoires chroniques ayant en commun des manifestations cliniques (inflammation des enthèses = insertions des ligaments et tendons) et un terrain génétique favorisant (HLA B27).
Physiopathologie : le rôle du HLA B27 est mal connu, mais sa relation avec les SpA est incontestable (risque relatif > 200) 1A, aboutissant à une réaction inflammatoire impliquant notamment des lymphocytes d’orientation Th17 1B.
La prévalence globale de cet allèle est de 6-8 % dans la population caucasienne, quasi-nulle chez le sujet noir. Elle est augmentée en cas de SpA (SA 90% > arthrite réactionnelle > rhumatisme psoriasique ou associé aux MICI 50-70%).
! Seulement 3% des sujets B27+ développeront une SpA !
Epidémiologie : prévalence globale 0,35 %, révélation avant 40 ans en général, prédominance masculine (sex-ratio 1,5H / 1F)
- Terminologie de Claudepierre et al. (2012)
C’est une description clinico-radiologique, à laquelle on peut ajouter les manifestations extra-articulaires pour décrire au mieux le tableau d’une SpA.
SpA axiale
– radiographique (= avec sacro-ilite = spondylarthrite ankylosante SA)
– non-radiographique
SpA périphérique articulaire : érosives ou non
SpA périphérique enthésitique
- Classification nosologique
Cette classification s’apparente plus à une approche « étiologique » des SpA, mais certaines de ces entités sont mal connues / définies, ou se recoupent entre elles. 0
Spondylarthrite Ankylosante = SA : SpA axiale radiographique
– Forme la plus typique et la plus sévère, diagnostiquée avec les critères de New-York modifiés
– SpA axiale radiologique ± atteinte rhumatismale périphérique (50%), uvéite (10-30%)
– Evolution : sur 10-20 ans par poussées-rémissions, ankylose rachidienne par ossification des enthèses
Rhumatisme psoriasique : cause fréquente de SpA périphérique
– 3 atteintes fréquentes dans le rhumatisme psoriasique, qui sont également des zones bastion (résiduelles après la poussée) : scalp, ongles, et psoriasis inversé (plis)
– Pustulose palmo-plantaire : évoquer un SAPHO (synovite, acné, pustulose palmo-plantaire, hyperostose, ostéite)
– Un psoriasis précède en moyenne de 10 ans le rhumatisme psoriasique, mais peut être absent ou concomitant (rechercher un psoriasis dans la famille dans ce cas!)
Arthrites réactionnelles
– Arthrite aseptique, ± conjonctivite, urétrite / cervicite, dans les suites d’une infection génitale ou digestive
– Sd de Fiessinger-Leroy-Reiter = forme complète, triade urétrite-conjonctivite-arthrite
– Evolution chronique (10-20%), évolution en SA possible
Note : les germes fréquemment en cause dans l’urétrite ou la diarrhée sont Chlamydia, Shigella, Yersinia, Salmonella et Campylobacter
MICI : maladie de Crohn et rectocolite hémorragique RCH
– Arthrites périph., sacro-ilite radiologique (10-20%) voire forme axiale remplissant les critères de SA (5%)
– Association maladie de Verneuil ! (hydradénite suppurée)
– Evolution périph en parallèle de la MICI, évolution axiale « pour son propre compte »
SpA indifférenciées : critères d’Amor / ESSG / ASAS
– Enthésite périphérique (95%)
– Evolution : habituellement bénigne, forme différenciée possible
Clinique / Paraclinique |
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SA : critères de New-York modifiés Autres SpA : critères d’Amor / de l’ESSG / de l’ASAS |
A ) Clinique
4 grands syndromes se combinent de façon variable (enthésopathie axiale et périphérique, sd articulaire et extra-articulaire).
La dactylite est un symptôme particulier à rechercher systématiquement :
– Orteil ou doigt tuméfié, « en saucisse »
– Associant le plus souvent enthésopathie distale + ténosynovite + arthrite
– Causes : rhumatisme psoriasique ++, autres SpA
- Enthésopathie axiale = sd pelvirachidien
Traduit l’inflammation des enthèses du rachis et des sacro-iliaques
Dorsolombalgies évoluant depuis ≥ 3 mois
– Horaire inflammatoire : dérouillage matinal > 30 min, aggravées par le repos, cédant à l’activité physique
– Siège : débute à la charnière thoraco-lombaire, extension descendante puis ascendante
– Raideur axiale (indice de Schöber, inflexion latérale), jusqu’à ankylose rachidienne (disparition de la lordose lombaire)
Pyalgies = fessalgies = sciatalgie tronquée
– Unilatérale, bilatérale ou à bascule
– Déclenchée par les manœuvres de cisaillement sacro-iliaque
– PAS DE SIGNE NEURO
- Enthésopathie périphérique
Atteinte de toutes les enthèses possible, mais prédomine aux membres inférieurs
– Talalgie +++ : typiquement bilatérale ou à bascule chez le sujet jeune, horaire inflammatoire, enthésites rotuliennes
– Atteinte de la paroi thoracique antérieure
- Sd articulaire périphérique
Oligoarthrite des membres inférieurs (genou > cheville)
Coxite fréquente et dangereuse
Atteinte des IPD (rhumatisme psoriasique)
- Sd extra-articulaire
Uvéite aiguë antérieure (= irido-cyclite, 20%)
– Uni ou bilatérale, ou à bascule
– Non-granulomateuse la plupart du temps
– ± uvéite postérieure associée (rare)
MICI : signes de RCH et Crohn
Psoriasis
Atteintes cardiaques : troubles du rythme / de la conduction (lors des poussées), valvulopathies (long terme)
B ) Paraclinique
- Imagerie
> Radiographie +++
Stade 0 : pas d’anomalie radiologique
Stade I : érosion / irrégularité de cortex en regard de l’enthèse
Stade II: érosion avec ébauche d’apposition périostée
Stade III : enthésophyte = ossification cicatricielle le long de l’enthèse
Aspect à la charnière thoraco-lombaire :
– Stade I : érosion de l’angle antérieur de la vertèbres
– Stade II : syndesmophytes ascendants ou descendants
– Stade III : ossification du ligament inter-vertébral jusqu’à un aspect en rail de chemin de fer (« colonne bambou »)
> IRM : souvent signes plus précoces (hypoT1, hypersignal STIR 1B)
> Echo-doppler des enthèses périphériques
> Scinti osseuse au 99mTc : très sensible pour les enthésopathies, peu spécifique
- Biologie
Sd inflammatoire biologique modéré (élévation VS ou CRP dans 60% des SpA non-traitées)
± Recherche HLA B27, d’intérêt discuté pour les cas douteux
– Inutile dans une SA certaine (critères de New-York)
– Ne peut pas éliminer le diagnostic, ni le confirmer avec certitude
C ) Synthèse : critères diagnostiques
Les critères de New-York modifiés permettent le diagnostic de SA :
– Sacro-ilite bilatérale grade ≥ 2* ou unilatérale grade ≥ 3*
– ET au moins 1 critère clinique (lombalgie inflammatoire avec raideur depuis ≥ 3 mois / limitation d’amplitude frontale + sagittale du rachis lombaire / limitation d’ampliation thoracique)
*On distingue 5 stades radiologiques à la sacro-ilite 1B : normal (0), douteux (1), érosion (2) puis érosion avec sclérose (3), et ankylose (4)
Autres scores : de sensibilité et spécificité voisines pour le diagnostic de SpA
Score | Diagnostic positif | Se | Sp |
---|---|---|---|
Critères d’Amor | score > 6 | 85 % | 90 % |
Critères de l’ESSG | 1 critère majeur + 1 critère mineur | 87 % | 87 % |
Critères ASAS | Ssi rachialgie depuis > 3 mois avant 45 ans : – Sacro-ilite à l’imagerie et ≥ 1 signe de SpA* – HLA B27 et ≥ 2 autres signes de SpA* |
82 % | 84 % |
*Signes de SpA à prendre en compte pour l’ASAS :
– Arthrite
– Enthésite
– Uvéite
– Dactylite
– Psoriasis
– Maladie de Crohn / RCH
– Bonne réponse aux AINS
– ATCD familial de spondyloarthrite
– HLA-B27
– CRP augmentée
3) Evolution 1A
A) Pronostic
Les principaux facteurs de mauvais pronostic sont la coxite, le début précoce (< 16 ans), la dactylite, la présence au diagnostic de syndesmophytes, la résistance aux AINS, le tabagisme actif…
B) Complications
Complications fonctionnelles (ankylose) : insuffisance respiratoire restrictive, handicap
Complications propres
– Amylose AA potentiellement fatale
– Dysplasie bulleuse des apex, fibrose pulmonaire
– Atteinte cardiaque : insuffisance aortique, troubles de conduction
– Atteinte osseuse : risque fracturaire, en particulier les formes cervicales évoluées
– Dilatation du cul-de-sac dural : responsable de troubles sensitivo-moteurs des membres inférieurs et de troubles génito-sphinctériens
Complications des traitements (fertilité +++)
4) PEC 1A
A ) Bilan
Le bilan est à réaliser systématiquement une première fois pour réaliser le diagnostic (complété dans les cas douteux par une IRM du rachis et une recherche HLA B27), les éléments de suivi sont les mêmes.
Bilan | Itération |
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Clinique : EVA, nombre de réveils nocturnes, examen complet – scores BASDAI et ASDAS et (indice d’activité de la maladie) – score BASFI (autoquestionnaire d’évaluation du pronostic fctl) |
Tous les 3-6 mois selon l’évolutivité |
Biologique : VS et/ou CRP | Selon évolutivité |
Radiologique : F= face P = profil – rachis cervical : F bouche ouverte + P en flexion et extension – rachis thoracique et lombaire F+P – bassin F – ± autre articulation touchée cliniquement |
Tous les 2-3 ans dans les formes évolutives |
± Recherche de complications : EFR, ECG | Si signe d’appel clinique |
B ) Traitement
- Mesures générales et traitement symptomatique
Education du patient, associations, ALD 100 %
Sevrage tabagique +++
Kiné, réhabilitation
AINS (libération prolongée) : efficace sur > 70% des SpA débutantes
En cas d’échec (1-2 semaines d’inefficacité), essayer un autre AINS. Le diclofenac au long cours n’est pas indiqué (sur-risque cardiovasculaire).
± Autres antalgiques, myorelaxants
± traitements locaux : infiltrations cortico, synoviorthèse, physiothérapie, ergothérapie, appareillages
- Traitement de fond
A envisager chez les patients ne répondant peu / pas aux AINS et aux mesures locales. Seuls la sulfasalazine et les anti-TNF ont été évalués dans la SpA.
Traitements conventionnels (aucun n’a démontré son efficacité pour les SpA axiales 1B)
– Sulfasalazine : arthrites périphériques
– Méthotrexate : arthrites périphériques, en particulier rhumatisme psoriasique
– Léflunomide : rhumatisme périphérique psoriasique
Biothérapies : anti-TNF-α (indications avec AMM)
– Etanercept : rhumatisme psoriasique, SA et SpA axiale non-radiographique
– Infliximab : SA, rhumatisme psoriasique 1A, maladie de Crohn 0
– Adalimumab, certolizumab, golimumab
Note : les anti-TNF-α sont indiqués ssi échec d’au moins 2 AINS sur 2 mois, et avec des critères supplémentaires selon les 3 types de SpA de la terminologie de Claudepierre (cf. COFER pour les critères complets).
Autres biothérapies
– Aprémilast (inhibiteur de la PDE4) : en 2e intention dans le rhumatisme psoriasique
– Sécikinumab (anti-IL17) : en 2e intention dans le rhumatisme psoriasique et la SA
– Ustékinumab (anti-IL23/12) : en 2e intention dans le rhumatisme psoriasique, pas d’effet sur les signes axiaux
- Chirurgie
Indications par geste
– Remplacement prothétique : coxite en particulier
– Libération articulaire : articulation temporo-mandibulaire ankylosée
– Ostéotomie rachidienne : cyphose dorsale majeure (perte du regard horizontal, tbl de déglutition)
– Dérivation du LCS : dilatation du cul-de-sac dural symptomatique
Une réponse à “Spondylarthrite inflammatoire”
Les stades de la sacro-ilite (utilisés dans les critères de New-York) semblent correspondre à la description radiologique des enthésopathies mais avec l’ajout du stade 1 (image douteuse)