HGE
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 281
Déf : le syndrome de l’intestin irritable (SII), ou colopathie fonctionnelle, est défini par l’association de douleurs abdominales chroniques et de troubles du transit fluctuants 1A, évoluant depuis au moins 6 mois 2.
Physiopathologie : modèle bio-psycho-social
– Troubles de motricité digestive : déclenchés par l’alimentation, le stress
– Troubles de sensibilité digestive : hypersensibilité viscérale (60%)
– Inflammation de bas grade, altérations du microbiote (± pullulation microbienne, notamment en cas de phénotype SII-D)
– Troubles psychologiques : association fréquente (et symptômes plus sévères) avec angoisse, phobie, dépression, événements de vie douloureux / stressants
Epidémiologie
– Prévalence mondiale = 5-15 %
– Diagnostic souvent porté entre 30 et 40 ans, sex-ratio féminin > 2
– Apparition au décours d’une gastro-entérite aiguë (SII post-infectieux, 5-20%)
– Persistance de signes de SII après une poussée de MICI en rémission (SII post-inflammatoire, 30%)
Clinique | Paraclinique |
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Douleur ± ballonnement abdo Troubles du transit type diarrhée motrice, constipation ou alternance ± Signes digestifs hauts, signes extra-digestifs |
NFS, CRP (normales) ± Colo (normale) |
A ) Clinique
Le diagnostic est évoqué devant l’association de troubles digestifs chroniques sans AEG, avec un examen clinique normal.
Douleur abdominale
– Chronique, ≥ 1 jour / semaine durant les 3 derniers mois
– Type : spasme, parfois brûlures (y compris nocturnes dans ce cas!)
– Topo : fosses iliaques (G > D), hypogastre, parfois épigastre, hypochondres, cadre colique
– Horaire : matinale, post-prandiale, absente la nuit, crises de quelques heures / jours
– Facteurs soulageants : émission de gaz / selles, périodes de repos
– Facteurs aggravants : stress, anxiété
Ballonnement abdominal
– De la simple gêne à la tension forte et permanente
– Peut être amélioré transitoirement par l’émission de gaz / selles
Troubles du transit : constants, il existe 3 phénotypes également représentés
– SII-C : constipation prédominante
– SII-D : diarrhée prédominante (motrice, horaire idem douleur)
– SII-A (ou SII-M 2) : symptômes alternants
Note : quand l’interrogatoire n’est pas suffisant, on peut se servir de « Carnets de bord du transit » pour évaluer la fréquence et la consistance des selles sur 2 semaines.
Autres signes fonctionnels
– Signes digestifs hauts : pyrosis, satiété précoce, RGO associé sans oesophagite
– Signes extra-digestifs : céphalées, myalgies, arthralgies, asthénie, bouffées de chaleur, pollakiurie, dyspareunie ; eczéma, urticaire et terrain atopique associés au SSI-D
Critères diagnostiques 2 : les critères de Rome IV permettent de porter le diagnostic de manière standardisée.
B ) Paraclinique
Il n’y a pas de marqueur biologique (pas de sd inflammatoire notamment) ou morphologique du SII. Les explorations complémentaires ont pour but d’éliminer toute autre cause susceptible d’expliquer les symptômes, ils sont décrits dans la partie 4.
C ) Diagnostic différentiel
Autres causes de douleur abdominale, diarrhée, constipation
Le SII est une pathologie chronique très fréquente, avec un fort potentiel d’altération de la qualité de vie, et un coût médico-économique important. « Les guérisons ou les améliorations spectaculaires durables sont inhabituelles ».
A ) Bilan
Bilan devant un SII |
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Biologie – NFS, CRP – Si SII-D ou SII-A : TSH, Ac anti-Tg 1A,2, ± EPS si SII-D à début brutal 2 – ± Calprotectine fécale (non-remboursé) pour éliminer une MICI |
Coloscopie (si SII-D ou SII-A : biopsies coliques systématiques, même en l’absence de lésion endoscopique). Indications : – ATCD familial de cancer ou adénome colo-rectal – Age > 50 ans (en l’absence de coloscopie complète depuis l’installation des symptômes) – Symptômes récents ou récemment modifiés 1A, symptômes nocturnes 2 – Résistance au traitement symptomatique – Signes d’alarme : hémorragie digestive patente ou latente, anomalie de l’examen clinique, amaigrissement |
Autres – EOGD : si signes dyspeptiques, ou diarrhée (exclure une atrophie villositaire ou parasitose) – Tests respiratoires au lactose ou lactulose : si suspicion d’intolérance au lactose ou de pullulation microbienne intestinale – Autres examens (l’échographie et la TDM sont inutiles dans les formes typiques !) |
Après un premier bilan ± exhaustif normal, aucune exploration ne doit être répétée en l’absence de modification de l’expression symptomatique du SII.
B ) Traitement
> RHD
Repas à heure fixe, limiter la caféine, l’alcool
Régime
– Sans exclusion généralement, sauf facteur aggravant identifié (fibre, graisse, lactose)
– FODMAP : pauvre en nutriments fermentescibles, limite les ballonnements et la production excessive de gaz
– Régime appauvri en gluten : peut améliorer certains patients avec diarrhée prédominante (« sensibilité au gluten non-coeliaque »)
± Rechercher une allergie alimentaire par éviction 3-4 mois et test de réintroduction 1A. Le régime sans gluten est sans intérêt en l’absence de maladie coeliaque avérée 2.
L’activité physique a démontré une efficacité pour diminuer la sévérité de la maladie
> Traitements médicamenteux
Antalgiques
– Antispasmodiques 1ère intention : citrate d’alvérine, mébévérine, bromure de pinavérium, trimébutine, phloroglucinol pour un accès douloureux paroxystique
– Pansements gastro-intestinaux (efficacité ‘pas clairement établie’)
– Action sur la sensibilité viscérale : antidépresseurs demi-doses (tricycliques, certains ISRS), efficacité après 10-15 jours 1A ; la prégabaline serait également efficace 2
Régularisation du transit
– Laxatifs osmotiques 1ère intention, ou mucilages (risque de sur-ballonnement)
– Antidiarrhéiques : lopéramide
Action sur le microbiote
– Probiotiques : intérêt clinique modeste, pas de recommandation précise à leur sujet
– Antibiotiques : métronidazole si pullulation microbienne documentée ; certains ATB non-absorbables (rifaximine) sont disponibles aux Etats-Unis et dans certains pays de l’UE
Traitement du ballonnement : aucun médicament n’a prouvé son efficacité sur ce symptôme
> Traitements non-médicamenteux
PEC psychologique : groupes de parole, recours au psychiatre si signes psy au 1er plan
Autres en cours d’évaluation : hypnose, relaxation, sophrologie, réflexologie, yoga, ostéopathie…