1) Généralités 2
Déf : le vitiligo est une pathologie inflammatoire chronique caractérisée par une dépigmentation menant à une décoloration de la peau.
Etiopathogénie
– La maladie résulte de la perte sélective de mélanocytes de l’épiderme
– Elle est complexe et associe des facteurs génétiques, environnementaux, des altérations métaboliques et immunitaires.
– Des anomalies conduisant à une altération de la régénération et / ou de la prolifération des mélanocytes suggèrent un défaut primaire des mélanocytes
– Des études génétiques ont identifié de nombreux gènes en lien avec le vitiligo la plupart associés au système immunitaire
– Au niveau cutané, il existe constamment, notamment au moment de la progression, un infiltrat de lymphocytes T (lymphocytes T CD8+ surtout) produisant des cytokines inflammatoires comme l’interféron (IFN)-g et le facteur de nécrose tumoral (TNF)-a participant à la perte des mélanocytes.
Epidémiologie
– Touche 1-5% de la population mondiale
– Pas de distinction de sexe ou de couleur de peau
– Peut toucher toutes les tranches d’âge ( survient à < 20 ans d’âge dans 50% des cas, < 10 ans d’âge dans 25% des cas)
2) Diagnostic 2
Clinique | Paraclinique |
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tâches cutanées caractéristiques | – |
A ) Clinique
-
Anamnèse
Rechercher une notion de déclenchement par des traumatismes cutanés répétés (frottements, grattage) : phénomène de Koebner
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Examen physique
Examen à la lampe de Wood
– Tâches de dépigmentation
. forme irrégulière
. couleur : très pâles, roses ou presque blanches
– Atteinte pouvant être généralisée, symétrique et bilatérale (vitiligo non segmentaire, forme la plus fréquente)
– Atteinte parfois asymétrique et pouvant suivre des lignes embryologiques (forme segmentaire)
– Rarement présence d’un prurit
– Topographie
. mains, visage, zones entourant les orifices corporels (yeux, narines, bouche, nombril, région génitale)
. zone de plis (sous le bras, aine)
. cheveux (blanchissement)
B ) Paraclinique
Aucun examen paraclinique n’est nécessaire pour le diagnostic positif.
C ) Diagnostic différentiel
Chez l’enfant
– Hypopigmentation post-inflammatoire (dermatite atopique ++)
– Naevus depigmentosus (vitiligo segmentaire)
– Piebaldisme (vitiligo non segmentaire)
– Lichen scléreux (dépigmentation génitale)
3) Evolution 2
– La forme non segmentaire évolue par poussée
– La forme segmentaire évolue après une seule poussée
– Sous traitement
. le traitement n’empêche ni l’extension ni la réapparition de la dépigmentation
. le traitement est prolongé ⇒ stress psychologique, frustration par les échecs thérapeutiques
Note : l’exposition au soleil peut provoquer des brûlures au niveau des zones exposées.
4) PEC 2
A ) Bilan initial
bilan |
Rechercher les pathologies inflammatoires ou auto-immunes associées p. ex : dosage de la TSH et des Ac anti-thyroïdiens (dépistage des thyroïdites auto-immunes) |
B ) Traitement
-
Chez l’adulte
Objectifs
– Arrêter la propagation de la maladie
– Etablir un plan thérapeutique adapté permettant d’obtenir une repigmentation des lésions et permettre de recouvrir la couleur de la peau d’origine
Note : La stratégie thérapeutique est à établir avec le patient et il est important de rappeler l’absence d’indication thérapeutique pour de nombreux traitements actuellement proposés
Indications
Repigmentation de la peau lésionnelle
Traitement médicaux locaux
– Corticothérapie locale
. efficacité meilleure sur les zones photo-exposées
. jusqu’à 75% de repigmentation sur le visage et le cou
. utilisation limitée au niveau du visage et du décolleté (effets secondaires)
. 1 application /jour pendant 3 mois ou 1 application/jour tous les deux jours pendant 6 mois
. effets secondaires : atrophie cutanée, télangiectasies, hypertrichose, éruption acnéiforme et stries
– Inhibiteurs de la calcineurine topiques (TCI)
. pimecrolimus et tacrolimus (le seul disponible en France)
. zones où utilisation des corticoïdes est limitée
. efficace dans la région tête et cou
. 2 applications/jour pendant 10 semaines à 18 mois.
. traitement de maintien : 2 applications par jour, deux fois par semaine pendant une durée indéterminée
. effets indésirables : réactions locales au site d’application (s’estompent avec le temps)
Traitement médicaux systémiques
– Corticothérapie générale
. efficace surtout pour l’arrêt de propagation de la maladie
. doses modérées/fortes de bétaméthasone, ou dexaméthasone à longue durée d’action
Photothérapie
– Photothérapie UVB à spectre étroit
. traitement de première intention pour les maladies étendues affectant plus de 15% de la surface corporelle
. inefficace dans certains sites anatomiques répondant difficilement aux traitements comme les régions acrales (mains et pieds) et les zones dépourvues de réservoir mélanocytaire (leucotrichies)
. deux séances par semaine. Au moins 48 séances avant de juger l’effet de la photothérapie
. effets indésirables : érythème et la sécheresse cutanée
– PUVA-thérapie
. expose les patients à la lumière UV à ondes longues A après traitement avec un photosensibilisant (le psoralène)
. le 8-méthoxypsoralène (8-MOP) par voie orale peut être pris de 1 à 3 heures avant l’exposition aux UVA
. en traitement topique : crème ou pommade à 0,001% peut être appliquée 20 à 30 minutes avant l’exposition, puis lavée par la suite
. deux séances par semaine avec au moins 24 à 48h entre deux séances
. la repigmentation maximale peut prendre 12 à 24 mois
. traitement de deuxième intention : moins efficace que les UVB à spectre étroit, présente un profil de tolérance moins favorable
– Lampe ou lasers excimer
. efficacité excellente, durée de traitement plus cours
. 3 séances/semaine (2 séances acceptables)
. doivent être envisagés pour des maladies localisées, avec une surface atteinte <10%
. repigmentation renforcée par l’utilisation concomitante de médicaments topiques comme le Tacrolimus ou les dermocorticoïdes
. effets indésirables : érythème et les décollements bulleux
– Photothérapie à domicile
. alternative moins coûteuse
. efficacité similaires
. contre-indications et les effets indésirables identiques à ceux de la photothérapie en cabinet
Notes : des association thérapeutiques sont possibles avec la photothérapie
. association avec les dermocorticoïdes
. association avec les TCI (meilleurs résultats avec association TCI-laser/lampe EXCIMER ou TCI-photothérapie UVB à spectre étroit). Prendre en compte le risque de cancers de la peau favorisée par l’association de deux traitements immunosuppresseurs
. association avec les antioxydants : les anti-oxydants seuls ou associés à la photothérapie ne semblent pas apporter un bénéfice majeur
. association avec corticothérapie générale (meilleure repigmentation que lors de la corticothérapie générale seule.)
Traitements immunomodulateurs : peu de données existent pour proposer des traitements immunomodulateurs ou biologiques chez les patients atteints de vitiligo
Traitements chirurgicaux
– Greffe épidermique
. consiste à remplacer l’épiderme dépigmenté par l’épiderme normalement pigmenté de la peau cliniquement saine, prélevé préalablement par bulle de succion
. résultats très satisfaisant d’un point de vue esthétique
. avantages : faible coût, la nécessité d’un équipement relativement simple, un faible taux de cicatrices
. inconvénients : temps nécessaire pour créer les bulles de succion et risque de bulles hémorragiques
– Minigreffes
. consiste à prélever, en peau normalement pigmentée, des biopsies au punch de 1 à 1,5 mm de diamètre environ, et à les transférer en peau lésionnelle dans des sites receveurs de même surface (repigmentation de cette dernière, dans des délais variant de 3 à 6 mois)
. avantages : technique simple et peu coûteuse, ne nécessitant aucun équipement spécialisé
. inconvénients : technique difficile à effectuer sur de grandes surfaces pouvant conduire à des troubles pigmentaires, des anomalies de textures de la peau (phénomène de pavage) et présentant un risque de cicatrices et chéloïdes
– Transplantation d’épiderme de culture pigmenté ou de mélanocytes cultivés in vitro
. avantages : bons résultats esthétiques
. inconvénients : coût, besoin d’équipement spécialisé et d’un personnel qualifié
Notes
– La stabilité de la maladie doit être évaluée avant la chirurgie et se définit par l’absence de nouvelles lésions ou d’une augmentation de taille des lésions dans les 12 à 18 mois précédents
– Dans les cas où l’évaluation de la stabilité des lésions reste difficile à définir, il peut être proposé de réaliser une zone test
– Les patients atteints d’un vitiligo généralisé et instable ont malheureusement un risque important d’échec ou de récidive
– Les atteintes de la tête et du cou ont une réponse supérieure, les localisations acrales et les zones en regard des articulations répondent généralement plus difficilement
Dépigmentation de la peau saine résiduelle
Monobenzyléther d’hydroquinone (MBEH)
– En cas de vitiligo très étendue (la photochimiothérapie fait apparaître dans ces cas des zones de repigmentation ± régulières, mais non confluentes sur les macules dépigmentées : accentuation de l’effet inesthétique de la dermatose)
– Dépigmentation obtenue par applications de MBEH à 20 % (MBEH) : 2 fois/jour pendant plusieurs mois, voire une année
– Avantage : résultat excellent sur le plan esthétique
– Effets secondaires : prurit ou sensation de brûlures sur les zones traitées, érythème, xérose, œdème ou dermite de contact
– Indications
. motivation très importante du patient
. échec des thérapeutiques médicales « repigmentantes » ou impossibilité de leur utilisation
. âge > 40 ans
. observance parfaite pour accepter un traitement local très long, qui comporte de nombreux effets secondaires
. acceptation d’une dépigmentation permanente et irréversible sur les zones traitées (photosensibilité importante et imposant une photoprotection locale)
Laser RUBIS Q-SWITCHED
– largement utilisé pour le traitement des hypermélanoses cutanées, préconisé en cas de vitiligo très étendue
– peut être associée à des applications de 4-hydroxyanisole
Autres indications
– Soutien psychologique du patient
. faire une évaluation de la situation psychologique du patient afin de proposer un accompagnement/soutien avec un psychologue ou psychiatre
. prise en charge des éventuels conséquences de la maladie sur l’estime de soi et la qualité de vie des patients
– Camouflage ou maquillage correctif
. conseils de maquillage correctifs sur les zones dépigmentées donnés par des maquilleurs professionnels ⇒ amélioration +++ de la vie des patients affectés (parties visibles des mains ou du visage +++)
– Association française de Vitiligo
Note : les ateliers collectifs de maquillage correctif organisés par l’association française du vitiligo, et supervisés par un psychologue permettent aux patients d’échanger librement et facilement leur expérience et de trouver des techniques de maquillage correctif qu’ils peuvent reproduire lorsque le besoin s’en fait sentir (sorties, réunions, entretiens professionnels, etc.)
-
Chez l’enfant
La repigmentation obtient de meilleurs résultats chez l’enfant (surtout si traitement précoce)
– Dermocorticoïdes
. bons résultats sur des atteintes localisées
. effets secondaires : locaux (atrophie, stries, télangiectasies, hypertrichose, éruption acnéiforme) ; systémiques (tachyphylaxie, suppression de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, syndrome de Cushing, retard de croissance)
. limiter l’utilisation au visage (risque plus élevé d’atrophie cutanée)
– Tacrolimus
. modalité thérapeutique importante ++
. patients plus jeunes et zones sensibles +++ (paupières et zones de flexion)
. indication pour visage et cou ++
. efficacité +++
. moins d’effets secondaires (sensation de brûlures, érythème transitoire, prurit sur le site d’application)
. données de suivi à long terme rassurantes