1) Généralités 2
Déf : le syndrome de Budd-Chiari (SBC) regroupe l’ensemble des conséquences liées à une obstruction du flux veineux hépatique dans l’espace vasculaire situé entre les veinules hépatiques et la jonction entre la veine cave supérieure et l’atrium droit.
Physiopathologie
– L’obstruction veineuse sus-hépatique ⇒ d’une part congestion sinusoïdale avec augmentation du volume du foie ; d’autre part ischémie et nécrose hépatocytaire
– Hyperplasie nodulaire régénérative et fibrose centro-lobulaire peuvent survenir entraînant une cirrhose
– Hypertrophie compensatrice du segment I du foie (drainage veineux indépendant des veines hépatiques)
– Développement de réseaux veineux de dérivations collatérales limitant l’impact parenchymateux de la congestion veineuse explique l’existence des formes infra-cliniques.
Épidémiologie
– Chez l’adulte
. incidence : 0,68 nouveaux cas ; prévalence : 4,04 cas/million d’habitants (enquête nationale française, 2010)
. prédominance féminine (70%)
. âge moyen = 38,6 ans
– Chez l’enfant
. très rare : < 0,1% des hépatopathies chroniques de l’enfant (pays occidentaux) ; jusqu’à 16% dans certains pays d’Asie
peut s’observer à tout âge.
Etiologies 0
– La cause de l’obstruction est souvent inconnue
– Dans le monde occidental : la cause la plus fréquente du syndrome de Budd-Chiari est la thrombose des veines sus-hépatiques et de la veine cave inférieure (VCI) adjacente. Les causes de cette thrombose sont
. Pathologies thrombotiques (p. ex., déficit en protéine C ou S, syndrome des antiphospholipides, déficit en antithrombine III, mutation du facteur V Leiden, grossesse, prise de contraceptifs oraux)
. Troubles hématologiques
. Maladie intestinale inflammatoire
. Troubles du tissu conjonctif
. Traumatisme
. Infection (par ex kyste hydatique, amibiase)
. Envahissement tumoral de la paroi de la veine hépatique
– En Asie et en Afrique du Sud : la cause est souvent une hépatocavopathie oblitérante*.
* : Obstruction membraneuse de la VCI au-dessus du foie ( probablement secondaire à une reperméabilisation suite à un thrombus ancien chez l’adulte ou une anomalie congénitale comme une sténose veineuse chez l’enfant).
Note : sont exclues les causes comme le syndrome d’obstruction sinusoïdale et les causes cardiaques 2.
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Tableau aigu : insuffisance hépatique aiguë + encéphalopathie hépatique Tableau chronique : ascite, hépatomégalie, douleurs abdominales, etc. |
Echographie doppler hépatique +++ |
A ) Clinique
Terrain : facteurs de risque de thrombose
-
Chez l’adulte
Tableau clinique variable
– Tableau chronique
. HPM + ascite
. douleurs abdominales, présence de varices œsophagiennes, ± ictère
. circulation collatérale thoracique sous-cutanée (spécifique, peu sensible)
– Tableau aigu : insuffisance hépatique aiguë + encéphalopathie hépatique (rare)
Note : suspecter un SBC dans toute situation de maladie du foie aiguë ou chronique, notamment lorsque la recherche des causes habituelles s’avère infructueuse
-
Chez l’enfant
– Apparition tardive des signes
– Tableau chronique : HPM ferme, complications
– Tableau aigu : ascite, œdème, douleurs abdominales, HPM, progression rapidement vers une insuffisance hépatique parfois fulminante.
B ) Paraclinique
-
Chez l’adulte
Echographie doppler hépatique
– exploration de 1ère intention : sensibilité > 75% (opérateur expérimenté et sensibilisé à l’hypothèse d’un SBC
– critères diagnostic considérés comme spécifiques
. absence ou perturbation du flux sanguin dans une veine hépatique
détection d’un réseau veineux collatéral intra-hépatique ou sous-hépatique
Imagerie en coupe TDM et IRM
– aspect en toile d’araignée (remplace image habituelle de la veine hépatique au voisinage de l’ostium)
– image hyperdense à l’emplacement habituel d’une veine hépatique
– survenue de troubles de la perfusion hépatique, aspect « en mosaïque » ou en « feuille de fougère »
– rehaussement du segment I du foie lors de l’acquisition précoce après l’injection du produit de contraste.
Opacification percutanée directe des veines hépatiques : examen invasif historique de référence
Biopsie hépatique
– habituellement non nécessaire lorsqu’une obstruction des gros troncs veineux est diagnostiquée
– peut permettre le diagnostic de SBC limité aux veinules hépatiques
-
Chez l’enfant
Echographie doppler hépatique +++ (opérateur entraîné !!)
Imageries en coupe (complètent le diagnostic et précisent les lésions)
– obstruction isolée des 3 veines hépatiques (2 cas sur 3)
– ou combinée à celle de la VCS (1 cas sur 3)
C ) Diagnostic différentiel
Autres causes de manifestations obstructives hépatiques 0
3) Evolution 2
A) Histoire naturelle
– Des lésions hépatocytaires bénignes peuvent survenir au cours de l’évolution
– Le taux de survie spontanée à trois ans décrit comme défavorable dans les études anciennes (10 %) s’avère en nette amélioration dans les études plus récentes associées à la mise en œuvre des traitements recommandés, de l’ordre de 85 % à cinq ans
– Dans le cas de la grossesse, le pronostic maternel au cours de la grossesse apparaît excellent en cas de SBC bien contrôlé
– Le pronostic fœtal est caractérisé par un risque accru d’accouchement prématuré qui surviendrait dans trois quarts des cas
– La survie globale est de 71 % à 5 ans et 68 % à 10 ans après transplantation, dans une série pourtant ancienne de l’ELTR
(European Liver Transplant Registry)
B) Complications
– Hémorragie digestive (rupture de varices)
– Syndrome hépato-pulmonaire
– Cirrhose
– Complications tumorales (notamment hépatocarcinomes)
4) PEC 2
A ) Bilan initial
bilan |
Trois objectifs principaux – Identification de la situation de thrombophilie sous-jacente ou maladie favorisante (FdR des maladies vasculaires hépatiques) – Etablissement du pronostic (scores de Child-Pugh, score MELD, score de Clichy, score de Rotterdam ou score BCS-TIPS) . score TIPS-BCS : développé pour prédire la survie sans transplantation à 1 an des patients ayant un TIPS Il est défini comme suit : 0,08 x âge (années) + 0,16 x bilirubine (mg/dL) + 0,63 x INR (International Normalized Ratio). Un score ≤ 7 points a une très bonne valeur prédictive négative – Caractérisation d’éventuelles lésions hépatiques focales associées Moyens – Examen clinique complet – Bilan hépatique : ASAT/ALAT > 1 + HPM inhabituelle au cours d’une hépatite aiguë grave oriente vers un SBC – Elastométrie : évalue le degré de fibrose hépatique – Imagerie en coupe |
B ) Traitement
-
Chez l’adulte
Traitement de la maladie causale et anticoagulation
– Traitement étiologique précoce
– Traitement anticoagulant précoce après le diagnostic
. traitement au long cours : réduction de l’extension de la thrombose et prévention de la survenue d’un nouvel évènement thromboembolique
. doses curatives, HPBM d’abord puis relais AVK
– PEC rapide de symptômes liés à l’Hypertension portale (pour éviter les complications hémorragiques en cas d’antiocoagulation)
– Appliquer les recommandations de la cirrhose à la prise en charge des complications de l’hypertension portale (prise en collaborative avec les spécialistes du traitement anticoagulant en cas de gestes invasifs)
Recanalisation
En l’absence de recanalisation spontanée ou sous anticoagulant, on envisage
– Thrombolyse chimique
– Angioplastie (± mise en place de prothèses dans les cas de sténoses partielles et localisées)
– Association des deux
Note : ces gestes de recanalisation sont efficaces chez < 10% des patients occidentaux à long terme. Meilleurs résultats en Asie.
Dérivation
– TIPS +++
– Shunts chirurgicaux
Transplantation hépatique
– réservée aux patients en échec des traitement précédents
– discutée d’emblée en cas de présentation fulminante (surtout si évolution rapidement défavorable malgré le traitement anticoagulant)
– la décision de transplantation repose sur
. le pronostic de la maladie causale
. les chances d’amélioration sans recours à la transplantation
. la présence d’un carcinome hépatocellulaire (CHC)
-
Chez l’enfant
– Instaurer de façon précoce (si le temps permet) une anticoagulation voire une thrombolyse puis une plastie vasculaire ou un TIPS après traitement symptomatique de l’ascite et de l’hypertension portale
– En cas d’impossibilité, d’échec, de syndrome hépato-pulmonaire ou d’insuffisance fulminante avancée d’emblée : transplantation hépatique.
C) Suivi
suivi |
Consultation tous les 6 mois (dépistage d’un CHC) – Alpha-fœtoprotéine – Imagerie hépatique Note : une biopsie hépatique devrait être proposée si la taille du nodule est supérieure à 3 cm, s’il est hétérogène ou se lave au temps portal, si sa taille se modifie ou devant une élévation du taux d’alpha-fœtoprotéine (recommandations de l’European Association for the Study of the Liver : EASL) |