1) Généralités 1
Déf : la trypanosomose humaine africaine (THA) est une maladie parasitaire endémique transmise à l’Homme par un arthropode vecteur hématophage : la glossine ou mouche tsé-tsé.
Physiopathologie
– Les trypanosomes sont recouverts d’une glycoprotéine de surface variable qui peut être remplacée par une autre antigéniquement
– Cela entraîne une succession de vagues de parasitémie chacune correspondant à un variant antigénique ⇒ réponse immunitaires spécifiques inefficaces
– Le parasite peut gagner le système nerveux central et entraîner une méningo-encéphalite progressive
– Aussi, la glycoprotéine induit une production excessive et prolongée de cytokines (TNF-α, IL-1) ⇒ inflammation chronique et persistante avec probablement une apparition d’auto-anticorps.
Épidémiologie
– Répartition géographique : la THA existe en foyers limités liés à des facteurs propres aux glossines (reproduction, température, humidité, végétation)
. Trypanosoma brucei gambiense : Afrique de l’Ouest et Afrique centrale
. Trypanosoma brucei rhodesiense : Afrique de l’Est
– Réservoirs
. Trypanosoma brucei gambiense : Homme strictement (le rôle du porc a été discuté)
. Trypanosoma brucei rhodesiense : parasite aussi des animaux sauvages (antilopes par exemple)
– Mode de transmission
. piqûre de la mouche tsé-tsé
. transmission congénitales, transfusionnelles et de laboratoires rapportées
Parasitologie
Agent pathogène
– Trypanosomes = protozoaires flagellés fusiformes mis en évidence dans le sang, les ganglions et le liquide cérébro-spinal
– Mobiles ++ à l’état frais
– A la coloration :
. noyau central et point postérieur (kinétoplaste) duquel part le flagelle mobile
. la flagelle part vers l’avant, soulevant la membrane ondulante et se prolongeant par une partie libre en avant du trypanosome.
– Taille : L = 12-42 μm, l = 1,5-3,5 μm
– On distingue
. Trypanosoma brucei gambiense
. Trypanosoma brucei rhodesiense
Vecteur
– Mouches tsé-tsé : diptères du genre Glossina
– Glossina palpalis
. hygrophiles
. vectrices de Trypanosoma brucei gambiense
. niche écologique : forêt et près de l’eau
– Glossina morsitans
. xérophiles
. vectrices de Trypanosoma brucei rhodesiense
. niche écologique : savanes
Cycle évolutif
– Après piqûre d’un Homme infecté, les trypanosomes se retrouvent dans le tube digestif de la glossine
– Débute alors un cycle d’environ 20 jours après lequel ils se localisent dans les glandes salivaires, ce qui rend la prochaine piqûre infectante.
2) Diagnostic 1
Clinique | Paraclinique |
---|---|
Fièvre rebelle aux antibiotiques et antipaludiques, lésions cutanées et adénopathie cervicale (zone d’endémie) | Mise en évidence du parasite dans le sang, les ganglions et le liquide cérébro-spinal |
A ) Clinique
-
Forme d’Afrique de l’Ouest à T. b. gambiense
Après la piqûre infectante
– réaction inflammatoire locale (Trypanosome) transitoire : chancre d’inoculation
– ± adénopathies satellite
Phase lymphatico-sanguine
– Incubation : quelques jours à quelques années
– Fièvre d’évolution « anarchique » ++ ( rebelle aux antibiotiques et antipaludiques)
– Céphalées, asthénie
– ± adénopathies précoces, indolores, mobiles, souvent peu volumineuses touchant les ganglions cervicaux et sus-claviculaires
– Hépato-splénomégalie modérée
– Signes cutanées
. prurit ++
. Trypanides : éruption cutanée peu visible sur peau foncée, polycycliques, érythémateuses, inconstantes et fugaces, sur le tronc et les racines des membres
– Œdème de la face avec aspect lunaire très évocateur
– Troubles cardiovasculaires, palpitations et précordialgies possibles
Phase méningoencéphalitique
Survient après un délai très variable. Signes neurologiques ++
– Troubles sensitifs
. syndrome acroparesthésique avec douleurs musculaires et osseuses profondes objectivé par le « signe de la clé de Kerandel » (vive douleur en tournant une clé dans la serrure)
. troubles de la sensibilité superficielle (dysesthésies, fourmillement)
– Troubles moteurs (apparition plus tardive)
. impotence fonctionnelle
. mouvements anormaux : tremblement, mouvement choréoathétosiques, mouvement de succion
. troubles cérébelleux avec phénomènes d’incoordination motrice
. réflexes anormaux péri-oraux
– Troubles psychiques
. troubles du comportement, de l’humeur
. onirisme exagéré
. hallucinations
. exubérance
. réalisation d’actes répréhensibles
– Troubles métabolique et diencéphalique
. boulimie
. polydipsie
. frilosité
. impuissance
. aménorrhée
– Troubles du sommeil
. anomalies du rythmé circadien (fragmentation des épisodes d’éveil et de sommeil, début des épisodes de sommeil par du sommeil paradoxal) conduisant progressivement à un état d’hébétude quasi-permanent
-
Forme d’Afrique de l’Est à T. b. rhodesiense
– Caractère plus aigu et sévère
– Fièvre, trypanides, troubles cardiaques et hépatiques : précoces
– coexistence des phases sanguine et neurologique
B ) Paraclinique
Diagnostic direct : Mise en évidence du trypanosome dans le sang, les ganglions, le liquide cérébro-spinal (rarement dans le chancre d’inoculation)
Diagnostic indirect : recherche d’anticorps spécifiques
– Test d’agglutination des trypanosomes (CATT) : non applicable aux infections à T. b. rhodesiense
– Immunofluorescence indirecte (IFI) : exige un titre élevé pour exclure les réactions croisées avec les autres agents pathogènes (moins pratiqué)
– techniques de diagnostic rapide en cours de développement
Éléments d’orientation
– NFS
. anémie
. hyperleucocytose avec une monocytose et surtout une plasmocytose (cellule de Mott ++ = gros plasmocytes remplis de vacuoles)
– Protidogramme
. hyperprotidémie avec hypoalbuminémie et hypergammaglobulinémie : élévation considérable des IgM sériques (4-20 fois la normale)
– CRP positive
C ) Diagnostic différentiel
Pas de données relatives au diagnostic différentiel dans le référentiel.
3) Evolution 1
A) Histoire naturelle
– La frome de l’Afrique de l’Ouest à T. b. gambiense aboutit à un état grabataire cachectique en absence de traitement. Le malade décharné et léthargique sombre dans un coma d’évolution fatale avec des complications précipitants la fin.
– Forme d’Afrique de l’Est à T. b. rhodesiense : évolution rapide vers la mort en 3-6 mois
B) Complications
– Infections
– Complications rénales et cardiovasculaires
4) PEC 1
A ) Bilan initial
Bilan pré-thérapeutique |
C’est le bilan de phase Ponction lombaire : présence de trypanosome dans le LCS = phase méningoencéphalitique Leucocytes dans le LCS > 5/mm3 ou taux d’IgM > 10% de la protéinorachie doivent aussi faire penser à une phase méningoencéphalitique |
B ) Traitement
Long et difficile à mettre en œuvre et sous contrôle de l’OMS
Phase lymphatico-sanguine
– Trypanosoma brucei gambiense : iséthionate de pentamicdine (Pentacarinat ®)
– Trypanosoma brucei rhodesiense : suramine sodique (Germanine ®)
Phase neurologique
– T. b. gambiense
. combinaison d’éflornithine et du nifurtimox : NECT (Nifurtimox- Eflornithine Combinaison Therapy) = traitement de première ligne recommandé par l’OMS
. fexinidazole : actif par voie orale aux deux stades de la maladie (déjà disponible)
– T. b. rhodesiense : mélarsoprol uniquement car éflornithine peu actif et mal évacué
C) Suivi
SUIVI |
Clinique : amélioration des signes Paraclinique . disparition des trypanosomes dans le sang, les ganglions et le LCS . normalisation des paramètres biochimiques Suivi tous les 6 mois sur une période de 2 ans. |
D) Prévention
– Lutte contre les vecteurs
. pièges et écrans de couleur bleue ou noire, imprégnés d’insecticides photostable (pyréthrinoïdes)
– Dépistage et traitement des sujets atteins (limitation du réservoir à T. b. gambiense)