1) Généralités 1A
Déf : la syphilis est une infection sexuellement transmissible (IST) due à un spirochète, Treponema pallidum.
Classification 2A
– Syphilis précoce : période la plus riche en tréponème, contagion ++ (J0 à 1an, sans la période d’incubation)
. syphilis primaire ;
. syphilis secondaire ;
. syphilis sérologique ou latente précoce (l’affirmation est difficile, notion de chancre ou d’éruption secondaire récents, antériorité sérologiques récente, contage récent, etc.).
– Syphilis tardive 2B (> 1 an)
. syphilis tertiaire ;
. syphilis sérologique ou latente tardive.
Note : toutes les sérologies syphilitiques d’ancienneté indéterminée sont considérées comme appartenant à la phase de syphilis latente tardive (plus d’un an d’évolution), quelque soit leur taux.
Epidémiologie 2A :
– augmentation +++ dans la population des homosexuels masculins (84% des cas) 1B
– syphilis secondaire plus fréquente chez les femmes et les homosexuels
– 1/3 des patients infectés vont développer une syphilis secondaire
– la syphilis tertiaire a pratiquement disparu (rarissime) 2B
– Mode de transmission 1A
. sexuelle (fellation y compris) +++
. de la mère à l’enfant (2e moitié ++)
. après un transfusion ou après une greffe d’organe (très rare)
2) Diagnostic 1A
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Chancre syphilitique Manifestations cutanéo-muqueuses et systémiques dans les formes secondaire et tertiaire |
sérologie |
A ) Clinique
- Syphilis primaire
> Incubation : durée variable (10 à 90 jours, 3 semaines en moyenne)
> Chancre syphilitique (contagieux +++, constant sauf dans les cas de syphilis congénitale et les rares cas de syphilis transfusionnelles 2A)
– Description
. exulcération ou érosion ;
. ulcération muqueuse (rare) ;
. 5-15 mm de diamètre en moyenne ;
. unique ou rarement multiple ;
. fond rosé, propre ;
. induré +++ (impossibilité de plisser entre deux doigts la surface de l’ulcération qui ne fait qu’un bloc avec l’induration sous-jacente)
. indolore
– Localisation
. chez l’homme : sillon balano-préputial ++ ; sur le gland ou sur le fourreau (rare) ;
. chez la femme : partie externe de la vulve ++ (petites lèvres, grandes lèvres, fourchette) ; vaginal (rare, passe facilement inaperçu)
. chez les deux : muqueuse buccale ou pharyngée ; muqueuse anorectale.
Note :
– ces caractéristiques ne sont pas pathognomoniques (les formes atypiques sont favorisées par les surinfections et les retards à la consultation 2A)
– évoquer un chancre syphilitique devant toute ulcération muqueuse aiguë (génitale, orale ou anale)
> Adénopathie satellite :
– non inflammatoire, unilatérale ++ ;
– peut passer inaperçu (col utérin, rectum, etc.)
- Syphilis secondaire
Dissémination hématogène du tréponème 6 semaines à 1 an après la contamination 1B. Les atteintes sont des éruptions cutanéo-muqueuses entrecoupées de phases asymptomatiques de quelques semaines ou mois. Ces éruptions sont appelées ″ floraisons ”. Elles s’associent à des signes généraux et viscéraux d’intensité variable (neurologique, articulaires, hépatiques, … 1B). Lorsque le chancre persiste au moment de l’éruption secondaire, on parle de syphilis primo-secondaire 2A.
> Roséole syphilides
– première éruption secondaire (6 semaines après le chancre) ;
– passe souvent inaperçue (disparaît spontanément en 7-10 jours) ;
– description
. macules rose pâle ;
. 5-15 mm de diamètre ;
. disséminées sur le tronc ;
– pas de signes associés.
> Syphilides papuleuses
– monomorphes, lésion élémentaire = papule +++
– description
. nombre variable (quelques unes à plus d’une centaine) ;
. couleur cuivrée ;
. ± fine desquamation péri-lésionnelle (non spécifique, évocatrice)
. aspect parfois nécrotique, croûteux ou ulcéré ;
– localisation : visage, tronc et/ou membres.
> Syphilides palmoplantaires
– inconstantes (30% des cas de syphilis secondaire) ;
– discrètes, mais évocatrices (siègent électivement à cheval sur les plis palmaires).
> Syphilides génitales et périnéales (contagieuses +++)
– indolores et non prurigineuses ;
– multiples, molles, papuleuses ou érosives.
> Symptômes cutanéo-phanériens (plus trompeurs)
– fausse perlèche (papule commissurale vendue en deux)
– lésions d’allure séborrhéique des sillons nasogéniens ;
– papules acnéiformes du menton ;
– dépapillation des aires de la langue (plaques « fauchées »)
– dépilation des sourcils ;
– alopécie récente faite de plusieurs aires incomplètement dépilées sur un cuir chevelu intact (en « fourrure mitée »)
Note : polymorphisme des lésions cliniques, diagnostic souvent non évoqué (syphilis = grande simulatrice).
> Signes généraux
– fébricule ;
– céphalées (secondaires à des micro-abcès périostés) ;
– syndrome méningé ;
– raucité de la voix ;
– poly-adénopathies ;
– hépato-splénomégalie ;
– poly-arthralgies ;
– douleurs lancinantes osseuses ;
– altération variable de l’état général ;
– manifestations ophtalmiques* (uvéites antérieure ++, uvéite postérieure, papillite, névrite optique : BAV, phosphènes, douleurs oculaires, etc.)
– atteinte d’une paire crânienne* : hypoacousie ou acouphènes, paralysie faciale
* : manifestations de neurosyphilis « précoce ».
- Syphilis latente précoce
– découverte fortuite (sérologie sur la base de facteurs de risque, sérologie systématique) ;
– succède à la syphilis primaire ; peut être ou non entrecoupée de manifestations secondaires ;
– examen clinique strictement normal ;
– éléments présomptifs : augmentation des titres sérologies non tréponémiques dans l’année précédente, anamnèse évocatrice de manifestations secondaires récentes, notion d’un(e) partenaire infecté(e).
Note 1B: la syphilis congénitale est favorisée par une infection maternelle secondaire, précoce et latente. Elle peut être latente, ou s’exprimer par un pemphigus palmo-plantaire, syphilides, hépatomégalie, atteinte méningée ou osseuse.
- Syphilis tertiaire 2B
Moins de 10% des syphilis récentes non traitées évolueront vers le stade tertiaire.
> Lésions cutanées
– le nombre diminue et la taille augmente avec l’évolution de la maladie ;
– disposition annulaire progressive (papulo-nodule dermique ou hypodermique) ;
– parfois se confondent aux lésions de la syphilis secondaire : syphilis secondaire tardive ou tertiaire précoce ;
– les lésions hypodermiques peuvent devenir des gommes (ils s’ouvrent à la peau et se ramollissent)
> Lésions muqueuses
– réalisent des gommes ;
– localisation : muqueuse buccale, palais et muqueuse nasale.
> Atteinte cardiovasculaire
– domine le pronostic avec l’atteinte neurologique ;
– insuffisance aortique ; anévrisme de l’aorte thoracique.
> Atteinte neurologique (neurosyphilis) : méningite chronique syphilitique (MCS) +++
– MCS + atteinte vasculaire = méningovascularite syphilitique ;
– MCS + atteinte parenchymateuse (lobes frontaux : paralysie générale ; cordons postérieurs de la moëlle : tabès)
– abolition des réflexes photomoteurs + consnervation du réflexe d’accomodation-convergence ou signe d’Argyll-Robertson (non pathognomonique mais fréquent dans le tableau, souvent associé à une anisocorie et un myosis)
– examen neurologique complet : abolition des réflexes ostéotendineux des membres inférieurs, troubles psychiatriques (troubles de la mémoire, démence, … 1B) etc.
- Syphilis latente tardive
– Majorité des patients dont la syphilis précoce n’a pas été traitée.
– signes cliniques de syphilis tertiaire (signes neuro ++)
B ) Paraclinique 1B
La sérologie est le principal examen paraclinique.
Test tréponémique automatisé qualitatif (EIA, ELISA) : test spécifique +++
– recommandé pour le dépistage initial, avant de réaliser un test non tréponémique en cas de positivité (10 jours après le chancre)
– témoigne de l’infection par le tréponème, mais non l’activité de celle ci ;
– reste positif après la guérison (aucun intérêt pour le suivi).
Test non tréponémique quantitatif (VDRL ou RPR)
– non spécifique, mais témoigne de l’activité de l’infection ;
– idéal pour le suivi (positif en absence de traitement, diminue au cours du traitement puis se négative en cas de guérison)
- Interprétation des sérologies
Types | INteRprÉtationS |
Test tréponémique + VDRL/RPR + |
syphilis non guérie; également positifs dans les tréponématoses endémiques |
Test tréponémique + VDRL/RPR – |
syphilis guérie (« cicatrice sérologique « ) ou récente |
Test tréponémique – VDRL/RPR + |
Faux positif du VDRL |
Test tréponémique – VDRL/RPR – |
Pas de syphilis ou sérologie trop précoce ; Répéter la sérologie après 1 à 2 semaines si forte suspicion clinique |
Faux positifs du VDRL 1A
– Causes infectieuses
. Bactériennes : lèpre, tuberculose, pneumococcie, leptospirose, borréliose, scarlatine ,
. Virales : varicelle, oreillons, mononucléose infectieuse, hépatite virale, rougeole, VIH ;
. Parasitaires : paludisme …
– Causes non infectieuses : grossesse, toxicomanie intraveineuse, hépatopathie chronique, gammapathie monoclonale, lupus érythémateux systémique, syndrome des anti-phospholipides, cancers.
C ) Diagnostic différentiel
– Syphilis primaire : autres causes d’ulcération génitale, anale ou bucco-pharyngée
. herpès : ulcérations superficielles douloureuses à contours polycycliques ;
. chancre mou : terrain (Africains), lésions multiples, fond sale, douleurs +++? adénopathies inflammatoires ;
. donovanose : terrain (Africains), lésions peu douloureuses granulomateuses ;
. maladie de Nicolas-Favre (lympogranulomatose vénérienne) : terrain (Africains, homosexuels), anorectite, ulcérations anogénitales, diarrhées trompeuses.
– Syphilis secondaire : toute éruption maculo-papuleuse, fugace ou persistante (grande simulatrice)
. virose (primo-infection VIH), toxidermie ;
. lésions du visage : dermatite séborrhéique, acné, psoriasis ;
. lésions papuleuses : psoriasis (érythémato-squameux), lichen plan, eczéma
3) Evolution 1A
A) Histoire naturelle
– Evolution du chancre syphilitique en l’absence de traitement : guérison spontanée sans séquelle en quelques semaines ;
– puis évolution vers stades plus tardifs (30% des patients ayant présenté un chancre syphilitique vont présenter des signes de syphilis secondaire) ;
– évolution possible vers la syphilis tertiaire sans passage par la syphilis secondaire.
B) Complications 2B
– Complications de la méningite syphilitique
. atteinte radiculaire, paralysie des paires crâniennes, hypertensions intracrânienne, atteinte oculaire (rétinite, uvéite)
. si tableau dominé par atteinte vasculaire : risques d’AVC et de myélites.
– Risques materno-fœtaux 1C : la tansmission trans-placentaire entraîne un risque d’avortement tardif, de prématurité, de RCIU et de MFIU. Le risque de transmission materno-fœtale est estimé entre 30-60% en l’absence de traitement.
– Complications de traitement : réaction d’Herxheimer, liée à la lyse des tréponèmes et toujours bénigne, possible dans les heures suivant l’injection. Elle associe fièvre, céphalées, myalgies et accentuation des signes cutanés.
4) PEC
A ) Bilan initial 1A
BILAN |
Examen clinique minutieux (neurologiques, ophtalmologique, etc.) Bilan des autres IST |
B ) Traitement 1B
Le traitement repose sur la pénicilline G sous forme retard (benzathine-benzylpénicilline) parentérale.
– Syphilis précoce : 1 injection IM (2,4 millions d’UI 1A)
– Syphilis tardive : 3 injections IM à 1 semaine d’intervalle
– Neurosyphilis : péni G (non retard) IV pendant 2 semaines
En cas d’allergie aux pénicillines
– doxycycline pendant 14 jours (100mg matin et soir 1A) ;
– si neurosyphilis ou syphilis de la femme enceinte : désensibilisation recommandée afin d’utiliser la péni G (avis spécialiste ++)
C) Suivi 1B
Le succès thérapeutique est affirmé sur la base de la décroissance du VDRL/RPR.
– Le VDRL/RPR est divisé par 4 à 6 mois ;
– il est négativé à 1 an (syphilis primaire1A), ou à 2 ans (syphilis secondaire1A) ;
– si réascension VDRL : recontamination à évoquer ;
– en absence de diminution du VDRL/RPR 1A
. demander l’avis d’un spécialiste ;
. 3 injections d’Extencilline ® de 2,4 millions d’UI à 8 jours d’intervalles.
D) Prévention 0
– Primaire
. adoptés des rapports sexuels protégés ;
. dépistage du partenaire avant tout contact sexuel ;
– Secondaire
. diagnostiquer à temps et prendre en charge la syphilis précoce (idéalement au stade de chancre syphilitique) ;
. dépister les cas de syphilis latente précoce et les prendre en charge.
Une réponse à “Syphilis”
Attention, il existe une erreur dans le ECN pilly:
Dans le suivi, le VDRL/RPR se négative à 1 an (syphilis PRIMAIRE et non précoce), ou à 2 ans (syphilis SECONDAIRE et non tardive)
Information vérifié dans le E. pilly, confirmé par collège dermato.