1) Généralités1
Déf : zoonose due à protozoaire flagellé : Trypanosoma cruzi.
Physiopathologie
– Lésion initiale le plus souvent constituée par une conjonctivite œdémateuse avec infiltration de polynucléaires et présence de formes amastigote libres
– Celles ci envahissent les cellules conjonctives et les histiocytes et l’infiltration devient lympho-monocytaire
– Les formes amastigotes gagnent secondairement les fibres musculaires striées avec un tropisme particulier pour le myocarde et le faisceaux de His
– L’évolution se fait vers la destruction des cellules myocardiques et des cellules de la muqueuse digestive (œsophage et côlon +++)
– Dans les formes chroniques, les organes sont hypertrophiés
– Anévrisme apical gauche et troubles du rythme sont associés
– Lésions constituées d’une dégénérescence de type fibreux et d’une myocytolyse sans parasite. L’hypertrophie colique engendre des troubles du transit et parfois un volvulus.
Épidémiologie
Données épidémiologiques
– Problème de santé publique majeur pour 18 pays d’Amérique latine malgré les importants progrès accomplis ces 15 dernières années en matière de lutte antivectorielle
– En 2009
. prévalence : 8-11 millions de cas
. incidence annuelle : 150000-200000 cas
– La trypanosomose humaine américaine (THA) ou maladie de Chagas
. reste prévalente dans le bassin amazonien, en Bolivie
. a été retrouvée en Guyane française
. est signalée aux Etats-Unis et en Europe chez des migrants
. est encore responsable de 14000 décès/an
Vecteur
– grosses punaises hématophages dans les deux sexes et à tous les stades
– appartiennent à la famille des Réduvidés et à la sous famille des Triatominés
– Triatoma infestans et Rhodnius prolixus : rôle ++ dans la transmissions du parasite à l’Homme
– Les triatomes passent par 5 stades larvaires avant d’atteindre l’âge adulte
– Les insectes parasités transmettent les parasites à leur descendance (transmission transstadiale)
– Une larve parasitée reste infectante jusqu’à l’âge adulte
Réservoir
– Le réservoir animal est immense et compte plus de 180 espèces ou sous-espèces de mammifères sauvages et domestiques
– Réservoir sauvage : varié (opossum et tatou +++)
– Réservoir domestique (essentiellement chiens, chats, souris et rats)
Mode de contamination
– Transmission classique par les déjections déposées sur l’hôte lors de la piqûre des triatomes (milieu rural +++)
– En milieu urbain
. transmission congénitale et par transfusion sanguine (sang total, culot, plaquettes, plasma frais congelé, cryoprécipités) +++
. dons d’organes (rein ++, cœur et cellules souches hématopoïétiques tant à partir de cadavres que de sujets vivants)
. accidents de laboratoire
. ingestion de jus de fruit frais artisanaux laissés à l’air libre et souillés par les déjections des punaises
Parasitologie
Agent pathogène
Trypanosoma cruzi ( protozoaire flagellé)
– dans le sang : forme trypomastigote extracellulaire mobile, 15-20 μm
– dans les cellules : forme amastigote immobile, sans flagelle, 2-3 μm
Cycle évolutif
– Trypanosoma cruzi est éliminé dans les déjections du vecteur sous forme trypomastigote
– Il pénètre activement au travers des muqueuses saines (surtout conjonctive ou buccale) ou de la peau (lésion de grattage, point de piqûre)
– Il se multiplie alors in situ dans les monocytes-macrophages sous forme amastigote
– Il en ressort sous forme trypomastigote pour gagner par voie sanguine la plupart des organes : cœur, système monocytes-macrophages, plexus des systèmes nerveux central
– Le vecteur s’infecte en absorbant du sang contenant des trypomastigotes, très rares en phase chronique
– Ceux ci se multiplie dans l’intestin de l’insecte en 15 jours d’évolution.
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Phase aiguë : chagome ou signe de Romaña Phase chronique : atteintes cardiaque et digestives |
Diagnostic direct Sérologie |
A ) Clinique
-
Phase aiguë
– Lésion cutanée érysipèloïde ou pseudo-furonculose : le chagome (lors de la pénétration du parasite)
– Après une dizaine de jours d’incubation, lorsque le parasite pénètre au niveau des muqueuses de l’œil
. Œdème unilatéral bipalpébral, rougeâtre, et peu douloureux + dacryocystite et adénopathies satellites
. = signe de Romaña (pathognomoniqque mais inconstant)
– Tableau d’hépatosplénomégalie fébrile + œdème et parfois exanthème
– ± anomalies spontanément résolutives à l’ECG (1/3 des cas)
-
Phase chronique
Forme indéterminée
– débute 2 mois après la date de l’infection et peut durer quelques mois voire plusieurs dizaines d’années ou toute la vie (2/3 des cas)
– Absence de symptomatologie clinique (réservoir +++)
Formes cardiaques
– concernent 1/3 des cas
– myocardite (70% des cas)
– extrasystoles (signe de la batterie au Brésil)
– précordialgies (rares)
– bloc de branche droit complet à l’ECG
– phase d’état : myocardite chasagique + cardiomégalie avec anévrisme apical gauche + troubles du rythme et troubles de la conduction ventriculaire ou auriculoventriculaire avec parfois bloc complet
Formes digestives avec « mégaorgane »
– peuvent toucher les viscères creux avec perturbation ou perte de fonction ± associées à une dilatation de l’organe (œsophage et côlon +++, estomac, duodénum, jéjunum, vessie, uretère, vésicule et tractus biliaire)
– atteinte de l’œsophage : apparition d’une difficulté de plus en plus marquée à avaler la nourriture solide
– atteinte du sigmoïde et du rectum : dilatation du côlon
. constipations opiniâtres
. rétention massive de matières fécales
. risque de volvulus
B ) Paraclinique
Diagnostic direct
– Mise en évidence des trypanosomes dans le sang à la phase aiguë
. à frais sur frottis et goutte épaisse colorés par le May Grunwald Giemsa (MGG)
. centrifugation en tube capillaire hépariné ++
. trypanosomes très mobiles retrouvés à l’interface hématies-plasma (micro-hématocrite)
. T. cruzi peut être retrouvé dans le liquide cérébro-spinal (avec ou sans symptomatologie neurologique)
– Après 2-3 mois
. PCR
. culture du sang sur milieu spécifique*
. xénodiagnostic (culture « in vivo » obtenue en faisant piquer un patient suspect par des triatomes non infectés)*
Note * : de moins en moins pratiquées
Diagnostic indirect
Sérologie
– confirmation du diagnostic clinique par deux techniques sérologiques de principes différents recommandée (IFI et ELISA en pratique)
– en transfusion sanguine : dépistage par ELISA seule
C ) Diagnostic différentiel
Pas de données relatives au diagnostic différentiel dans le référentiel.
3) Evolution 1
A) Histoire naturelle
En l’absence de traitement à la phase aiguë : 3-10% des enfants de moins de 3 ans meurent dans les 1ères semaines.
B) Complications
Phase aiguë
– méningoencéphalite
– myocardite aiguë
Formes cardiaques
– Insuffisance cardiaque progressive
– Embolies
– Fibrillations ventriculaires
– Rupture d’anévrisme
Formes digestives
– atteinte de l’œsophage
. dénutrition
. infections pulmonaires récidivantes (phénomènes de régurgitations)
– atteinte du colon : volvulus
4) PEC 1
A ) Traitement
– Nifurtimox (Lampit ®) et benznidazole (Lafepe Benznidazol ® en ATU) sont les deux trypanocides couramment utilisés
. très efficaces en phase aiguë initiale
. discutables en phase chronique
. préconisés dans la forme indéterminée chez les sujets de moins de 50 ans
– Contre indiqués chez la femme enceinte
– Effets secondaires
. nifurtimox : crises convulsives, névrites périphériques, manifestations allergiques
. benznidazole : purpura fébrile, névrites et agranulocytose
B ) Prévention
– Elimination et contrôle des vecteurs
– Amélioration du niveau de vie des paysans et de leur habitat
– Education sanitaire appropriée et traitement des cas humains (notamment enfants et adolescents car ils tolèrent mieux les trypanocides)
– Contrôle des transfusions sanguines et des dons d’organes (en Europes, contrôle épidémiologique sur les donneurs et tests sérologiques ciblés)
– Prévention de la transmission congénitale : dépistage des femmes enceintes à risque.