Urgences – Neuro
Fiche réalisée selon le plan MGS
Item ECNi 330
Déf : traumatisme intéressant la région de la face et/ou la boîte crânienne.
Physiopathologie : 2 grands mécanismes de gravité du TC fondent la PEC
– Risque infectieux par formation d’une fistule ostéodurale entre l’espace endocrânien et les sinus de la face
– Survenue d’un hématome endocrânien
Epidémiologie
– Incidence = 40 pour 100.000 habitants en France, 10.000 formes graves / an
– 1ère cause de mortalité et de handicap fonctionnel sévère du jeune
– Sex-ratio masculin de 3/1 à 4/1 1B
Etiologies : AVP > accident domestique > agression
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Lésions osseuses, muqueuses, sensitivo-motrices du crâne et de la face ± complications neurologiques et mécaniques |
TDM selon les critères de Masters Clichés radiologiques pour les fractures de la face |
A ) Clinique
! Tout TC est un trauma cervical potentiel !
-
Anamnèse
Circonstances
– AVP avec décélération brutale, secondaire à un malaise, à une tentative d’autolyse
– Existence d’une perte de connaissance ± précédée d’un intervalle libre
– Existence d’une amnésie antérograde / rétrograde 1B
ATCD : d’addiction, prise médicamenteuse (en particulier anticoagulants), état dentaire préalable
-
Examen neurologique 1A
1. GENERAL
Troubles de la conscience et atteinte du TC (cf. item 331)
– Score de Glasgow (contusion, œdème, hémorragies et hématomes cérébraux) et de Liège (atteintes du tronc cérébral)
– Atteinte neurovégétative : ventilation (rythme de Cheynes-Stroke), cardiovasculaire (bradycardie, hypotension), hypothermie
Testing des paires crâniennes (oculomotricité, équilibre et audition, motricité linguale, réflexe du voile ± mobilité cervicale)
Syndrome méningé en cas d’hémorragie méningée / d’infection précoce sur brèche
2. FACIAL 1B
Testing moteur : front, sourcils, paupières, ailes nasales, lèvres, muscle paucier du cou (parésie ou paralysie), ouverture, propulsion et diductions de la mandibule (fonction manducatrice)
Testing sensitif : recherche d’une paresthésie, hypo- ou anesthésie selon les territoires
– Nerf ophtalmique V1 : front, racine et dorsum du nez, paupière supérieure + cornée
– Nerf maxillaire V2 : ailes du nez, de la paupière inférieure à la lèvre supérieure + muqueuses et dents du maxillaire
– Nerf mandibulaire V3 : lèvre inférieure, menton, partie basse de la joue + muqueuses et dents de la mandibule
– Plexus cervical : angle mandibulaire, pavillon de l’oreille
- Examen cutané et osseux 1B
L’inspection est toujours symétrique et comparative, noter les plaies sur un schéma
L’existence d’un œdème post-traumatique, avec un aspect de faciès lunaire, oblige souvent à répéter l’inspection quelques jours plus tard pour les lésions non-urgentes.
! Selon la structure touchée, des particularités anatomiques imposent un examen détaillé !
– Joues : lésions antérieures (atteinte mandibulaire) ou postérieures (nerf facial, canal de sténon)
– Bouche et lèvres : risques respiratoires par inhalation de CE (lambeau de muqueuse, dent) ou épistaxis inhalé
– Paupières : canthus interne (canal lacrymal), bord libre, paupière supérieure (muscle releveur)
– Œil : contusion, plaie perforante, hématome péri-orbitaire bilatéral (fracture des os propres du nez)
Rechercher une lésion d’impact
– Lésion des parties molles 1B : plaie ecchymose, hématome, corps étrangers..
– Lésion de la voûte 1A : plaie du scalp, plaie cranio-cérébrale (exposition de l’encéphale)
Déformation
– Face 1B : enfoncement d’un relief, déviation d’une structure, asymétrie du visage
– Crâne 1A : déformation de la voûte par un fragment embarré
Signes de fracture
Signes directs | Signe indirect : emphysème sous-cutané |
---|---|
Déplacement osseux (asymétrie) Douleur exquise à l’endroit des traits de fracture radiologiques Perception d’une marche d’escaliers au niveau d’un rebord osseux Mobilité anormale |
Crépitation neigeuse signant une expansion depuis une cavité aérienne (sinus maxillaire, frontal, cellules ethmoïdales et plancher de l’orbite) Parfois déclenché par un effort de mouchage, un éternuement, une manœuvre de Valsava |
- Examen ophtalmologique 1B
Voir aussi la fiche « Traumatismes oculaires«
1. ACUITE VISUELLE
Mesure répétée dans le temps +++
Altération en cas d’atteinte rétinienne (décollement, déchirure, hématome), hémorragie du vitré ou atteinte du nerf optique (œdème, contusion)
2. PUPILLES
Forme (déchirure du muscle irien…)
Réflexes photomoteurs (lésion intra-crânienne)
3. PAUPIERES et GLOBES OCULAIRES
Dystopie oculaire
– Enophtalmie, abaissement du globe (fracture des parois orbitaires)
– Exophtalmie, surélévation du globe (hématome intra-orbitaire)
Dystopie canthale médiale ou latérale (arrachement des ligaments palpébraux / fracture de leur zone d’insertion)
Ptosis : atteinte du nerf III ou désinsertion / section de l’aponévrose du releveur de la paupière
Diplopie / limitation des mouvements oculaires
– Atteinte mécanique (incarcération d’un muscle extrinsèque de l’oeil)
– Atteinte neurologique (trauma d’un nerf oculomoteur)
Fonction lacrymale : épiphora ± permanent en cas de fracture de l’os lacrymal
- Examen endocavitaire 1B
1. FOSSES NASALES
Rhinoscopie antérieure au spéculum après mouchage doux
Plaies muqueuses
Déformations ou déplacements de cloison ± effraction du cartilage septal
Hématome de cloison pouvant évoluer en nécrose ischémique et/ou chondrite de cloison
Rhinorrhée aqueuse : signe de fistule ostéodurale
2. CAVITE BUCALE
Lésions dentaires : mobilité, fracture ou perte dentaire (médico-légal ++), modification de l’articulé
Lésions muqueuses : ecchymose, hématome, plaie
Fractures : palpation endobuccale
– Mandibule : déformation, mobilité anormale
– Zygomatique : douleur, déformation et mobilité du cintre maxillozygomatique
– Fracture de Le Fort : mobilité complète de l’arcade dentaire supérieure
– Fracture alvéolodentaire : mobilité d’un secteur dentaire isolé
Examen de gorge : recherche d’écoulements déglutis (épistaxis, rhinorrhée cérébrale) ou de corps étrangers (dent, fragment de prothèse, projectile)
3. CONDUIT AUDITIF EXTERNE
Caillots (otorragie)
Plaie cutanée ou du tympan
Hémorragie rétro-tympanique (fracture du rocher)
B ) Paraclinique
TDM cranio-encéphalique : examen clé permettant de détecter
– Lésions figurées d’enveloppes et de l’encéphale : hématomes, contusions hémorragiques ou œdémateuses, lésions axonales diffuses
– Lésions de la face : fractures ethmoïdo-frontales, sphénoïdales, mandibulaire, du rocher, présence d’un hémosinus, déplacements osseux (argument pour une fistule ostéodurale)
– Analyse du rachis cervical ± autres localisations (corps entier si polytraumatisme)
± IRM en urgence si dissociation radioclinique (tétra ou paraplégie en l’absence de lésion osseuse) pour rechercher une compression discoligamentaire chez un traumatisé vertébromédullaire
Clichés radiologiques 1B : selon la topographie du traumatisme, on utilisera différents clichés radiologiques pour rechercher des lésions osseuses de la face.
MANDIBULE | Orthopanto-mogramme | Défilés mandibulaires | « Mordu » ou occlusal bas | Face basse |
---|---|---|---|---|
Incidence | Panoramique de toute la mandibule | Profil | Cranio-caudal | Antéro-post, nez et front au contact du film |
Structure visualisée | Branches de profil, symphyse de face | Hémi-mandibule | Arc symphysaire | Régions angulaires et branches |
Conditions | Station debout ou assise possible | Absence de lésion du rachis cervical |
TIERS MOYEN | Cliché de Blondeau et Waters | Os propres du nez | Clichés de Hirtz (H) et Gosserez (G) | « Mordu » ou occlusal haut |
---|---|---|---|---|
Incidence | Antéro-post (Blondeau : nez et menton au contact du film) | Profil | Caudo-cranial, tête penchée en arrière | Caudo-cranial |
Structure visualisée | Cavités orbitaires et sinusiennes | Os propres du nez | H : arcade zygomatique G : pyramide nasale |
Prémaxillaire |
DENTS | Clichés rétro-alvéolaires | Orthopantomogramme / mordu bas / mordu haut |
---|---|---|
Incidence | Endobuccal | – |
Structure visualisée | Groupe de 2-3 dents et leur parodonte | – |
La radiographie du crâne de face n’a quasiment plus aucune indication 2 :
– Suspicion de maltraitance chez l’enfant
– Myélome, tumeurs osseuses et métastases
– Ostéomalacie, ostéomyélite, maladie de Paget…
3) Evolution 1A
- Retentissement général – urgences vitales
Coma et ses complications (engagement cérébral, mort encéphalique)
Hémorragie extériorisée
– Epistaxis : généralement bénin, parfois majeur jusqu’au choc hypovolémique
– Otorragie : fracture du rocher et/ou de l’os tympanal, avec ouverture (déchirure du tympan ou de la peau du CAE
! Pas de choc hypovolémique dans le TC isolé, rechercher un saignement !
Asphyxie : en cas d’obstruction des VAS par des caillots, corps étrangers, prothèses dentaires, glossoptose = abaissement de la langue lors des fractures biparasymphysaires déplacées
Ecoulement de LCS : traumatisme du rocher (otorrhée), fistule ostéodurale de l’étage antérieur de la base du crâne (rhinorrhée ou écoulement postérieur) exposant au risque de méningite
- Complications neurologiques précoces
> Contusion cérébrale : ensemble des lésions liées à la transmission de l’onde de choc (collections sanguines ou œdème local et lésions axonales diffuses), pouvant évoluer vers l’HTIC.
> Hématome extra-dural (HED) : collection de sang artériel (artère méningée moyenne) ou veineux (diploé de l’os fracture / décollement d’un sinus dural) entre la dure-mère et la voûte du crâne.
Clinique : l’HED se présente souvent sans signe spécifique pour un TC modéré. Il s’exprime après un intervalle libre où se constitue une HTIC. La localisation préférentielle est temporo-pariétale (> 60%).
TDM : hyperdensité spontanée en forme de « lentille » biconvexe ± effet de masse
> Hématome sous-dural (HSD) aigu : collection de sang entre la dure-mère et l’arachnoïde, par rupture de veines corticales « en pont », ou secondaire à des contusions cérébrales multiples (60-90%), souvent au cours d’un TC avec décélération importante ± FdR hémorragique associé.
Clinique : signes d’HTIC après un intervalle libre bref ; signes de souffrance focale / du tronc, crise d’épilepsie partielle
TDM : hyperdensité biconcave « en croissant » se moulant à la surface corticale, étendue en longueur mais pas en épaisseur ± effet de masse
> Complications vasculaires
Fistules carotidocaverneuses dans les suites d’un arrachement des branches collatérales de la carotide interne : exophtalmie pulsatile, sd du sinus caverneux jusqu’à ophtalmoplégie, souffle systolo-diastolique intra-crânien.
Dissection des artères cervicales : AVC ischémique, hématome cervical compressif
- Complications neurologiques tardives
> Hydrocéphalie : troubles des fonctions supérieures, de la marche et des sphincters secondaires à un trouble de résorption du LCR. Dilatation des ventricules latéraux, hypodensité (TDM ou IRM séquence T2 FLAIR).
> Hématome sous-dural (HSD) chronique : collection liquidienne limitée par une membrane, hémolyse d’un hématome passé inaperçu.
Clinique : survenue après 50 ans (90%), avec FdR hémorragique ou éthylisme chronique
Céphalées, troubles de fonctions cognitives (lenteur d’idéation, troubles mnésiques, confusion), signes focaux (hémiparésie, épilepsie), HTIC.
TDM : collection hypo- ou isodense au parenchyme ± hétérogène, effet de masse
> Epilepsie post-traumatique
> Séquelles incurables
Sd post-commotionnel subjectif : céphalées, vertiges, troubles variés (sommeil…)
Déficits neurologiques focaux
Etats neurovégétatifs
-
Autres complications
Fractures des os du crâne et de la face potentiellement complexes et multilésionnelles
Lésions des parties molles : pronostic fonctionnel et/ou esthétique ++
4) PEC 1A
A ) Bilan
Bilan initial
Bilan initial devant un traumatisme crânien |
---|
Bilan clinique complet appareil par appareil en commençant par les fonctions vitales, permettant la formation de 3 groupes selon les critères de Masters (ci-dessous) |
Bilan biologique systématique : ionogramme sanguin, alcoolémie, TP et TCA |
Bilan d’imagerie : à orienter selon la gravité du choc et les lésions suspectées. Retenir quelques indications urgentes du TDM (indépendamment des critères de Masters, voir référentiel pour l’ensemble des indications) 1B : – Rhinorrhée cérébrospinale – Fracas facial / fracture complexe centro-faciale – Signes fonctionnels ophtalmologiques |
Groupes de risque selon les critères de Masters
Groupe 1 | Groupe 2 | Groupe 3 |
---|---|---|
Risque faible, surveillance à domicile | Risque intermédiaire, surveillance hospitalière 24h | Risque élevé TDM, service de neurochirurgie |
Chez l’adulte : critères de Masters 1A | ||
Asymptomatique Céphalées Sensations ébrieuses Plaie du scalp |
Altération de la conscience courte au moment du TC Céphalées progressives Intoxication Anamnèse mal connue Crise d’épilepsie précoce Vomissements Amnésie Polytraumatisme Lésions faciales sévères Fracture de la base du crâne Age < 2 ans |
Altération de la conscience durable / dégradation Signes neurologiques focaux Plaie pénétrante Embarrure probable |
Critères pédiatriques * 1C | ||
Asymptomatique | Age < 3 mois avec stigmates de TC (hématome) Perte de connaissance initiale Convulsion brève à l’impact Vomissements répétés Anomalie de l’interaction ou du tonus Hématome large du scalp Céphalées intenses |
Glasgow pédiatrique ≤ 14 Signes neurologiques focaux Convulsion persistante ou à distance de l’impact Signes de fracture de la base du crâne, embarrure, plaie pénétrante Persistance d’anomalies de l’interaction, du tonus Fontanelle bombée, augmentation du PC |
* Sont exclus les enfants ayant eu un ATCD neurochirurgical, un retard psychomoteur, un trouble de l’hémostase, un polytraumatisme ou suspects de maltraitance
B ) Traitement
- PEC pré-hospitalière
Rechercher les urgences vitales et fonctionnelles 1B : ces signes peuvent être présents initialement puis être masquées par une dégradation de l’état de conscience
– Asphyxie, choc hypovolémique ou brèche ostéo-méningée
– Diplopie (incarcération du m. droit inférieur), flou visuel / cécité (par atteinte du nerf optique ou plaie délabrante des paupières)
– Perte dentaire : ramasser et conditionner d’éventuelles dents avulsées
– Paralysie faciale
Transfert avec des précautions de mobilisation (minerve rigide et matelas coquille)
Libérer les VAS, intubation trachéale si besoin voire canule de Guédel avec objectifs sat > 90% et normocapnie
Surveillance de la PA : soluté salé isotonique 0.9%, jamais d’hypotonique. Si signes d’engagement cérébral, utilisation de mannitol 20% 0.25 à 1 g/kg à passer en 20 minutes
Hospitalisation en secteur d’urgences vitales (salle de déchocage)
- PEC hospitalière
Traiter les urgences immédiates : hémorragies extériorisées, asphyxie, évacuation d’un HED, cécité
Surveillance horaire : pouls, tension, Glasgow et réflexe photomoteur. Réaliser ou répéter le TDM en cas de détérioration.
PEC des complications neurologiques
En cas d’HTIC
– Tête surélevée de 30°
– Maintien d’une pression systolique normale et d’une normothermie
– Neurosédation
– Hyperventilation assistée avec maintien d’une capnie autour de 25–30 mm Hg
– Restriction hydrosodée, Mannitol 10% 60 mL toutes les 4 heures
– Prévention des crises d’épilepsie
Antiépileptiques : pas de prévention systématique, les situations à risque sont discutées
– HTIC
– Glasgow < 10
– Contusion corticale
– Embarrure / plaie craniocérébrale
– Convulsions lors des 24 premières heures
En cas d’hydrocéphalie : PL itératives puis implantation d’un système de dérivation interne
PEC des autres complications : ces situations sont traitées dans des fiches spécifiques, voir items 329 et 330
C ) Surveillance à domicile 0
Le patient doit être informé des risques encourus à distance et des consignes de surveillance, remises grâce à un document écrit. Il faut reconsulter si apparaissent :
– Somnolence, troubles de la conscience, irritabilité
– Convulsions, troubles de l’équilibre
– Céphalées intenses
– Vomissements répétés
– Asymétrie pupillaire ou vision double
– Ecoulement de sang ou de liquide clair par le nez ou les oreilles
Une réponse à “Traumatisme cranio-facial”
Les HED et HDS sont trop détaillées ici faute de fiche dédiée, ce paragraphe sera à raccourcir quand ces fiches seront publiées !