1) Généralité 1
Déf : les SMD sont des hémopathies liées à une atteinte clonale et acquise de la cellule souche hématopoïétique (CSH) médullaire, comportant des anomalies cytogénétiques et génétiques (gènes de régulation de l’épigénétique et de l’épissage) entraînant une apoptose et donc à une ou plusieurs cytopénies par « avortement médullaire ». Ces anomalies sont à la fois quantitatives (anémie, thrombopénie, neutropénie) et qualitative (anomalies morphologiques et fonctionnelles des cellules sanguines). Les SMD évoluent fréquemment en leucémie aiguë myéloïde (LAM).
Epidémio
– Incidence = 4 / 100k hab. / an
– Age médian de diagnostic = 65-70 ans, l’incidence monte à 70 cas / 100k hab. / an entre 70 et 80 ans
– Le plus souvent idiopathiques, 15% post-chimio ou radiothérapie pour un autre cancer, mais aussi après une exposition à des radiations ionisantes ou au benzène (cf. FdR partie 2A)
Classification OMS 2016 (simplifiée, cf. commentaire)
Classification (OMS, 2016) des SMD |
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Anémie (ou cytopénie) réfractaire simple (ou avec dysplasie multilignée) |
Anémie réfractaire sidéroblastique (ARSI, 5 %) : > 15 % de sidéroblastes « en couronne » dans la moelle, anémie isolée, bon pronostic |
Anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) : 5-19 % de blastes dans la moelle ± blastes circulants, mauvais pronostic |
SMD avec del(5q) ou « syndrome 5q- » (5%) : terrain = femme > 60 ans, association anémie macrocytaire arégénérative + hyperplaquettose jusqu’à 1000 G/L, mégacaryocytes géants et monolobés, traitement spécifique, bon pronostic |
Syndromes myélodysplasiques / myéloprolifératifs (SMD/P) : formes limites incluant la leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC, avec une monocytose > 1 G/L et splénomégalie), et d’autres variétés beaucoup plus rares |
2) Diagnostic 1
Clinique | Paraclinique |
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Signes liés à la cytopénie : tableau d’anémie, hémorragie, infection | Anémie arégénérative ± autres cytopénies Myélogramme ± BOM : dysmyélopoïèse (75%), blastes (AREB), sidéroblastes (ARSI), permet l’analyse anapath avec caryotype ± FISH |
A ) Clinique
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Facteurs de risque / étiologiques
Chimiothérapie
– Prise prolongée d’agents alkylants (melphalan, chlorambucil, cyclophosphamide, cisplatine etc), analogues de purines (fludabarine, mercatopurine, clorafabine etc), conditionnement d’autogreffe, exceptionnellement pipobroman ou azathioprine (pas les inhibiteurs de topoisomérase II qui donnent plutôt des LAM secondaires non-précédées de SMD)
– SMD jusqu’à 4-10 ans après le traitement
– Anomalies cytogénétiques caractéristiques fréquentes : anomalies complexes portant sur les chromosomes 5 et 7
Toxiques
– Benzène (expositions professionnelles reconnues)
– Tabac : lien très probable (hydrocarbures benzéniques)
Irradiation : d’autant plus que le débit est important et le champ d’irradiation large (expositions professionnelles reconnues, notamment essais nucléaires français 1960-1995)
Hémopathies acquises
– Syndrome myéloprolifératif
– Aplasie médullaire
– Hémoglobinurie paroxystique nocturne
Génétique (1/3 des SMD de l’enfant)
– Trisomie 21
– Autres (très rares) : anémie de Fanconi, neutropénie de Kostmann, neurofibromatose
-
Signes cliniques
Signes fonctionnels
– Signes d’anémie (80%) d’installation progressive chez des sujets âgés.
– Tableau hémorragique en rapport avec une thrombopénie ± thrombopathie
– Tableau infectieux en rapport avec une neutropénie
– Tableau dysimmunitaire général : association à une polychondrite atrophiante, une vascularite systémique ou une polyarthrite séronégative
Signes physiques
– Généralement normal, pas de syndrome tumoral.
– Splénomégalie : évocatrice de LMMC ou autre SMD/P
B ) Paraclinique
> Hémogramme
Cytopénies
– Anémie (quasi-constante) : normochrome, normo- ou macrocytaire, non-régénérative dans la majorité des cas, d’importance variable (50 % < 10 g/dL)
– Thrombopénie (fréquente) : rarement < 50 G/L, une thrombopénie modérée avec saignements évoquent une thrombopathie associée
– Neutropénie < 1,5 G/L, leucocytes totaux normaux ou leucopénie
Autres anomalies
– Blastes (25%) observés en faible nombre, généralement < 5 %
– Anomalies morphologiques fréquentes : neutrophiles dégranulés ou avec noyau peu segmenté
– Un nombre de monocytes > 1 G/L renvoie au diagnostic de leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC), désormais classée dans le groupe des SMD/P
> Myélogramme (± BOM) : indispensable au diagnostic
Moelle de cellularité normale ou augmentée, contrastant avec les cytopénies périphériques, et traduisant une hématopoïèse inefficace.
Dysmyélopoïèse : anomalies morphologiques évocatrices (75%)
– Dysérythropoïèse : anomalies nucléaires diverses, cytoplasmes mal hémoglobinisés
– Dysgranulopoïèse : cytoplasme pauvre en granulations, neutrophiles matures mal segmentés
– Dysmégacaryopoïèse : taille réduite, petit noyau ; ou géants et monolobés (syndrome 5q-)
Autres anomalies
– Anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB, 25 %) : blastes augmentés de 5 à 19%
– Anémie réfractaire sidéroblastique (ARSI) : moelle constituée de > 15% de sidéroblastes « en couronne » mis en évidence par la coloration de Pearls (fer non-héminique dans des granules correspondant à des mitochondries surchargées en fer et agglutinées autour du noyau)
La biopsie médullaire (BOM) n’est indispensable et utile qu’en cas de moelle pauvre (15 % des cas), ou lorsqu’on suspecte une myélofibrose. Elle est réalisée après étude de l’hémostase en raison du risque hémorragique du geste.
> Examen cytogénétique des cellules médullaires – caryotype (± FISH, autres 0) : indispensable au diagnostic, élément essentiel de pronostic
Anomalie dans 50 % des SMD primitifs et 80 % des SMD secondaires, mais aucune n’est spécifique. Les plus fréquentes concernent les chromosomes 5, 7 et 8 : del(5q), monosomie 7, trisomie 8
> Autres examens biologiques
2 examens à visée plutôt pronostique peuvent servir au diagnostic dans de rares cas
– Recherche de mutations acquises : gènes impliqués dans la régulation épigénétique (TET2, ASXL1), l’épissage de l’ARNm (SF3B1), les gènes RAS et TP53
– Cytométrie de flux : recherche d’anomalie des Ag de surface des cellules médullaires
C ) Diagnostic différentiel
Il n’existe aucun signe pathognomonique de SMD, les dysmyélopoïèses doivent être distinguées de celles observées dans d’autres maladies, en particulier les aplasies ou hypoplasies médullaires de toute cause, et les autres causes d’insuffisance médullaire qualitative (avec moelle normale ou riche).
Autres causes d’insuffisance médullaire qualitative
– Carence en B9 et B12 facilement écartées par un dosage vitaminique systématique dans le bilan initial
– Médicaments (Rimifon ®, chimios), toxiques (plomb, cuivre)
– Hépatopathie, toxicité de l’alcool
– Infection virale (VIH, parvovirus B19)
– Maladie inflammatoire chronique
– Infiltration médullaire par des cellules leucémiques, lymphomateuses ou de tumeur solide métastasée
– Myélofibrose
3) Evolution 1
Complications
– Liées au SMD : insuffisance médullaire progressivement croissante (70%) et relativement indolente, hémochromatose post-transfusionnelle (complications hépatiques, cardiaques)
– Evolution vers une LAM (30%), évolution plus rapide et agressive
– La moitié des décès sont liés à d’autres maladies (population très âgée)
Facteurs pronostiques
– Score IPSS (cf. tableau ci-après) +++
– Les caractéristiques des AREB (blastes circulants et/ou médullaires) et une dysmyélopoïèse morphologique sont de mauvais pronostic
– Nombre de cytopénies
– Dépendance transfusionnelle en concentrés érythrocytaires
– Myélofibrose associée
– Certaines mutations : ASXL1, RAS, TP53
– Présence d’une surcharge en fer
Score IPSS – International Prognosis Scoring System (révision 2012) | |||
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Groupe | Fréquence 0 | Description 0 | |
Faible risque | Favorable (ou très bon 0) | 4 % | – Y , del(11q) |
Intermédiaire 1 (ou bon 0) | 68 % | Caryotype normal del(5q), del(12p), del(20q), ou 2 anomalies dont la del(5q) |
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Haut risque | Intermédiaire 2 (ou intermédiaire 0) | 16 % | del(7q), +8, +19, i(17q), toute autre anomalie simple ou double |
Elevé (ou mauvais 0) | 5 % | -7, inv(3)/t(3q)/del(3q), deux anomalies dont -7/del(7q) Caryotype complexe avec 3 anomalies |
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Très élevé (ou très mauvais 0) | 7 % | Caryotype complexe avec > 3 anomalies |
4) PEC 1
A ) Bilan
Bilan pré-thérapeutique
– Ferritine plasmatique chez tous les patients qui vont bénéficier d’un support transfusionnel (en prévention de l’hémochromatose post-transfusionnelle)
– Dosage de l’EPO sérique pour définir quels patients qui trouveront un bénéfice à l’utilisation d’EPO recombinante
Examens à visée pronostique (rarement diagnostique) si disponible
– Recherche de mutations acquises (anomalie dans 80% des cas, mais aspécifiques) : régulation épigénétique (TET2, ASLX1), épissage de l’ARNm (SF3B1), voies de transcription, gènes RAS et TP53
– Cytométrie de flux : recherche d’anomalie des antigènes de surface des cellules médullaires
B ) Traitement
Objectifs de traitement
– Patient à faible risque : améliorer la qualité de vie par la PEC des cytopénies
– Patient à haut risque : enrayer l’évolution de la maladie
– La guérison complète ne peut être espérée qu’en cas d’allogreffe de moelle, en fait assez rarement réalisable
-
SMD à faible risque (IPSS) : PEC des cytopénies
PEC de l’anémie
– EPO recombinante ou ses dérivés – hors AMM : fortes doses pour une durée médiane de 2 ans (efficacité de 50%)
– Syndrome 5q- : traitement spécifique par lénalidomide (efficacité > 60%)
– En cas d’échec de ces traitements de 1ère ligne, la PEC repose sur des transfusions itératives en concentrés érythrocytaires phénotypés avec objectif Hb > 10-11 g/dL, et une qualité de vie la plus normale possible
Note 0 : un agent chélateur du fer est indiqué si la ferritinémie dépasse 1000 à 2000 ng/mL en cas de transfusions itératives
PEC de la thrombopénie 0
– Eviter les transfusions de plaquettes sauf en cas d’hémorragie ou de gestes chirurgicaux (prévention de l’allo-immunisation)
– Des facteurs de croissance plaquettaires mimant l’action de la thrombopoïétine sont en cours de développement (efficacité de 50%)
PEC de la neutropénie 0
– ATBthérapie large spectre couvrant les BGN en cas d’infection
– Les facteurs de croissance granulocytaires sont peu efficaces
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SMD à haut risque (IPSS) : traitements spécifiques
Agents hypométhylants
– Azacytidine = référence y compris en cas d’anomalies chromosomiques, plus rarement décitabine ; action de réduction de l’hyperméthylation
– 60 % de réponse, durée moyenne de 15-16 mois, amélioration significative de la survie
Chimiothérapie
– Réservée à des patients jeunes surtout en cas de caryotype normal
– La chimio conventionnelle (anthracycline + cytosine arabinoside) donne de moins bons résultats que sur les LAM primitives en termes de rémission complète et de survie
Greffe de moelle allogénique : seule technique potentiellement curative
– Réservée habituellement aux patients < 70 ans avec donneur HLA-identique, familial ou non (10-15 % des SMD)
– Chez le sujet âgé, des greffes à conditionnement atténué (sans myéloablation) s’avèrent moins toxiques
2 réponses à “Syndrome myélodysplasique”
Voir l’article (en anglais) sur la Revision 2016 de la classification OMS des SMD (figure 15)
Le réf d’hématologie 2018 mentionne bien la révision de cette classification en 2016… mais ne change pas la sienne. Je laisse en l’état pour l’instant…